Denetos

Vous trouverez ici les histoires pré-datant Fingel, comme plus personne ne peut en témoigner elles ont acquis le statut de légendes.
Coursier
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Denetos

Message par Coursier »

Calliten. Capitale sinane. Une montagne entièrement creusée par l'érosion et par la main des premiers Sinans.



A l'intérieur de celle-ci, un grand escalier en spirale part du sol, longeant les parois internes et donne accès aux différents étages où se trouvent les habitations.

Au rez-de-chaussée, une grande coupole de verre sous laquelle s'érige le palais royal, face aux grandes portes de la cité troglodyte, qui ne sont ouvertes que le jour.

De l'autre côté des portes, une grande étendue de pâturages, entrecoupés de quelques grands bâtiments imposants aux multiples fonctions. L'étendue est encerclée par une muraille qui rejoint les parois de la montagne.

Au-delà de la muraille, le reste du pays sinan, désert de roc giflé par des vents sableux et hurlants.



Dans la salle du trône du palais royal, le roi Sinos, distrait, écoute son chambellan tout en maniant paresseusement une épée.

Les portes s'ouvrent alors sur Denetos, un jeune héros sinan, stratège du Roi Sinos pendant la guerre des Tréponts qui se dirige d'un pas ferme vers le trône.

Le roi se lève pour ranger son épée dans son fourreau, fait signe au chambellan de sortir et se rassied, fixant son regard sur le jeune homme prometteur.



"Sire, je dois vous parler" dit d'une vois ferme le jeune Denetos.



- "Il me semble que c'est que vous faites actuellement, mon cher Denetos." répond le souverain, amusé.



- "Notre peuple est en danger, et nous devons réagir sans quoi il disparaîtra."



- "Le peuple sinan, en danger? Il me semble pourtant que nous venons de gagner une guerre. Entre autres grâce à votre stratégie sans faille, Conseiller."



- "Ma stratégie n'avait pour seul but que d'arrêter la guerre. Ordonner à de courageux guerriers de détruire le Trépont du côté des Eldorians, pour qu'ils ne puissent plus approvisionner leurs troupes, n'avait que pour seul effet de nous donner un avantage temporaire.



Les Eldorians ayant eu exactement la même idée, en détruisant notre propre Trépont, nous n'avons fait que mettre fin au massacre et..."



Le roi grommelle et dit avec humeur : "Cessez donc de parler de massacre ! Il s'agissait d'une bataille honorable."



- "Sire! C'est à vous de cesser de vous leurrer !" crie l'impétueux Denetos.



- "De... de quel droit osez-vous... Je..." répond le monarque, consterné par le ton de son stratège.



- "Du droit que dispose la seule personne qui voit clair dans la situation actuelle. Vous me jetterez aux cachots après si l'envie vous en dit mais écoutez-moi avant !

Les Eldorians sont bien plus puissants que nous, et bien plus nombreux. Si nous avons pu rester à égalité, c'est simplement parce que nous avons demandé à toute la population de se battre.

Le massacre est maintenant terminé et notre peuple décimé mais soyez sûr que les Eldorians n'oublieront pas cette guerre et seront à jamais nos ennemis. Nous sommes en outre voisins du peuple sanguinaire des géants Galdurs qui finiront bien par découvrir notre présence et préféreront se battre avec nous plutôt qu'entre eux !

Vous voulez que les Sinans survivent ? Voire qu'ils deviennent le peuple plus puissant des Landes ? Soit. Je le veux aussi. Mais nous sommes actuellement un peuple démuni, pauvre et sans armée."



- "Je suis au courant."



- "Parfait alors raisonnez donc avec moi : ce n'est pas en nous opposant à tous les peuples connus des Landes que nous survivrons. Ce n'est pas en nous séparant de notre peuple d'origine dans un bain de sang que nous deviendrons puissants. En réalité, il n'y a qu'une seule voie, qu'une seule solution.»



- "Nous rallier avec eux ? Jamais !"



- "Je ne parlais pas de ça, ne soyez pas ridicule ! Je parle d'une solution bien plus radicale... La peur. La terreur."



- "Que voulez-vous dire ?"



- "Nos quelques soldats restant sont découragés et n'ont en outre aucune compétence particulière. Notre peuple est faible. Nous n'avons rien pour nous élever.

