[V] Archives du Campement de l'Ouest [terminé]

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Selena
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[V] Archives du Campement de l'Ouest [terminé]

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Extrait des Archives du Campement de l'Ouest, Tenues sous Tin-Mirhenil

Automne, Depart de Selena

Cela fait plusieurs Lune qu'elle reste ici, assise, les yeux rivés à la mer, insensible à la plainte des vents. Nul ne sait ce qui motive son chagrin, mais Enehya, notre vénérable guérisseuse, pense que le mal est intérieur, et que l'enfant seule peut mener sa guérison.

J'ai vu de mes yeux les sillons de sel sur ses joues. Son regard inanimé, comme si elle s'était à jamais noyée dans ce vide qui la ronge. Elle ne parle plus, refuse toutes nourritures, et les cordes de sa mandoline ne résonnent plus d'aucuns sons.
As-t-elle perdue la raison ? Quel malheur a bien pu frapper la petite pour qu'ainsi, plus jamais ne s'élève le cristal de sa voix ? Est-ce la un présage d'une ruine frappant notre campement ?

Je dois réunir les anciens. Il faut apporter des réponses. Je crains sinon que le mystère n'éveille l'hostilité du peuple à son encontre.
Mon enfant ... Petit pinson espiègle et taquin ... Reviens nous ...

Je refuse de perdre une autre de mes filles !

[...]

Le Grand Conseil a été réuni, nous avons fait venir la petite.

Le silence assourdissant, est tombé comme une chape de plomb sur l'assemblée à son entrée.Petit fantôme bleuté, flottant étrangement dans sa robe jaunie par les embruns. Telle une enfant, elle tenait la main de la vieille Enehya. Elle était apeurée, et avait cet air qu'ont les animaux pris au piège dans une traque qu'ils savent perdue d'avance.

En tant que guide, c'est moi qui ai mené l'entretien, lui exposant nos préoccupations à son sujet, et les risques de son mutisme.
"Mon enfant, cela fait maintenant des jours et des jours que tu es partie t'isoler, murée dans un silence et un tourment qu'aucun de nos sages n'a pu soulager.
Cette tempête qui t'agite, plonge chaque membres du camp dans des interrogations funestes et suspicieuses.
Nous avons, autant que faire se peut, respecté ton choix d'être seule. Mais il est temps maintenant, pour ton bien et celui de la communauté, que tu exprimes les raisons de ce mal mystérieux.
"

Affolée, elle guetta l'appui de la vieille qui l'accompagnait, dans un immense effort ouvrit la bouche, puis se ravisa.

Sa pensée me vint alors :
- " Je ne peux pas père, je ne peux parler de cette angoisse qui me ronge, car bien maigres et ridicules sont mes raisons pour vous inquiétez, et pourtant, malgré cette honte d'être la cause de vos soucis, je ne trouve plus l'audace de dire ...
- Alors chante mon enfant, si ta pensée s'y refuse, ta voix peut être pourra dire pour toi ."


Un souffle rauque et fiévreux d'abord, sembla nouer sa gorge. Fermant les yeux, une larme perla, et alors s'éleva la douce mélodie que nous connaissions tous. Celle de Selena, Fille de Tin-Mirhenil, du campement de l'ouest des Continents Bleus.

Elle chanta, innondant la salle de son chagrin trop longtemps contenu. Elle chanta la vie simple des jours heureux, la mort de sa soeur ainée trop vite disparue, la solitude et le sentiment de ne pas être à sa place, et la crainte de ne pas connaître l'amour.

Petit à petit, nous vîmes l'éclat de ses prunelles pailletées revenir, ravivée par l'éclat de son eau. Nous étions comme suspendue à cette mélodie bouleversante, faisant écho à bien des douleurs oubliées.

