[V] Je me nomme

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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volesprit
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[V] Je me nomme

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Chapitre 0: Construction

Je me nomme Volesprit, issue du peuple bleu du continent.
Mes parents ont du trouver ce surnom approprié pour une enfant dont les chants ensorcelants privaient de mémoire tous ceux à portée de Voix !
Mon vrai nom serait Mordis Aseyis, littéralement « Désespérance » ou encore « la fin de l’espoir », c’est selon, en notre langue bleutée. N’en demandez pas le sens exact, vous seriez déçus, je ne sais plus ce qui a pu pousser ces gens à me nommer ainsi. La beauté de nos chants réside souvent dans le fait qu’on peut en interpréter les textes différemment, selon l’envie et le contexte aussi, mais cela me dessert dans ce cas précis. D’autant plus que ce nom doit avoir autant de sens qu’on veut lui en donner…j’ai donc choisi l’autre, le vrai, celui qui me plait.

Volesprit est mon nom
La base de ma psyché
La face d’un médaillon
Autour du cou, porté.

Bref, tout juste née, j’étais déjà dans une situation intenable, dès mon premier cri :

Imaginez un clan tribal où l'usage de la parole est bannie! Des règles d’un autre temps, une tribu bleue autiste, repliée sur elle-même ! Alors pensez donc, y élever une fille douée d’un chant aux propriétés, disons, particulières…
J’ai vraisemblablement réussi à y survivre quelques années avant que l’inévitable ne se produise: l’exil, la seule issue possible pour une « Bruyante », entendez par là une personne qui ne suit pas les préceptes absurdes de ce lieu éloigné.
L’exil, donc, ou la mort assurée, le choix était vite fait, surtout pour des parents aimants.

Ils me nomment Volesprit ?
Je m’en suis emparée.
Seul chose qu’on m’a donné,
Après m’avoir tout pris !

De ce passé révolu, je ne garde qu’une image : un quai qui s’éloigne dans la brume, deux ombres voûtées s’appuyant l’une sur l’autre, leurs sanglots étouffés, ravalés…j’entend encore le gréement qui grince sinistrement et, bien que la berge ne soit encore qu’à quelques encablures, les remarques grivoises des matelots qui, déjà, fusent…cette scène me hante souvent…
C’est mon premier et seul souvenir, la base de ma psyché, le début de ma vie n‘est que conjecture et déduction, un passé que je me suis construite comme on étaye les murs d’une maison qui s’écroule… Tout le reste est effacé, les prêtres bleus ont sûrement trouvé le moyen de retourner ce chant amnésique contre moi, lui qui m’avait protégée dès mes premiers jours de rebellion et dont j’ai désormais oublié jusqu’à l’usage...

Ah et un médaillon aussi, pour seule construction du moi, c’est un peu léger, vous en conviendrez, avec gravé joliment dessus « Volesprit » d’un côté, et mon vrai nom de l’autre, trois mots que je me suis empressée d’accepter comme mon identité, à moins qu’ils ne fassent référence à un crime oublié et la peine reçue, qui sait, avec ce langage ambigu?

Je me nomme Volesprit,
C’est mon nom, c’est certain.
C’est moi qui l’ai choisie
D’un médaillon ancien.

J’ai donc l’audace de penser que, quelques uns parmi vous, seront intéressés par mes écrits.
Mais je ressens surtout le besoin de figer dans le temps des souvenirs fugaces, je n’ai malheureusement plus trop confiance en la mémoire des hommes…et pour être honnête je leur préfère parfois la compagnie des livres !
Ainsi vous pardonnerez, je l’espère, mes nombreuses digressions et la structure confuse des chapitres qui suivront. Plus que mon histoire passée, ils vous conteront des passages de ma vie en ces Landes que j’ai jugé importants, drôles, et même instructifs. Mes autres souvenirs, ceux que je ne souhaite désormais plus retrouver, j’en ai fait le deuil depuis longtemps…

Je me nomme Volesprit,
Ce sera vérité,
Parce que je le subis
Par ma seule volonté.
Dernière modification par volesprit le 30 avr. 2008, 14:30, modifié 3 fois.