Imaginez à présent que nous dotions nos soldats de compétences que jamais aucun peuple des Landes n'a osé utiliser. Qu'avec elles, Sinan devienne synonyme de terreur. Imaginez le sentiment de puissance qui coulera dans les veines de nos hommes. Songez à l'espoir recouvré par notre peuple."



- "A quelles compétences pensez-vous ?"



- "Celles-ci."

Denetos lâche sur la table un énorme grimoire poussiéreux. Sinos écarte de la main la poussière, et lit à haute voix le titre.



- "Les trois arts sombres. De quoi s'agit-il ?"



- "Un traité que j'ai découvert il y a longtemps. Il rassemble des milliers d'informations sur les habilités des Assassins, des Voleurs et des... Nécromants."



Sinos relève immédiatement les yeux vers son conseiller.

- "Que... les... ceux qui ramènent les... les morts à la vie ?"



- "Oui. Le livre explique la magie noire, celle qui permet de contrôler la Mort. Et aussi de la donner, par la lame empoisonnée des assassins et autres guerriers de l'ombre."



- "Frapper un homme dans le dos ne m'a jamais gêné. Quand on se bat, on vainc, c'est la seule chose qui compte...

Mais... la nécromancie ! Si elle nous dépasse ?"



- "Bien enseignée, elle n'est pas dangereuse pour celui qui l'use. Je vous le prouve."

Denetos lance une poignée d'os sur le sol, en récitant d'une voix forte une formule incompréhensible. Une fumée grise entoure les os qui commencent à s'agiter.

Dans un éclair, deux squelettes terrifiant se lèvent, une lance à la main. Ils posent un genou à terre, devant le Roi Sinos.



- "Dotons nos guerriers de ces pouvoirs ! Organisons notre pays selon trois guildes qui enseigneront ces trois arts. Très vite, dix de nos hommes seront bien plus terrifiants qu'une centaine d'Eldorians !

Répandons la terreur chez les peuples primitifs et faibles, affaiblissons nos ennemis humains, et imposons le respect aux Galdurs qui nous respecteront et feront d'excellents alliés."



- "Mais que dira le peuple ?"



- "Si son Roi autoritaire affirme qu'il s'agit de la seule voie, il suivra. Montrez-vous sous votre vrai jour, Sire.

Vous êtes le Roi, vous êtes la loi! Faites taire tous ceux qui s'opposent à vous et assurez vous d'avoir le soutien des trois guildes, qui veilleront tant à notre territoire qu'au calme de la population!"



Le Roi Sinos réfléchit, tout en lissant sa barbe puis, prend la parole.

- "Hmm. Denetos, je vous prie de sortir."



- "Je vous demande pardon ?"



- "Obéissez !"



- "Bien, Sire."



Trois jours plus tard, le Roi Sinos appela son peuple à se réunir au pied de la muraille de sa capitale. La foule rassemblée fut entourée des soldats de l'armée. Seul face à tout son peuple, il clama...



- "Mes fidèles amis ! Vous avez combattu pour moi ! Vous m'avez fait confiance au péril de votre vie ! Je l'affirme aujourd'hui : vous ne le regretterez pas! A partir d'aujourd'hui, notre peuple ne sera plus un peuple soumis à des traditions anciennes et absurdes !

Notre peuple sera à présent synonyme de terreur et de respect! Mes amis, à partir d'aujourd'hui, apprenez à aimer le nom "Sinan". Vous êtes les Sinans! Nous sommes les Sinans! Et nous allons répandre la peur !"

Les soldats répartis parmi la foule se mettent à hurler d'approbation et à applaudir le souverain. Le reste de la population suit le mouvement, entraîné par leurs compagnons armés.

Le Roi fait un signe à Denetos qui le rejoint au-dessus de la muraille, entouré de cinq soldats.



- "Conseiller Denetos, montrez donc aux Sinans quels sont nos nouveaux alliés."



En réponse à cette phrase du souverain, un grand éclair tombe du ciel et frappe le sommet de la muraille. Un écran de fumée empêche quiconque de voir le Roi sur la muraille. Un bruit régulier commence alors à résonner. Un claquement épisodique multiplié par cent. La fumée se disperse. Trente squelettes apparaissent, frappant le sol d'une marche militaire.