Quand le chant se tut, ce fut la guérisseuse qui pris la parole, à la grande stupéfaction de tous.
" Ne t'agite donc pas tant petit oiseau
Ta cage n'est pas fermée par des barreaux,
Va, prends ta liberté,
Va, à travers l'horizon
Chante pour nous le monde et ces mirages
Et trouve celui que tu attends
."

[...]


La petite est partie ce matin, sa mandoline au dos, pleine d'espoir. Elle m'a confié dans une dernière embrassade son petit lapin des dunes qu'elle chérissait tant. La reverrais-je un jour ? Revenant au village, heureuse de celui qu'elle aime et portant un enfant ?
La reverrais-je seulement ?

Ce sont les craintes d'un père qui parle, au plus profond de mon coeur, je sais qu'elle ira bien.
Dernière modification par Selena le 03 juil. 2008, 15:09, modifié 1 fois.
"Donnez-moi la sérénité
D'accepter les choses que je ne peux changer,
Le courage de changer celles que je peux,
Et la sagesse d'en connaître la différence"

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Selena
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Extrait des Archives du Campement de l'Ouest

[note : ce texte remonte à la création du campement de l'ouest, celui là même où a vécu Selena. Il est donc antérieur aux faits relatés par Tin-Mirhenil, et permet d'en apprendre plus sur l'organisation du village nomade, son origine.]

Je suis un des derniers à pouvoir conter cette histoire, un des derniers à avoir vécu l'exil des hommes à la parole d'or vers les terres des landes.
Que puis-je dire pour que rien ne soit oublié ?
Est-ce utile, puisqu'aucun pardon ne sera jamais donné ?
Cette vieille rengaine que chacuns des anciens a marqué au fer rouge, j'aimerais qu'un jour, le temps l'efface, comme le sable recouvre après la tempête les carcasses des voyageurs égarés.

Quel souvenir ai-je gardé de notre fuite des terres ? Autre chose que de l'amertume, je l'espère.
Qu'ai-je appris de ce voyage, parmi l'homme bleu le plus brillant que j'ai connu, celui qui fut mon ami ?

Nous avons vu la haine, la crainte, le désarroi de nos propres familles, cette répugnance à notre étrangeté, don de la nature cynique qui nous a fait exilé.
Nous avons connu bien des déchirements, mais je vois à présent, au delà de ce drame qui n'en est plus un, un peuple, nouveau, fier et droit. Un peuple aimant sa terre.

La dispersion des hommes bleus sur les terres des Landes n'a pas été sans conséquences. Nombre de mes amis sont morts, pris dans ses filets, abattus par son ombre. Son voile a dérobé la raison de certains sages, posé la méfiance dans certains coeurs.
Je ne sais à qui je dois la grâce qui m'a été accordé d'avoir pu ériger ce camp, de le voir prospérer.

Nous avons d'abord organisé la communauté sans hierarchie. Les ressources étaient suffisantes, l'entente entre nous bonne. Mais avec le temps, la population croissant, il nous a fallu réorganiser quelque peu les choses.
Nous avons formé un conseil, entre anciens et vénérables, et avons choisi un guide. J'ai eu cet honneur et cette lourde responsabilité d'être ainsi nommé Tin-Gyeth, le Guide de l'Ouest. Le camp de l'Ouest avait la chance d'avoir une bonne source, son oasis paisible accueillait les voyageurs égarés, nous avions ainsi des nouvelles des autres terres et royaume, des elfes, des humains, quelques sauriens.

Mais des hommes bleus dont nous nous étions séparés bien des années plus tôt, nous n'avions peu, voir aucunes nouvelles. Beaucoup semblait avoir péri, et ces disparitions terribles assombrissaient bien des coeurs.
La lassitude de l'attente de ceux qui ne reviennent jamais nous gagnait, les tâches du quotidiens devenaient pesantes, ingrates.
Aussi, nous décidions de nous mettre en route, comme un vrai camp nomade. L'excitation chassa bien vite la peine et la langueur, et spontannément, le camp pris ses habitudes migratoires, changeant cycliquement d'oasis, forçant ses habitants à rompre avec leurs habitudes.