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volesprit
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Chapitre premier

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Chapitre Premier : Etudes et Leçons


Alors que j’étudiais les Landes et leur géographie,
Je visite Tarsengaard, plus clairement ses grottes,
Que me voici stoppée par un tourbillon gris,
Qui passe devant moi comme une vraie furie,
Me jette un « Yo ! » sonore, qu’en retour je salue.
Et ce paquet de nerf, équipé dernier cri,
D’armures de pied en cap et d’armes plus grandes que lui
Part de suite à l’assaut des monstruosités du cru.
Drôle d’usage me dis-je, sans doute en retard,
Ou bien fort motivé, mais…ç’ est tout de même bizarre !
Quelques secondes après, il n’en reste que les bottes !
Et une infâme bouillie que je n’ose regarder…
Certes ici, les gargouilles ont beaucoup d’appétit,
Mais au point d’écraser ce genre d’aventurier ?
La pauvre infortunée qui s’appelle NaNaShi
Me contacte aussitôt et d’une rapide pensée
Me demande de l’aide, pour ses biens surveiller
Que vais-je donc lui répondre ? mmmmh me voilà intriguée,
Moi, étudiante des Landes, elles me donnent un sujet !

Voici donc tel que je m’en souviens, ce récit
Agrémenté bien sur de commentaires choisis,
Pour éclairer l’affaire et surtout les non-dits :

NaNaSHi vient de se dissiper dans l'éther.
une pensée étrangère me contacte aussitôt.

Tu peux récupérer mon sac s’il te plait ?
Je me dirige donc rapidement vers sa dépouille, prenant de cours ce que je nommerai non sans humour un "aventurier de passage".
Volesprit: pas touche !
Glen: ce n'était pas mon intention
Volesprit: mhhhmhhh
Glen: je comptais le lui garder justement
Volesprit: Cela aurait sans doute mieux valu pour elle ? *sourit*
Le sac en ma possession, je rassure de suite mentalement mon interlocutrice sur le sort de ses biens
-pas de problème, je t'attends, petite imprudente...
je suis un mec, moi !
S’ensuit une phrase dont je n’ai pas compris le sens…et que je tente de traduire en phonétique…sans doute un dialecte nain qui m’est inconnu !
reule houle euh aise héros…
-hein ? passons, alors disons « petit imprudent », hihi. Nanashi, c’est ambigu, ça fait nana, désolée…
je suis un nain quoi, et fier de l'être ! si ça te pose un problème, je regagne mes attributs et on s’explique, héhé
-t'es pas nain, t'es susceptible surtout *rit*
héhé
-et en plus prétentieux avec ces pauvres gargouilles...*sourit*
hé hé, je préfère les orcs
de toute façon : est nain, est susceptible !
-je vois ça, mais tes attributs, c’est moi qui les aie…je vais donc te torturer pour que tu récupères ton sac...
pourquoi?
-*imagine la tête de NaNaShi et rit* oh, je te rassure, en te demandant un simple effort de poésie... 4 vers, 4 rimes, et peut-être en plus une prime…un simple impromptu...et tes affaires te sont rendues.
Nanashi réapparaît à ce moment du récit dans la grotte…en piteux état.
Il se dirige promptement vers moi, prend sa respiration et chantonne fièrement ce qui suit sans même attendre un instant:

j’aime la bière
et j'en suis fier
fier d'être un nain
malgré mes 1 mèt’ vingt
c'etait bien?
Un sourir goguenard s'affiche sur son visage.
Volesprit: *rit* pas mal, c’est assumé, c’est bien…et en plus ça sonne nain ! tu permets que je te cite nommément? dans mes mémoires?
Je m’exécutes alors comme promis, lui rend son sac agrémenté de Cinq bagues de dommage en plus que j’avais glanées sur ces monstres rocailleux.
Aussi vif qu’à son arrivée…et qu’à son départ disons… précipité, NaNaShi repart au combat et quitte rapidement mon champ de vision avant de me répondre…il m'envoie cependant de nouveau ses pensées

