Notes sur un carnet

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Meynaf
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Notes sur un carnet

Message par Meynaf »

Avant propos

Je ne tiens pas de chroniques, je ne tiens pas à composer une fresque suivie de mon existence dans les landes. Je ne pense pas avoir la patience pour ça, ni la méthode nécessaire.

Pourtant je ne peux nier que parmi toutes mes aventures depuis que je suis arrivé dans les Landes, il en est certaines qui ont marqué mon coeur et ma mémoire, certaines dont j'ai envie de garder une trace plus pérenne.

Ah, mémoire, mon amie volage. Avec le temps qui te vole à moi, tu transformes les plus jolis tableaux en flou cotonneux dont ne subsistent alors que quelques bribes nettes, des morceaux d'un puzzle perdu. Mémoire, tu me forces la main.

Soit. Puisqu'il en est ainsi, je consignerai ce dont j'ai envie de me souvenir, je ferai de ces notes le recueil des lambeaux choisis de mon passé, le compagnon d'une soirée nostalgique au coin du feu. Un pied de nez au temps qui passe et qui efface tout.
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Meynaf
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La première fois

Message par Meynaf »

La première fois

Ne rêvez pas. Il ne s'agit pas de cette fois-là. Encore que je pourrais vous raconter la fois où... euh non.

Il ne s'agit pas non plus de la première des nombreuses fois où j'ai rejoint l'Achéron, et heureusement, car je vois d'ici la glorieuse épitaphe : "Ci-gît Meynaf, tué par un castor."
Il ne s'agit pas non plus de la première fois où quelque chose de sérieux m'a envoyé ad patres... Ce démon lapin qui a croisé ma route à peine débarqué à Pierre Blanche, il y a de ça trois semaines.

Non... il s'agit de la première fois où je suis mort au combat.

Les cockatrices avaient déferlé sur Pierre Blanche, et le petit marché du nord de la cité était pris dans l'étau des bêtes lancées par Véreux. Mira se terrait, tremblante au fond de son étal, priant pour que les oiseaux de cauchemar au souffle rauque ne la repèrent pas.
J'étais alors à la forge, et les cris au dehors des aventuriers m'avait fait dresser l'oreille. Sans vraiment réfléchir, je sortis. Plusieurs guerriers en armes longeaient les rues au pas de course, tandis que d'autres personnages, plus furtifs, suivaient de près comme des charognards.
Sot que j'étais, le coeur battant, je suivis. Dans les éclairs de gloriole qui accompagnent les décisions suicidaires des jeunes gens, il en est qui conduisent au trépas inutile : jugez-en. Je voulais voir de près la menace des Landes, je voulais être au front, et non à l'arrière pour une fois.

C'est alors qu'elle apparut devant nous. Grande, malodorante et suant le mal. La cockatrice. Son grand corps d'oiseau dépenaillé, ses pattes au serres tranchantes, son oeil torve qui nous fixait. Alors que je pouvais à peine bouger, la bête chargea, et ce fut pour certains dont moi, la débandade. Je me réfugiai trois blocs plus loin, le sang me battant aux tempes, l'air empuanti par les exhalaisons des bêtes, et ce cri atroce dans les oreilles.
A ce moment, j'étais encore en vie.

J'aurais pu battre en retraite, afin de prodiguer des soins aux blessés depuis un endroit plus à l'abri. Mais les paroles d'une dame bleue me revinrent à l'esprit. On ne progresse pas en restant tout le temps à l'arrière. Parfois il fallait prendre des risques. Je décidai alors de revenir sur mes pas, non pas pour combattre la cockatrice, car je sais que je ne suis pas de taille, mais pour servir d'éclaireur et informer les héros qui ne manqueraient pas d'arriver.
Je pris tant de précautions... je me crus un moment plus fort que la mort, plus fort que Véreux. Je ne vis pas la cockatrice qui, embusquée au coin de la rue, abattit sur moi ses griffes putrides sans que j'aie le temps ne serait-ce que de proférer un cri.

La mort n'a plus la même signification pour moi, puisque les Landes nous rendent immortels (bénédiction ou malédiction ?) mais à présent que j'écris ces lignes, assis près d'un bon feu sur l'île de Trépont, je sais que les paroles de la dame bleue avaient une toute autre signification. Prendre des risques n'impliquait pas d'être suicidaire. En restant plus en arrière, mais à l'endroit où s'était déclenchée l'invasion, en restant à mon poste pour user de mes pouvoirs et soigner les blessés, risquant même alors de voir débouler des monstres, alors je prenais des risques utiles. Moins que le guerrier qui affronte de face l'ennemi et dont il me faut ensuite panser la sanglante blessure. Mais adaptés à celui que je suis en ce moment.