Nous avons pu par chance, au gré de nos déplacements, rencontrer un autre campement, fondé par quelques voyageurs bleus qui étaient partis à notre arrivée. Le camp de l'Est, mené par Tin-Melath, Guide de l'Est. Nous avions enfin le plaisir de pouvoir, à quelques rares occasions, rencontrer les nôtres.

Les choses ont duré, jour après jour, le temps me rattrappe à présent, ma vigueur me quitte, je sens mes sens moins alertes, mon pas moins sure dans les sables ôcres du désert.
J'ai bien du plaisir à voir les enfants sourire me rappelant tant de souvenirs...
J'ai confiance en l'avenir, je vois ces jeunes femmes et ces jeunes hommes bleus, pleins de forces, d'astuces, de sagesses. J'ai fais mon temps, à eux de mener notre peuple.
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Extraits des archives tenue sous Tin-Mirhenil

[note:
Cet extrait d'archives relate le conseil extra-ordinaire, réunis alors pour juger du viol et du meurtre de la fille du Guide du campement de l'ouest, fille qui se nommait Elyera, soeur adorée de sa benjamine Selena.
C'est la seule trace écrite officielle, qui rapporte cette période difficile du campement. Bien des bleus du camp pensent que les décisions prisent furent insuffisantes, ou érronées, mais découvrez vous même plutôt ce qui arriva, un certain temps avant le départ de Selena.
Il est difficile de déchiffrer ces pages, tant l'écriture en est irrégulière, nerveuse, la plume a cassé, l'encre bavé à plusieurs endroits.]


Il est de mon devoir de consigner ici les décisions, les faits, de mon rôle de guide de laisser trace de ce que le temps un jour effacera, comme toutes choses.
Je voudrais vous dire que je ferais abstraction de ma colère, cette haine fulgurante qui me force à me lever la nuit, et à rôder autour du camp, fou de rage, cette haine qui me prend quand je vois les yeux vides de ma petite Selena, perdue au loin vers des horreurs qu'elle n'aurait jamais du voir. J'aimerais, mais je suis aveugle et fou comme les autres, et ce qui est écrit de ma main n'est jamais rien que ma propre folie.

J'ai bien souvent dit que les Landes avaient leurs propres justices, que tôt ou tard elles rattrappent celui qui de ses crimes et de ses méfaits se délecte, et je garderais espoir, pour mon enfant, ma dernière oiselle qui doit encore garder foi en l'avenir, et pour mon camp, qui connaîtra des jours moins sombre, et sans doute, je le crains, parfois plus ténébreux et obscurs encore.
Mais si les Landes ne sont pas assez cruelles pour cette engeance, alors je me charge de noircir votre destin: soyez maudits, Maudits les enfants du vice, maudits ceux qui assassinent, ceux qui menacent les miens.

Voici donc le récit que je dois faire maintenant, après avoir recoupé bien des paroles, bien des histoires.

Un soir d'automne, Elyera mon aînée était parti couper des joncs pour tresser avec sa soeur ces charmants paniers qu' elles s'amusaient tant à confectionner.
Sa jeune soeur, d'une dizaine de fingeliens de moins devait l'aider dans cette tâche laborieuse en revenant d'une de ses promenades passée à débusquer les lapins dans les dunes. Selena n'était pas pressée, et quand bien même, pouvait-elle se douter seulement que ...