ah oui sympa les bagues… comme prime, j’économiserai mes 110 000 lumens *clin d’oeil*
-une récompense à la hauteur de l'effort...*sourit*
gros effort quand même
-c'est plus que n'en font certains oui *sourit*
je mérite une hache en titane, non?
-héhé, qui sait la prochaine fois?
en tout cas merci, je vous laisse, ma chère
S’ensuit un moment où je prends note rapidement de l’échange pour ne pas l’oublier…puis je réalise que je n'ai pas obtenu son accord. Je m'adresse donc de nouveau à lui. Bizarrement on esprit me semble plus éloigné que ce que j'attendais...
-vous ne m'avez pas répondu...me permettez vous de vous citer en toutes lettres dans un de mes textes... ?
pas de problème ma chère et,… *géné*…pourriez vous à nouveau récupérer mon sac? j’arrive de suite…
-*tombant des nues* euh, je vais le chercher…
Le pauvre infortuné n’avait pas fait 20 mètres qu’il était tombé sur un rocher un peu plus fort que lui…paradoxal pour un nain, cela dit….
Je garde à nouveau son sac et jette un coup d’œil curieux à l’intérieur…
hum, contenu intéressant...
Il y avait là tout son attirail, un médaillon bleuté, une cape, une rapière finement ouvragée, des essences, des potions…le pauvre devait être tout nu à cet instant…

ça sent le nouveau poème, là?
-je suis serviable, mais pas corvéable, là...
corvéable?
-corvéable, ton esclave, une garde-sac, quoi ! ...
*espérant* une nouvelle épreuve?
-*hésite* … alors, d'un niveau plus élevé...
*soulagé* d’accord
-ou il se pourrait…qu'il te manque des objets...
quelle épreuve *inquiet* ?
-la même mais en plus long, et en plus inspirée...je t'écoutes, myrmidon...
…quelques secondes de réflexion
-*sourit* elle te sont accordées...
Nanashi en profite pour réapparaître dans la grotte à cet instant...j'aimerais pouvoir dire en meilleur état que la première fois...
Il se tient droit et fier cependant en face de moi et prend pour la seconde fois son inspiration:

quand les esprits me quittent
j’ai du mal là...
Volesprit: tout le problème d'un impromptu *sourit*
impromptu?
Volesprit: une poésie improvisée...
je recommence
sous sa fière cape
c'est dur
Volesprit: c’est sûr…*regarde avec envie à l’intérieur du sac*
je recommence alors, c'est parti
*attrape sa biere*
quand je perds la vie
je me sens tout petit
les forces me quittent
et l'acheron je quitte
j’ai du mal avec les rime en « itte »
Volesprit: alors, évites ! *sourit*
ensuite a la surface
la lumière m'éblouit
j'ai du sang plein la face
mais j'en ris
voila
Volesprit: mhhh, *applaudit* il manque un dernier vers toutefois: « et je tanne Volesprit » ? *rit*
*sourit*
Volesprit: beaucoup mieux, j’espère qu’il est de toi ?*sourit* ...négocies, petit être ...
Le sac retrouve alors son propriétaire, alourdi de dix bagues de dommages, comme récompense de ses efforts…
merci pour les bagues
Volesprit: merci pour le poème…*sourit* et ces bagues, c'est déjà beaucoup trop *rit* il n'y aura pas de prochaine fois, ... pas aujourd’hui, pas avec moi !
Nanashi semble hésiter avant de repartir à l’assaut de ces créatures…il s’assoit dans cette grotte à même le sol…il semble réfléchir…j’espère qu’il n’attendait pas simplement que je sois partie pour recommencer…d’autres que moi aurait agi à ses dépends…
je laisse mon esprit vagabonder
au revoir
Volesprit: à bientôt, NaNaShi le nain…*sourit*