J'ai perdu quelques babioles dans ma mésaventure. Mais j'ai gagné tellement plus que je n'ai perdu. Je sais, aujourd'hui encore plus, que mon heure viendra.
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Meynaf
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Le sang sur les dunes

Message par Meynaf »

Le sang sur les dunes

Bataille de Galein'th Aseiys 4 Elouenien 369

Comme toujours, l'annonce de l'invasion fut concise : "Galein'th est attaquée !" ; et comme toujours, les braves répondirent à l'appel.
Dans le tumulte mental qui s'ensuivit, je me souviens avoir quitté la quiétude des bois de Pierre Blanche pour me rendre au port. Haletant, je courus jusqu'à la nef qui me déposa au port de la sablonneuse terre des Hommes Bleus.

Comme je le craignais, le combat faisait déjà rage aux abords du campement. Des Serpents agressifs, des gobelins en armes rugissaient de colère contre les palissades. Je louvoyai entre les ennemis, désengageant par miracle l'attaque d'un gobelin retors armé d'une dague rouillée. Je ne sais trop comment je me retrouvai dans la sécurité du camp. Quoi qu'il en soit, je me postai et préparai mes ingrédients de sort.

Nous étions déjà très nombreux, et les blessés arrivaient par vagues. Verbania, une kultare que je ne connaissais pas, prodiguait déjà ses soins.
Je ne me souviens pas de tous, mais je sais que nombreux furent les elfes à combattre ce soir là... Cependant, indifférent à la race des combattants, je lançais sort sur sort, effritant les ingrédients entre mes doigts fiévreux tandis que tout mon corps vibrait d'intensité magique.
Je soignai une vilaine estafilade sur le torse d'Orodreth. Serrant les dents, le guerrier me gratifia d'un signe de tête avant de se relancer dans la mêlée.

Puis ce fut le chaos. Des mygales monstrueuses sortirent des tentes autour de nous. Surpris par la violence et la soudaineté de l'attaque, nous dûmes combattre au corps à corps, dans l'enceinte même du campement. Verbania fut la cible d'une mygale, et je ne dois la vie qu'à mes réflexes : un quart de tour de mon anneau me téléporta à l'île du Trépont. Hébété, je repris mon souffle, rassemblai mon courage et repartis vers Galein'th. Les messages mentaux des combattants parvenaient dans mon esprit. Le camp fut rapidement sécurisé, mais des ogres et des cyclopes vinrent à la rescousse au pied des palissades. Par bonheur, l'attaque avait lieu loin du port, et je pus regagner mon poste. Soulagé, je constatai que Verbania était venue à bout de son assaillant. Cette "petite" avait du cran, sans aucun doute.

Je repris mon enchaînement de sorts, dans le tumulte et les cris. Les monstres avaient envahi les cavernes, nécessitant de notre part des renforts et un changement de tactique. Les mages d'attaque vinrent en appui des combattants. J'entendis le cri de Soriemirhil qui tombait dans le sable humide.

Je lançai mes sorts jusqu'à épuisement de mes pouvoirs. J'avais bu la dernière de mes potions de mana, et mis mes dernières forces dans la bataille. Verbania, farouche et concentrée, avait encore des ressources. Si j'en croyais les cris qui fusaient de toutes parts, la victoire était proche.

Je me retirai. Courbatu, fourbu, je m'assis comme une masse au feu de trépont, et sombrai dans le sommeil.

En me réveillant de ma transe méditative, je fus surpris d'apprendre que la situation à Galein'th, que je croyais maîtrisée, avait au contraire empiré.

Les monstres, toujours plus forts et plus nombreux, s'étaient abattus par vagues sur les héros défendant la Terre Bleue ; ces mêmes héros risquaient à tout moment de se faire déborder. Les morts se comptaient par centaines.

Et cette fois, je ne pouvais rien faire pour les aider. J'enfouis ma tête dans mes mains et pleurai de frustration.
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Meynaf
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Etude sur le Styx

Message par Meynaf »

Le Styx

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Avant propos

Quelle est la contrée où nul ne désire aller ? Quelle est la terre désolée où tous finissent par aller un jour, mais qu’on traverse à toute vitesse en espérant ne jamais avoir à y revenir ?
Nous le savons tous, nous prononçons son nom tout bas, pour éviter d’attirer le malheur sur nous, mus en cela par une antique superstition : c’est l’Achéron.
Cependant, il est un lieu pire que l’Achéron, plus effrayant encore, et aussi plus mystérieux : c’est le Styx.