Soixante années plus tard...





- "Et c'est ainsi que les mauvaises habitudes des Sinans sont nées ?"



Dans une pièce sombre et humide, un homme vieillissant est assis sur un tabouret, devant une table, les mains liées derrière le dos, entouré de deux hommes cagoulés de noir.

Un quatrième homme en armure, de longs cheveux bruns coulant sur ses épaules,- l'homme qui vient de parler - est assis dans un confortable siège, de l'autre côté de la table.



- "Aussi vrai que je suis Denetos, Conseiller Suprême du Roi Sinos et Primer de la Guilde Nécromants.

Oseriez-vous traiter votre capture importante de fieffé menteur, Capitaine Eldorian Matian ?" dit le vieil homme, un sourire aux lèvres.



- "Il est difficile d'imaginer qu'un seul homme puisse corrompre un peuple entier. Et encore plus difficile de comprendre pourquoi un homme qui a vécu l'exode du pays Nian et les multiples souffrances qui ont suivi, vouloir transformer son peuple en un peuple soumis à un tyran autoritaire et vivant sous le joug de la terreur !" répond du tac au tac le Capitaine, yeux plissés.



- "C'est justement parce que j'ai vécu cet exode, que j'ai fais ce que j'ai fait ! Et qu'à présent, quelles que soient les tortures que vous m'infligiez avant de me mener à la mort, je ne regretterai ni ne craindrai quoi que ce soit !"



- "Je ne vois pas ce que vous voulez insinuer."



- "C'est sûrement loin d'être à la portée d'un simple soldat qui semble ne jamais avoir songé au réel sens de la vie qu'il mène ! Mais puisqu'il semble que vous ayez le temps d'écouter un vil et maudit Sinan, je vais vous combler et vous raconter ce que j'ai vécu puis...vous ferez de moi ce que vous voulez."



- "Faites, j'adore les histoires. Surtout de la bouche d'un des Premiers des Humains des Landes."



- "Soit. Lorsque le lointain pays Nian dont nous, humains des Landes, venons, sombra dans la déchéance et la guerre civile, je n'étais qu'un enfant en bas âge.

Je me souviens cependant des cris, des flammes et de la peur sur tous les visages des fuyards. Je me souviens d'un Johan hésitant et craintif. De mes parents écrasés sous la douleur de voir toute leur vie en cendres, et leur avenir résumé à une longue fuite.

Nous avons marché plus de dix ans, mendiant aux frontières de chaque pays l'hospitalité et l'espoir de pouvoir reconstruire et vivre à nouveau. A chaque fois, l'on nous refoulait, comme des pestiférés, nous humiliant plus encore.

Après neuf années, nous sommes arrivés à l'orée d'une immense forêt. Au loin, nous apercevions de hautes montagnes et savions qu'au-delà, se situait une région sauvage mais vierge, quoique maudite. Notre dernier espoir était d'habituer dans une contrée maudite ! Voyez où nous en étions arrivés !

Pis encore, lors de la traversée de la forêt, mon père rencontra la Mort. L'épuisement avait eu raison du vieil homme. Quelle triste fin pour l'un des plus courageux Capitaines du Nian, décoré par le Roi Criklan ap Glyned en personne ! Mille des trois milles fuyards, - ceux qui marchaient à notre suite – s'arrêtèrent, horrifiés de voir l'un des Grands du Nian, disparaître ainsi.



Hélas, ceux qui étaient devant nous, les deux milles autres, ne l'avaient pas remarqué et avaient continué. Lorsque nous nous en rendîmes compte il était trop tard. Nous les avions perdus. Enterrant en vitesse mon père, nous repartîmes en essayant de retrouver le reste des Nians en exode. En vain.

Nous allions devoir nous débrouiller seuls. Imaginez pour ma mère et ma famille : en plus des souffrances partagées de tous, nous devions à présent endosser le regard accusateur des autres, qui nous rendaient responsables d'avoir perdu Johan et nos deux milles compagnons.

Le reste de la traversée se passa pour moi, - alors jeune adolescent - dans la honte et l'humiliation. Nous savions marcher dans une direction bien différente de Johan.



