A toi

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
Vanel Syngh
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Inscription : 22 mars 2019, 11:49

A toi

Message par Vanel Syngh »

Je me rappelle...

Le navire glisse sur le miroir en cette matinée, emporté par les courants et le souffle régulier d'un vent tiède qui vient d'ailleurs. Assis sur une des réserves d'eau, la plume dans une main, son carnet dans l'autre, il observe autour de lui les marins s'employer à remettre un peu d'ordre sur le pont.
La nuit avait été agitée. Ce n'était pas la tempête des premières semaines. Tout au plus un caprice céleste suffisant à rompre l'ordre établi des choses sur un bateau.
Certains voyagèrent s'étaient plaint auprès du capitaine, protestant qu'on aurait dû les prévenir avant l'embarquement. Il avait utilisé ces mots en affichant une dentition d'un autre temps.

C'est qu' le début ! Hin hin !

Pour lui c'était la fin.

Je me rappelle... du silence. De murmures aussi. Celui du vent contre la poussière et celui de l'eau sur le sable. Je me rappelles des rires qui ne font pas de bruit et des regards qui hurlent... Je me rappelle...

L'air sérieux et la lèvre pincé, il s'arrête sur un souvenir, cherche des détails qui ont déjà dit adieu, quand une bourrasque lui vole sa rémige. Elle flotte un instant, chute, remonte, encore et replonge finalement pour arrêter sa course entre de menus souliers. Il voit ses bottes avant ses cuisses et le manteau avant le visage.
Une bouille qu'il a tout le temps d'imprimer dans sa mémoire alors qu'elle s'avance vers lui.

Hé, l'bleu, j'crois que c'est à toi !

Ils échangent leur regard. Le noir dans le bleu. Se dévisagent. Il ne l'avait pas remarqué mais il avait entendu les discussions d'enfants quand la lune apparaît. Une paume sur la marque carmin de son front qu'il fait s'envoler, et un mot.

Idhren.

Elle imite son geste d'un salut de moussaillon et fait claquer ses bottes sur le bois lessivé.

Pas d'quoi !

[...]

Je me rappelle... des feux qu'on faisait pour éteindre les nuits trop tristes. Des chants et des histoires. Je me rappelle des jeux du soleil et des nuages qui enfantaient les couleurs du désert. De l'impossible indigo...

Les voiles se gonflent. L'allure augmente et un cri venu du ciel brise la torpeur ambiante.

Terres ! Terres à l'horizon !

On se précipite à la proue, on joue des coudes pour observer le frêle mirage. On l'imagine encore. Lui glisse sa plume à la manière d'un marque-pages et referme son journal avant de se diriger à l'arrière. Seul à la poupe, il ferme les yeux et accepte les offrandes du vent sur sa peau couleur ciel.
Ses lèvres ne bougent pas et pourtant à l'autre bout du monde, on entend.

Je me rappelle... que mon aventure commence là-bas et j'oublie qu'elle s'arrête ici...
Dernière modification par Crowley le 07 avr. 2019, 09:41, modifié 1 fois.
Raison : comptabilisé en notoriété

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