Mourir en Irilion entraîne un séjour au Styx. Je l’ai appris à mes dépens en tombant sous les coups d’une créature beaucoup plus retorse que je ne l’avais cru. Comme tout le monde, j’ai couru dans cette terre maudite ayant en tête un seul désir : quitter au plus vite cet endroit et rejoindre les vivants. Ce que j’ai fait. Mais sur mon trajet, j’ai entrevu et entendu des choses qui ont piqué ma curiosité ; depuis lors, je n’ai plus pensé qu’à ce voyage, et au moyen de lever le voile sur ses mystères.

L’îlot de départ

Le Styx n’est pas un endroit qu’on atteint facilement. Pour l’atteindre, il faut mourir. Même quand on est immortel par la magie des Landes, la mort reste une chose effrayante. Pourtant, pour réussir, il allait me falloir faire un sacrifice ultime : le sacrifice de soi. Sans autre vêtement qu’une tunique légère, un pantalon solide et des bottes, je me mis à l’écart pour le rituel qui allait me faire faire le premier pas de ce singulier voyage.
J’avais préparé une décoction de plantes que je bus lentement après avoir rassemblé mon courage. Je sombrai dans la mort doucement et sans douleur.

Pour quitter le rocher entouré de lave sur lequel je me retrouvai, un triple choix était à faire. C’est significatif de la nature du lieu. Le chemin n’est jamais droit, il est sinueux et implique des choix personnels à tout moment. Mon choix fut désastreux. Je fus téléporté au cœur de la lave et tout mon corps prit instantanément feu. La panique m’envahit et je hurlai de terreur. Pourtant, ce fut de courte durée. Je m’aperçus que je ne souffrais pas, et que je ne me consumais pas non plus.

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Les ombres

Le Styx n’est pas un endroit vide. A la lisière de mon champ de vision, des ombres passaient, disparaissant dès que je braquais mes yeux sur elles. Sans cesse durant mon séjour dans le Styx elles murmurèrent des choses à mon oreille, dans une langue ancienne et oubliée. J’ai pu faire appel à mes talents de linguiste pour en comprendre certaines, mais aujourd’hui encore, d’autres me sont totalement hermétiques.
Les messages délivrés par les ombres ne sont pas le fruit du hasard. Elles intervenaient à des moments et des endroits précis. Lorsque je prenais la mauvaise décision, les ombres murmuraient :

« Licentia non est vobis » => Vous n’avez pas le droit

Curieusement cette interdiction était le message le moins équivoque que j’ai reçu.

Les inscriptions au sol

Le Styx est un endroit terrifiant, qui transpire le mal. Mis à part l’ambiance d’étuve qui y règne à cause de la lave omniprésente, on y voit de nombreuses atrocités : des outils de torture, comme la chaise qui permet de plonger sa victime dans la lave, des pinces et tenailles ensanglantées, des crânes plantés sur des piques et dans tous les coins des immondices.
Pourtant, il est évident que le rôle même du Styx est initiatique. De nombreuses inscriptions sont mises sur le parcours du voyageur, comme autant d’énigmes.

« Numquam subsisto iterum » => je ne m’(y) arrête jamais deux fois.

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J’ai été surpris par cette phrase à double sens : en effet elle peut être interprétée soit de la façon suivante : - j’y suis, j’y reste ; soit de celle-ci : - jamais deux sans trois. La première interprétation renvoie au caractère définitif de la mort (pour les natifs par exemple) et la deuxième au côté passager de la mort (pour les aventuriers).

« Vos mo(re)s reverto » => Je vous mets à l’envers vous et vos habitudes.

La traduction littérale ne m’ayant pas satisfait, j’ai cherché un sens caché dans l’interprétation littérale. Je suis parvenu à la conclusion qu’il ne s’agit pas de « mettre à l’envers » au sens propre, mais « changer radicalement ». Et là ça s’explique : le Styx – la mort donc – est différente pour nous depuis que nous sommes arrivés. Prendre conscience que nous sommes immortels change fatalement notre perception de nous-mêmes et du monde.