Un seul évènement vint troubler le reste de cette désespérante marche : lors d'une des haltes, je m'aventurai à l'écart du camp quand je tombais, dans un buisson, sur un cadavre, un poignard encore à la main. Pris d'un haut le cœur, je voulu m'écarter de lui au plus vite mais trébuchais sur une racine et tombai. Couché sur le sol à côté du cadavre, je découvris une sacoche près de sa tête.

Je la pris et sortis du buisson. L'ouvrant, je vis à l'intérieur un énorme grimoire. "Les trois arts sombres" était son titre. Un ouvrage précis sur la nécromancie, les assassins et les voleurs. Mû par un désir de posséder un bien face à la pauvreté des fuyards, je pris la sacoche et le grimoire m'accompagna tout le reste de ma vie.



La traversée de la forêt prit fin. Une très difficile traversée des montagnes éprouva et donna la mort à plusieurs de nos compagnons de voyage.

Une fois les montagnes dépassées, nous arrivâmes non pas dans une belle plaine verte, comme nous l'avions imaginé mais dans un désert de glace, fouetté par les tempêtes de neiges et un vent glacial. C'est un nouvel enfer que nous dûmes traverser. Nous avions même repéré au loin, des villages habités par des géants qui n'avaient pas l'air très accueillants, les Galdurs. D'autres souffrances, d'autres morts.

Nous continuâmes vers le sud et enfin, arrivâmes dans un lieu un peu près habitable : une grande steppe, hérissée de falaises et de montagnes aux flancs oranges et bruns. Presque un désert mais nous en avions assez de l'exode.

Un campement fut installé à l'ouest de cette plaine, au pied d'une immense falaise verticale, semblant ne pas en finir en hauteur ni en largeur. A une centaine de mètres du campement, un passage étroit duquel sortaient des vents hurlant qui virent de nombreux compagnons firent d'horribles cauchemars, coupait cette falaise en deux. Le lendemain nous changions d'endroit.

Nous découvrîmes, plus à l'est une montagne aux flancs presque perpendiculaires au sol mais criblés de trous.

Un petit groupe décida d'aller explorer ces trous et découvrirent que la montagne était creuse.

Ainsi naquit l'architecture des Sinans : habitant tels des troglodytes dans des montagnes creusées, mais laissant au pied de celles-ci quelques grands bâtiments et des fermes, pour cultiver les rares zones de terres fertiles.



Aujourd'hui, toutes les villes sinanes sont ainsi, comme vous le savez : une montagne trouée, au pied de laquelle trônent de grands bâtiments et quelques pâturages, entourés d'une muraille pour les protéger des vents secs et sableux.

Nous étions enfin installés et un espoir de bonheur jaillit.

Pendant cinq années, notre peuple pansa ses blessures et notre ville devint capitale. Les soirs où j'étais seul et libéré de toute tâche, je lisais mon fameux grimoire, curieux mais effrayé. Le premier sort noir que je découvris permettait de dégager une aura sombre mais protectrice autour de moi. Il me fallut de longs mois pour maîtriser cette première découverte.

Ma famille était toujours constamment humiliée, toujours accusée inconsciemment de tous les maux rencontrés. Je décidai de changer la situation et un soir, armé de courage et surtout, de ce nouveau sort, osai ce que plus personnes n'avait osé depuis longtemps : entrer dans le passage étroit de l'immense falaise orientale pour tenter de découvrir ce qu'il y avait au bout.

Tous avaient renoncé après que plusieurs courageux y aient perdu la vie, sous les dangereux éboulis. Mais mon aura magique me permit d'éviter tous les dangers. La traversée fut néanmoins longue.



Vous connaissez la suite. Je suis parvenu au bout et suis arrivé dans votre contrée. J'avais provoqué ce que les fuyards séparés rêvaient depuis longtemps : les retrouvailles des deux groupes perdus dans la forêt. Ceux qui avaient suivi Johan et nous qui l'avions perdu, s'étaient retrouvés. Je fus accueilli comme un héros d'un côté comme de l'autre, et l'on oublia d'humilier ma famille. J'étais devenu l'intermédiaire des deux peuples séparés par le destin, puisque le seul capable de traverser le passage.



Jusqu'au jour où Johan conçut la plus ambitieuse idée : la construction des Tréponts. Deux ponts à trois branches, de chaque côté du passage (une branche partant du sol, face à l'entrée du passage, les deux autres aboutissant sur les deux sommets séparés de la falaise scindée).