Voici ce qu'elle a raconté:
Quand elle arriva, essoufflée, prêt du lac aux joncs, dans une petite oasis, elle ne comprit tout d'abord pas pourquoi Elyera avait abandonné son panier, et pourquoi les plantes étaient pêle mêle piétinées, cassées au sol aux alentours.
Elle pensa à un nouveau jeu, et sans s'inquiéter vraiment, appella sa soeur. Au bout de quelques minutes, n'ayant pas de réponses, elle fut prise d'une violente angoisse, et commença à faire le tour du lac, écartant les joncs comme elle pouvait en se frayant un chemin dans ceux qui avait été rompu.
Elle ne compris d'abord pas pourquoi sa soeur était couchée là, dans une posture étrange, comme une petite poupée de chiffon. La stupeur passée, elle vit la robé déchirée, le visage adorable et rieur tuméfié, le sang âcre qui avait coulé de son nez, de sa pomette, et le long du haut de sa cuisse...

Elle voulut réveiller sa soeur, elle l'appella, la secoua, la gifla même. C'était bien inutile, Elyera ne se releva jamais, ne répondit plus jamais à aucuns appels...
La petite se mit à sanglotter, à hurler, si fort que nous avons entendu ce cri d'épouvante depuis le camp. Nous avons accouru...

Ce que je sais, c'est qu'ils ne réussirent pas à lui faire lâcher le corps d'Elyera.

Les jours qui suivirent furent un cauchemard. Il me fallait rassembler les anciens, former le conseil, faire mon deuil, reccueillir les condoléances, et la petite elle, qui ne voulait pas comprendre, qui se refusait à perdre sa soeur...

Qui avait bien pu amenner le malheur à notre porte, qui dans tout ces visages était celui du criminel ?

Quand Selena cessa d'appeler, le jour, la nuit, elle parla, à peine. Et un nom vint : Fen'Ryan, le fils du potier, elle l'avait croisé ce jour là, en allant à la marre aux joncs, et il avait le visage griffé, il saignait à la lèvre.
Elle n'avait pas fait attention, elle savait qu'il était bagarreur.
Et tous, nous fûmes frappés par cette vérité incroyable. Fen'Ryan, celui qui avait tant courtisé ma tendre, adorable fille. Qui timidement la regardait à la dérobée quand elle revenait en riant les bras chargés de fruits et de fleurs ...

Le conseil fit venir Fen'Ryan, il refusa d'abord de parler, de se dérober, le fourbe à nos questions.
Je ne sais pas comment, la peur peut être, il empestait la peur, celle des lâches qui espèrent encore sauver leur peau, il finit pas dérouler un long discours disant qu'elle l'avait rendu fou, qu'elle s'était refusée à lui, qu'elle voulait pourtant, que ...
Le plus abominable vint quand il déclara ne pas avoir été seul. Les noms ? Jamais il ne voulu les dire. Les anciens pensèrent que c'était donc juste une astuce pour essayer de se dérober au châtiment, mais le doute persista. Il fut décider de le bannir.

Le lendemain, banni, il quitta le camp, sans un au revoir, son père ne vint même pas accompagner sa sortie.
Banni, il errera, que les vents le rongent, que la tempête du désert puisse ne pas le laisser en réchapper. Il a le droit de fuir, lui, le faiseur de mort, de douleur, lui qui a brisé les élans d'une vie frêle.

Selena, à l'annonce de la sentence du Conseil, s'est mise en colère. Elle voulait la justice du sang, nous avons du la retenir de force, quand rageusement elle se débattait son poignard à la main. Pleurant, suppliant qu'on la laisse venger, laver l'honneur d'Elyera.
Et moi misérable, qui aurait aimé laisser ma petite se salir de ce sang impur pour assouvir ma propre colère.
Elle s'est résignée, c'est peut être pire encore. Elle n'appelle plus, elle ne rit plus, ne pleure plus. La guérisseuse est inquiète je le vois, elle aime la petite comme sa propre enfant. Elle dit qu'il faut lui laisser le temps. Le temps faire quoi ?
Effacer encore, les cicatrices, les douleurs...

Rien n'est plus terrible pour un homme que de perdre son enfant. Je suis vieux,l'hiver arrivera bientôt pour moi, c'est le vieil arbre que je suis qui aurait du s'écrouler.
Qu'elles sont cruelles.
"Donnez-moi la sérénité
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