« Nunc » => Maintenant

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Cette inscription se trouve au pied de l’escalier qui mène à la surface, au sud du Styx (et non pas au nord, comme pour l’Achéron). Ca semblait logique : l’issue que j’avais devant les yeux me ramènerait « au présent », à la réalité. Une façon d’indiquer que le Styx est intemporel ? Peut être.

L’épreuve

On peut se frayer un chemin vers la sortie même en se dirigeant au hasard. Le Styx est clos, aussi à un moment ou à un autre, on tombe sur la sortie. Cependant, il est des chemins plus rapides que d’autres, et certains plus mystérieux que d’autres.
Pour celui qui ne craint pas les énigmes, trois objets attendent face à la lave qu’on les touche. Toucher le mauvais objet renvoie à un autre endroit lointain du Styx, et il faut recommencer. Pour passer cette première étape, il faudra se souvenir de ce que cherche l’explorateur venu en ces lieux de son plein gré.
Toucher le bon objet conduit à un îlot où attendent encore quatre objets et quatre nouveaux choix. Un mauvais choix n’a pas plus de conséquences que précédemment, si ce n’est l’inconfort de devoir revenir et recommencer.
Il y a de la sorte une séquence de 3 objets à toucher dans le bon ordre, pour se retrouver au centre d’une sorte de pentacle (comme si on avait été invoqué !), avec la sortie, au bout du chemin.
Les ombres interviennent au cour de cette épreuve, se moquant de celui qui se trompe avec leur « Licentia non est vobis » (une variante étant : « infinit(a) patientia, infinit(a) incendia ! » => Infinie patience, incendies infinis ), ou au contraire en donnant un indice pour le prochain choix :

« Felic(e)s coniecto » => Je réunis [ceux qui sont] heureux
« Quod ut pac(em sit) deficio ? » => Dois-je l’abandonner pour [faire] la paix ?


Le fin de l’épreuve est marquée par une phrase mystérieuse des ombres :

« Vos pugna(te) bellum ! » => Combattez la guerre et vous-mêmes.

Cette phrase m’a donné du mal, et je ne suis pas sûr d’avoir la bonne interprétation… Un appel à la paix ? A l’Union ? Un avertissement contre « l’ennemi » qui est en nous quand il s’agit de s’unir ?

Les mystères non-élucidés

Les ombres ont murmuré à plusieurs reprises à mon oreille ce qui semble être trois noms : Estylle, Garpin, Inez. Trois juges des enfers ? A ce jour je n’ai pas la réponse.

Le mot ORAB est gravé devant le pentacle menant à la sortie. Qu’on lise ORAB ou BARO, ça n’a pas de sens pour moi.

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Le mystère le plus intrigant est une zone minuscule, un lopin carré se trouvant en bordure du chemin pavé. Une étrange fumée s’en dégage et quand on y pénètre, une voix désincarnée dit :

« Servo vestri ex abyss(o) » => Je préserve ce qui est à vous des enfers.

Rien de particulier ne se passe quand on se trouve à l’intérieur de la fumée, et nulle téléportation ne se fait, dans ou de ce lopin. Sans doute ai-je mal interprété les mots prononcés. Peut –être n’ai-je pas tout fouillé en fin de compte.

Conclusion

Explorer le Styx est éprouvant. Les horreurs à chaque pas, la conscience de ce que cela implique de se trouver là, les voix qui résonnent dans la tête… Parfois j’ai l’impression de les entendre encore. Rien de tout cela n’est agréable. Y rester trop longtemps, je le sais, peut rendre fou. J’y suis resté deux jours ; j’en suis ressorti au bord de l’épuisement, et j’ai eu besoin de plusieurs cycles de méditation pour m’en remettre. Prudence donc à ceux qui s’y aventurent.

Etude réalisée pour l'Assemblée Neutre des Grands Explorateurs.
Ouvrage disponible en consultation à la bibliothèque de Corren
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Meynaf
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Thiassi

Message par Meynaf »

Thiassi

On dit que les héros n'ont jamais peur.
Je ne dois pas être un héros, dans ce cas... car je ne me souviens pas avoir eu autant peur que le jour où ma route a croisé celle de Thiassi.

C'était durant la guerre qui dévastait Nord Thyl. La citadelle était assiégée depuis des semaines, et la clameur des combats ne cessait pratiquement jamais. Le flot des monstres vomi par les Landes déchaînées ne tarissait pas. Ogres, Cyclopes, Cockatrices, Géants avaient déferlé tour à tour sur les murailles de la cité naine, dévastant tout ce qui se trouvait sur leur chemin dans un élan primitif de force brute et aveugle.