La construction prit un an seulement, tous s'y étaient mis des deux côtés. Quand elle fut achevée, les deux peuples se retrouvèrent enfin. Les retrouvailles furent fêtées des jours durant et j'étais au centre de toutes les effusions. La souffrance semblait avoir été mise au banc par l'espoir et l'irradiant bonheur.



Pourtant il ne dura guère : il y eut d'abord la mort de Johan, sombre présage puisqu'il n'avait pas nommé qui de ses deux fils le succédait, - Eldos ou Sinos. Ensuite, celui qui avait conçut le Trépont découvrit, en consolidant l'une des branches sur le sommet de la falaise, que celle-ci regorgeait de réserves inépuisables d'or.

L'or fit naître chez les deux princes des ambitions encore plus dévorantes et dévastatrices qu'on n'eut pu l'imaginer. Le peuple récemment réuni fut à nouveau déchiré et le pire de massacres eut lieu.



Deux foules d'anciens amis et compagnons d'infortune, plus civils que soldats, s'affrontèrent dans un bain de sang. La folie cessa quand les deux princes qui se tenaient loin du champ de bataille (les sommets de la falaise) conçurent le même plan : celui de détruire le Trépont de l'autre, pour acculer l'armée ennemie.

Les seuls survivants du massacre furent ceux qui étaient restés près de leur prince, au bas des Trépont. En effet, ceux qui n'avaient pas péri par les armes se retrouvèrent coincés au sommet maintenant inaccessible de la barrière rocheuse. La plupart finirent par se jeter du haut de celle-ci, pour en terminer."





- "Jolie synthèse bien que je ne sois pas d'accord avec la fin : vous savez pertinemment bien que c'est Sinos qui a déclaré la guerre à Sa Majesté Eldos !"



- "Et tout Sinan vous répondra que c'est le contraire qui a eu lieu. Mais peu importe, la véracité de l'Histoire, je m'en soucie guère, seule la mienne m'a toujours importé. Les deux souverains sont tout autant assoiffés de puissance que de stupidité."



- "Vous dénigrez votre propre roi ? Mais quel genre d'anarchiste êtes vous ?"



- "Je ne suis pas un anarchiste. Mais un homme qui après le Massacre du Trépont, s'est rendu compte que toute sa vie, il avait souffert. Un homme qui a vu son père, héros respecté, mourir comme un manant de basse couche, démuni et humilié. Qui a vu ses deux frères mourir durant le massacre, et ses deux autres frères survivre à celle-ci mais se jeter du haut de la falaise, abandonnés de tous.

Qui a vu sa mère mourir de chagrin et de fatigue. Qui a vu son peuple se morfondre dans le sentiment qu'il allait disparaître.

J'ai tout simplement décidé qu'il était temps que le cauchemar prenne fin. Après toutes ces souffrances, j'avais le droit plus que quiconque de vivre enfin décemment et de connaître le bonheur.

Juste après la mort de ma mère, j'ai fouillé mes affaires pour sortir ce que je n'avais jamais osé explorer plus avant : le grimoire des trois arts noirs."



- "Que...c'est tout simplement ça l'explication de vos actes ? Espérer vivre un peu mieux ?"



- "Espérer, non. Réussir oui. Après que le Roi Sinos ait annoncé à son peuple qu'il allait devenir un peuple de terreur, je suis devenu son Conseiller Suprême. Premier nécromant des Landes, je suis en outre devenu le plus respecté, et depuis sa création, dirige la Guilde des Nécromants.

J'ai toujours été le plus puissant puisque ayant gardé au secret des pages du grimoire, pour mon usage personnel. J'ai eu le plaisir de voir de nombreux ennemis tomber sous ma puissance, sans que j'aie à intervenir directement.

Tous les Sinans m'ont toujours craint et respecté, toutes les femmes voulaient se glisser dans ma couche. Des années ont passé et j'ai rencontré une femme plus belle que toutes les autres. L'amour que j'ai vécu et mon mariage, n'ont pas laissé une minute de répit au bonheur. Celle-ci a donné naissance à trois garçons et une fille. Ma fille est marié au fils de Sinos et mes garçons sont déjà vénérés par leurs pairs.



