« A mon tour maintenant, de vous conter une partie de mon passé… Pourquoi une partie ? Parce que je n’aurais sûrement pas le temps de tout vous dire en une journée, et parce que j’ai aussi d’autres affaires qui m’occupent en ce moment… Mais là n’est pas la question. »
CHAPITRE PREMIER : La nouvelle.
« Ma vie semblait paisible et enviable aux milieux de la Région de Roche. J’habitais un fort beau manoir fait de pierres blanches et soignées de diverses inscriptions. Chaque porte d’ébène était entourée de précieux médaillons taillées avec soin. Ma famille et ses domestiques étaient protégés par de forts remparts de bois renforcés à l’extérieur de la demeure. Nos vastes jardins, si bien entretenus, suscitaient la curiosité de bon nombre de Sinans, qui, intrigués par cette imposante verdure, s’arrêtaient devant les grands portails de fer travaillé qui permettaient l’entrée à l’intérieur des fortifications.
Vous allez sans doute vous demander d’où pouvait bien provenir toute cette richesse. Il se trouve que mon père, Mughran de Sinnyn, faisait partie des sept du conseil de notre splendide ville nommée Verlarian.
Mes grands parents paternels ne faisaient partie d’aucune des trois gildes Sinanes, par conséquent, mon père fût soumis, à sa naissance, à diverses épreuves aussi terribles les unes que les autres pour déterminer son appartenance à une des gildes. Bien fort heureusement, il passa avec une grande facilité toutes les épreuves, et devant un tel prodige, les dirigeants et suppléants des trois gildes se réunirent afin de trouver un terrain d’entente concernant le nouveau né. Évidemment, aucune des organisations ne voulut céder à une autre l’étrange enfant. Finalement, il fût décidé qu’il deviendrai plus tard l’un des sept conseillés, sans pour autant appartenir à une gilde, mais ayant une influence importante lorsqu’il s’agirait de prendre des décisions.
Cette influence lui value la mort, sa mort, son déshonneur, et celui de sa famille.
En une sombre journée d’Illumen, à mon dix-septième Fingélien si je me souviens bien, Mughran fût amené à réunir, en urgence, les six autres conseillés et le Seigneur de Verlarian. La réunion devait porter sur une éventuelle guerre envers les peuples Eldorians voisins.
En effet, Verlarian se trouvait au carrefour de trois peuples ; nos alliés, les Galdurs, nos ennemis, les Eldorians, et nous, les Sinans. Encerclée de falaises abruptes d’une part, et d’un fleuve à fort courant d’autre part, notre ville semblait imprenable. Ces frontières naturelles nous étaient bien utiles, notamment pour le commerce de pierres précieuses et minéraux qui étaient la principale ressource de notre peuple. Nous pouvions extraire, grâce à la force des Galdurs qui partageaient ces roches avec nous, les matières premières, puis nous les façonnions suivant la demande des villes Galdures plus retirées, qui appréciaient notre art. Nous transportions ensuite les objets prêts à être vendus sur le fleuve bordant notre frontière, mais également celle des Galdurs et… Eldorians.
Nous avions intérêt à bien nous entendre avec ces derniers bordant la frontière, sinon, nous pouvions dire adieu à nos affaires… Ils étaient capable de nous bloquer l’accès au fleuve ! De plus, traverser les nombreuses lieux de roches puis de désert Galdur n’était pas une excellente idée, il aurait fallu prévoir une telle expédition des Fingéliens à l’avance !
C’est justement à ce propos que mon père Mughran fût appelé à converser.
Le conseil avait eût écho de la tension qui augmentait entre les allées et venues des Sinans et le peuple Eldorian depuis très longtemps, mais aucune mesure avait été prise. Seulement, un jour, la gilde des Assassins proposa d’envoyer des espions Sinans pour s’informer de la situation en terres Eldoriannes. Mon père fût contre, pensant que si les émissaires étaient reconnus, la guerre entre nos peuples était assurée. Mais sa voix comptait peu, car les autres représentants et le Seigneur de Verlarian trouvaient l’idée bonne.
Ce jour d’Illumen, à mes, je pense, dix-septièmes Fingéliens, Mughran reçu de la part d’un jeune rescapé de l’expédition un parchemin tâché de sang. Je l’entendit le lire, à haute voix dans son cabiné, cachée derrière la haute porte qui nous séparait. Je peux donc vous dire à peu près le contenu de ce parchemin, mais sachez qu’il est fort possible que je ne puisse vous le réciter mot pour mot. »
Nattes prend un air plus grave, plus sérieux, et ses yeux, qui de tant à autre brillaient par le vacillement perpétuel de la flamme consumant peu à peu le bois, se mettent maintenant à étinceler laissant dévoiler son sentiment de tristesse profonde… Du moins, c’est ce que vous pensez comprendre.
D’une voix un peu changée, elle poursuivit son récit :
«
C’est alors que mon père c’est arrêté de lire, sans doute parce que la signature avait été interrompue par la mot de l‘auteur, ou parce qu’il en avait déjà trop lu…Seigneur Mughran de Sinnyn, sage conseillé de Verlarian, je vous inscris ici mes dernières pensées…
Si vous pouvez lire ces quelques lignes qui me reste encore la force d’écrire, c’est que mon fils qui vous les apporte est en vie. Qu’Erham guide ses pas et qu‘il lui accorde un meilleur destin que le mien…
Les premiers jours de notre expédition furent sans encombre, mais très vite quelques uns de mes frères se mirent à profiter d’Eldoriannes un peu saoules… Leur tempérament d’assassin ressortit, et ils finirent par sacrifier, d’abord dans l’ombre, les femelles qui risquaient de nous dénoncer. Leurs réels amants finirent par se rendre compte de la supercherie, et nous fûmes découverts.
Tout leur village se mit à nous pourchasser, cherchant quelconque Sinan encore vivant… Bien entendu la nouvelle ne tarda pas à se répandre, et ce sera bientôt des dizaines de villages et villes Eldoriannes qui se lanceront à l’attaque contre notre peuple. Il ne faut pas être de l’aristocratie pour comprendre ce que nos ennemis préparent… C’est la guerre assurée…
Il est certain que nous avons failli à notre mission, mais je me sens cependant un peu moins concerné que mes frères car contrairement à eux, je n’ai tué personne, ni profité de ces répugnantes femelles… Mon honneur reste tout de même grandement touché, et puis, la mort ne me fait pas peur. Mais j’ai tout de même souhaité échapper à ses étranges humains dans le but premier de sauver mon fils, jeune membre de la gilde. J’en viens à être épuisé, et l’heure, les minutes de mon trépas approchent à grandes enjambées…
En espérant que ces quelques mots vous serviront à prendre au plus vite une sage décision,
Tyrnor de…
Je le vis prendre sa belle cape noire, enfiler ses gants de cuir, et partir en toute hâte, oubliant même ses armes, au grand conseil. »
Nattes s’interrompt une nouvelle fois pour vous faire remarquer le levé du soleil en le pointant délicatement du doigt. Lentement elle se lève, puis vous salut, reportant ainsi la suite du récit à une autre fois, car elle est emprise à la fatigue. Avant de se retourner pour se retirer, elle vous adresse un curieux regard, un doux sourire, que vous assimilez cette fois ci à de l’amitié. Allez donc savoir…