Et puis les cors de guerre résonnèrent du haut des falaises. Des hordes d'orcs armés jusqu'aux dents dévalèrent les pentes. Je les vis arriver et se jeter sur les lignes de nos défenseurs, et le chaos qui s'ensuivit fut indescriptible. Partout la mort et la désolation, les cris de rage et de douleur, et cette odeur de sang, partout.
Il m'apparut évident que je ne tiendrais pas longtemps si je me cantonnais à un rôle de mage de bataille. Esquiver les orcs, approcher les blessés sans se faire tuer était trop difficile, d'autant que n'importe lequel de ces monstres aurait pu, d'un revers vicieux, me faire passer de vie à Achéron en un rien de temps. Jé décidai donc d'établir un dispensaire de fortune un peu en retrait et à l'abri, dans la taverne d'Oana, un point de ralliement où les blessés pourraient affluer pour recevoir des soins avant de se rejeter dans la bataille.
Au début tout se passa bien. Les défenseurs de Nord Thyl affluaient, repartaient. Oana gratifiait tout le monde d'un sourire et d'une bière, Gildur et Kdahr, qui s'étaient réfugiés en ce lieu, ne manquaient pas d'apporter leur soutien, gardant la porte, préparant des bandages, guidant les blessés en attendant que je les soigne.
Fou que j'étais, je me surpris à espérer une victoire rapide. Après tout, n'avions nous pas repoussé les vagues de Cockatrices et de Géants ? Des orcs n'allaient pas poser de problèmes aux plus vaillants de nos guerriers, si ?

C'est alors que contre toute attente, une voix hideuse, emplie de haine, s'insinua dans nos esprits. L'un d'entre eux avait trouvé le chemin de nos ondes mentales. Thiassi. Le chef de la horde orc. D'emblée je compris qu'il n'était pas comme les autres ; je l'entendis donner des ordres de bataille, invectiver nos troupes, répondre même aux provocations de nos guerriers. Je l'entendis massacrer nos hommes, et toujours ce rire horrible qui résonnait au milieu des cris des mourants.
J'essayais de calmer la terreur que je sentais naitre en moi par la concentration sur mes sortilèges. Mais dans un coin de mon esprit, je sentais la menace approcher.

Un coup fut donné à la porte de la taverne. Puis un autre. Quelqu'un essayait de la défoncer. Nous nous regardâmes. Nous étions cinq aventuriers dans la pièce. Et trois natifs. Derrière la porte, la voix de Thiassi et son rire gras.

La porte vola en éclats. Thiassi se courba pour passer et carra son imposante silhouette dans le contrejour. Il était immense... ses yeux luisaient de malveillance et tout en lui sentait le mal. Il avait un sourire narquois aux lèvres et un cimeterre à chaque main. Oana se cacha derrière le comptoir, Kdhar et Gildur furent les premiers à tenter de s'interposer. Thiassi s'en débarrassa promptement, envoyant leurs corps inconscients contre le mur. Les natifs ne l'intéressaient pas. Il posa son regard sur nous, les aventuriers, et pointa un doigt aux ongles sales. Je ne me souviens pas de ses paroles exactes, mais il était question de nous saigner comme des gorets, l'un après l'autre. Il riait ! C'était un jeu pour lui.

Mon coeur battait à tout rompre. J'étais le premier sur son chemin. Impossible de fuir, et de toute façon, même par la magie, je ne l'aurais pas fait. Comment me regarder dans la glace sinon ? Par Fingel, il allait me tuer. Je le savais, et j'étais terrifié.

Il s'avança vers moi. Il me contourna et se rua vers les guerriers derrière moi. Je restai stupéfait. Il n'avait pas pu ne pas me voir ! Il m'avait ignoré. Et il se mit à massacrer tout le monde. Tous les aventuriers présents ! Sauf moi.

- Pourquoi ?! Pourquooooi ?! hurlai-je de toutes mes forces.

Je n'obtins aucune réponse, car, sans se départir de son rire hideux, il se mit à poursuivre un guerrier qui avait essayé de fuir par la porte de derrière. Il sortit de la taverne.

Aujourd'hui encore, j'ignore pourquoi il ne m'a pas tué. Bien sûr, il y a des théories... Il m'a considéré comme une menace nulle, et m'a ignoré comme on ignore un moucheron ? Ou alors, je n'entrais pas en tant que mage, dans les critères de son jeu morbide ? Ou alors peut être voulait-il un témoin de sa puissance ?
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