Y a-t-il une autre définition du bonheur que celle-là ? Dites-le moi donc ! Quant à mon peuple, s'il est peut-être loin d'être le peuple qui peut le plus se targuer de vivre confortablement, c'est néanmoins un peuple fier, respecté et craint. Le prix de la longévité.

En le transformant, je me suis taillé une place en or et ai vécu pleinement tout le reste de la vie.

A présent, vous qui m'avez capturé, vous pouvez me torturer et me tuer, cela ne changera rien. Je n'ai et n'aurai jamais aucun regret. J'ai tout vécu. Amour, gloire, prospérité et pouvoir."



- "Je suis consterné... C'est là le sens que vous donner à la vie ?"



- "Que croyez vous être le véritable sens, en fin de compte ? Lutter toute sa vie pour une cause perdue d'avance ? Pour une paix qui ne verra jamais le jour ? Pour un monde qui sera toujours gangrené par ceux qui le composent ? Nous sommes des fourmis.

Des destinés à disparaître. Autant partir avec l'impression d'avoir véritablement profité de ce qui nous était offert."



- "Mais de là à sacrifier un peuple entier pour son plaisir personnel ! C'est innommable !"



- "Laissez moi donc rire, pantin ! Que croyez vous que vous faites, vous, Eldorians ? Etes vous assez stupide pour croire que votre nationalisme est meilleur qu'un égoïsme individuel ? Réfléchissez donc ! Quelle différence existe-t-il entre un individu qui sacrifie le sort de son peuple pour son propre bonheur et un peuple qui sacrifie la paix de toute une contrée pour s'offrir à lui-même un confort égocentrique ?"



- "De quoi parlez vous ?"



- "Ne faites pas l'innocent, Capitaine ! Ces Hommes Bleus que vous massacrez tous les jours ! Ces Sauriens que vous considérez comme des animaux ! Ces Kultars que vous écrasez sous votre botte ! Tout les Eldorians considèrent tous les autres peuples des Landes comme des races inférieures, primitives. Des barbares à civiliser.

Alors que nous Humains, n'avons même pas été capables de rester unis entre nous ? Alors que nous nous massacrons joyeusement entre nous ?

Si un peuple a le droit de faire souffrir tous ses voisins pour son propre confort, alors un individu peut se permettre d'obtenir la même liberté !"



- "Vous avez tort ! Je... ce n'est pas... mais..."



- "Vous voyez ? Vous n'êtes même pas capable de défendre votre peuple ! Vous..."



L'interrompant, la porte de la pièce s'ouvre brutalement et claque contre un mur. La voix du Roi Eldos retentit, forte et autoritaire...



- "Capitaine ! Je vous avais dis de ne pas prêter l'oreille aux propos de cet individu. C'est un Sinan ! Un rat pernicieux qui aura vite fait de vous embobiner sous ses propos fielleux ! C'est cloporte à écraser, comme tous ceux de son peuple !"



- "J'ai voulu lui soutirer des renseignements stratégiques, Sire !" répond le Capitaine.



- "Un autre massacre en vue, Roi Eldos ? Vous devriez parler à votre frère, il envisage le même plan" dit en ricanant Denetos.



Le Roi sort son poignard et le pointe sous le cou de Denetos : "Bouclez là, cloporte !"



Denetos sourit et répond : "Cloporte, primitif, rat,... Vous pouvez me traiter de tous les noms, Sire, cela ne changera rien à la vérité de tout cela : j'ai vécu la plus belle des vies, conscient de mon égoïsme, contrairement à ceux qui se voilent les yeux et pensent vivre dans le bonheur, et imaginent être sur le bon chemin, alors que tout est illusoire !

Quant au reste... vous avez perdu, Majesté."



- "De quoi parlez vous encore ?"



- "J'ai été maître de ma vie. Je suis maître de ma mort."



Le Roi n'a pas le temps de réagir que Denetos a saisi la main de celui-ci et s'est enfoncé le poignard menaçant dans le cou.

S'étouffant dans son sang, Denetos prononce une dernière phrase, d'une voix rauque et déjà sans vie...



"Je suis l'esprit des peuples des Landes Eternelles. Je suis l'égoïste qui sera au cœur de tout être qui naîtra en ces terres ! J'ai créé la civilisation des Landes !

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