Vision

Toute contrée étrange et aventureuse attire son lot de héros. Mais que seraient ceux-là sans un poète pour chanter leurs exploits ?
Din_beleg
Messages : 95
Inscription : 28 nov. 2008, 23:13

Vision

Message par Din_beleg »

J'étais concentré, assis, tête courbée, sous les étoiles sans nombre,
Près d'un arbre recouvert par la nuit, comme une ombre sous une ombre.

Soudain, ma vue, mon ouie, ma présence au dehors s'assombrirent,
Mes sens éteints, toutes les étoiles au ciel avec moi s'éteignirent.

Je me trouvais plongé en moi-même par une puissance,
Qui m'écrasa, me domina, et s'empara de mes sens.

Et en moi fit surgir, une vision vivante et terrible,
Un cauchemar sinistre qui s'imposa, irrésistible.

...

Une forêt fumante, noire, calcinée,
Cette forêt est celle ou je suis né.

Des arbres maigres, agonisants, aux branches hurlantes et nues,
Pas de bourgeons, seulement la cendre, et, pleurant sans retenue

Des tonnelles béantes à présent sans noms, mourant inconnues
Comme des fosses puantes, prises par la mort jusqu'ici parvenue.

Plus loin, à la lueur de dernières flammes dansantes, cruelles,
Dans l'antique clairière autrefois verte, riante et belle,

Ayant abrité pendant des millénaires, banquets, cérémonies, rituels,
Naissances... toutes fêtes célébrant la vie qu'on croyait éternelle :

Des corps noirs, séparés de leurs têtes, comme une immonde parodie,
Singeant nos fêtes, une autre fête, célébrant un monde maudit.

Et partout des membres tranchés, ensemble mélangés, orcs et immortels.
Alors trébuchant sur le charnier, à la tâche ignoble je m'attelle,

Je cherche à distinguer parmi ces corps, ces débris,
Qui des elfes, qui des autres ?
Mes yeux que mes pleurs brouillent tentent l'infâme tri...
Qui des monstres, qui des nôtres ?

Et la gorge étranglée, ne pouvant respirer, j'avance abîmé,
Je cherche, et je trouve, les visages connus, ces visages aimés

Et sur tous, sur tous je peux mettre un nom, un souvenir,
Ces rictus figés portaient un nom mais ignorent tout avenir.

La haine dévore mon cœur, mon esprit se noie et la honte
m'étreint, m'enserre. La douleur depuis mon ventre monte.

Mes yeux par mes larmes brûlantes sont aveuglés. Par un voile
ma vision est obscurcie, je lève la tête espérant une étoile.

Mes yeux n'ont pas fondus, ce sont mes poings qui tentent de les crever
Je ne médite plus, l'arbre derrière moi est debout et je me suis levé.

Le silence de ma vision, peu-à-peu, laisse place aux doux bruissements
De la forêt qui respire tout autour. Sous mes pieds, point d'ossements.

Je regarde le ciel, mes sens enfin libérés cherchant une étoile, sombre.
Près de l'arbre, je tente de respirer, une ombre de vie sous une ombre.


...


En éveil, l'âme ouverte, ma conscience se croyant trompée,
A coup sûr, à la fin, la folie m'aurait emporté !
Terrible et bien vivante, point encore estompée,
Cette vision qu'une étrange intention sans doute a porté,

Bat encore dans ma poitrine au rythme de mon pouls
Trouble mes pas, je marche titubant, comme saoul.

Elle résonne dans mon crâne et sur mes épaules se tient accroupie.
Tout est morne et triste autour de moi, l'air pue, et l'eau croupit.
Dernière modification par Crowley le 24 août 2019, 17:56, modifié 1 fois.
Raison : Placé en jeu - Llaria

Répondre