Fort contente de l’affaire, de sa fin entendue,
J’en assimile encore toutes les leçons cachées,
Et j’estime que le prix que j’en ai du payer,
N’est pas assez élevé, bien qu’il ait eu son du…

Les quelques morales que j’en ai pu tirer,
Je vous les livre en vrac, et d’autres sont à trouver :

Par delà l’art guerrier, une éducation complète
Vous permet d’éviter, parfois de lourdes pertes !
On peut être poète, et manier une épée…

Regardez bien, de ces deux aventuriers,
Lequel des deux apprend, lequel des deux reçoit ?

On peut être petit et être fort redouté,
Comme on peut être nain et souvent trépasser !

On mesure la nature des personnes rencontrées,
Non par leur race, leur nom ou les armures portées,
Mais par les actes, les faits et la parole donnée.
Les souvenirs font parfois obstacle à l’objectivité !

S’il en est parmi vous, à l’esprit acéré,
Ils trouveront des symboles,
Autres que ceux cités.
Nombreuses les paraboles !
Et nombreuses les pensées !
Toute cette diversité,
Tout ça, ça me plait…
Je m’amuse comme une folle…
Vite, Vite, un autre sujet !

Volesprit délaisse sa plume et s'en va trouver l'inspiration en ces Landes surprenantes...
Dernière modification par volesprit le 19 mai 2008, 11:11, modifié 2 fois.

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Chapitre Second: Eveil

Message par volesprit »

"Eveil"
Première partie:

Un orage qui tonne au loin me réveille soudainement. Il achève mes rêves agités tout comme son cri fait fuir un silence assourdissant. Ses éclairs, zébrant ma chambre, stimulent avec malignité mes pupilles passives. Avec un retard confinant à l’éternité, mes paupières douloureuses s’ouvrent. Confirmant de ce fait à mon cerveau embrumé que ce jour est une promesse de plus non tenue…Mon corps, trempé, encore endormi, peine à effectuer les taches les plus bénignes, ce matin. Il se traine péniblement au bord du lit, tentant de contrebalancer un sol qui tangue et gite furieusement. Après deux tentatives infructueuses à retrouver ma fierté de bipède, je me résigne temporairement à rester au stade du mollusque, assise, prostrée.
Instinctivement, mes bras entament une rapide toilette, puis tentent maladroitement d'enfiler des vêtements sur ce corps qui est le mien. Moi qui me croyais vêtue d'un noir éternel, je découvre ce matin une veste et un pantalon d'un gris délavé. La journée commence bien…Machinalement, un équipement de cuir me recouvre le corps, mais il me paraît bien plus lourd et raide qu'à l'accoutumée. Le moindre mouvement me cause des douleurs. Mon visage les convertit par reflexe en grimaces gémissantes. Je m'étonne d'ailleurs au passage de l’existence de muscle en des zones insoupçonnées du corps… S'ensuit une série de plaintes cocasses, sortant involontairement de ma bouche, et, après une précaire victoire sur la gravité, me voilà enfin debout! Mes jambes engourdies se mettent miraculeusement en marche et je m'engouffre, courbaturée, tête baissée, dans un couloir louvoyant qui mène à la salle principale de l'auberge. Je fréquente ce lieu depuis maintenant 3 lunes et, vu mon triste état, j'appréhende déjà les rencontres du jour.
Retenant ma respiration, j’entre dans la pièce, mais ouf, je respire : personne !…la salle est vide. Le fumet entêtant du lieu, un mélange inévitable de viande rôtie, de vin passé et de restes de cuisine est écœurant ce matin. Il a l'avantage, aujourd'hui, de remettre instantanément mes pensées en bon ordre : Tous mes sens, d'un commun accord fraîchement retrouvé, m'ordonnent urgemment de vomir, ici même!
C'est donc en quelque sorte mon premier acte concerté et réfléchi de la journée…Certains diraient même que mon réveil commence vraiment maintenant, lors de cette prise de conscience, devant la charmante vue d'un agglomérat bileux parsemé de denrées prémâchées, posé sur un magnifique parterre de fleurs non moins colorées. L'odeur végétale est heureusement assez forte pour masquer temporairement mon indignité…
Tiens, comment suis-je sortie à temps ?
…Pliée en deux, j'observe niaisement depuis deux heures déjà cette nature morte qu'on en profite lâchement pour m'asperger d'eau. Je me redresse vivement, inquiète de l'image donnée à la bonne âme qui daigne s'occuper de moi. Je fini par me rendre compte, avec un soulagement déplacé, que c'est le ciel des Landes qui pleure abondamment Morumi, une fois encore…Dehors, sous ce déluge naissant, je m'appuie contre le muret de pierre entourant l’auberge, seul support digne et suffisamment solide pour pallier à mes jambes toujours flageolantes. J'attends que les vertiges passent et que la pluie purifiante fasse son office, en vain. Je me force alors à respirer profondément, avidement, comme si cette nuit n'avait été qu'une obscure apnée sans retour. Je me remplis les poumons de la fraicheur de l'instant présent, de sa simplicité, et sa vitalité tournoyante infuse dans mon corps…les minutes passent… et en définitive, lentement, le malaise reflue. Au même rythme, du reste, que les nuages, qui me dévoilent une matinée bien trop avancée à mon gout! Pas étonnant que l'auberge soit vide…
Fronçant les sourcils, je passe mentalement en revue la soirée d'hier et ne trouve nulle raison à mon état présent. Je suis restée fort sage, comme à mon habitude: Un repas léger, doublé d'une conversation décousue avec mon voisin de table, puis retour dans ma chambre pour une séance d'écriture écourtée par une migraine naissante, un sommeil qui arrive rapidement, comme une délivrance. Rien de particulier, donc, sauf….sauf quelques relents nocturnes et méphitiques de cauchemars insaisissables… Le vent des iles, éloignant la pluie, me sert de prétexte pour frissonner: D'ordinaire, mes rêves, bons ou mauvais, je ne m'en souviens jamais…Consciente de mon état pathétique, trempée, épuisée avant l'heure, je décide sagement de remettre à demain les "ineffables" exploits que j'avais prévus ce jour. Qu'ils aient été physiques, poétiques ou ludiques, aujourd'hui, je serais surtout statique…la tyrannie du corps sur l'esprit a encore parlé!

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chapitre second: Eveil 2

Message par volesprit »

"Eveil"
Seconde partie:

Décidée à prendre soin de moi, je me dirige donc de nouveau vers ma chambre.
En y pénétrant, je suis assaillie par l'odeur rance qui y règne. D'autres choses que mes inspirations ont du mourir ici, et ça doit même sacrément dater! Je me change rapidement, me toilette à nouveau, plus consciencieusement.
Vaseuse mais enfin propre, je me promets d'acheter une nouvelle garde robe aujourd'hui même, et noire, bien entendu ! On n'a jamais fait mieux pour affiner la taille, messieurs. Et le cuisinier est bien trop doué ici pour que je lui résiste. Mais l’exercice attendra demain, au grand soulagement de mes formes callipyges… Je change mes draps, j'aère la pièce en son entier. Je commence un rangement approximatif de mes affaires lorsque je tombe sur mes écrits de la veille. Que je ne peux m'empêcher de relire, en diagonale, en éternelle insatisfaite.
L'histoire, vécue, était bonne, une aventurière débutante rencontrant un guerrier nain fragile, mais mon état d'esprit de la veille n'était pas le bon, lui …Ca m'apprendra à discuter morale avec un Sinan au souper! La chute non plus n'est pas bonne d'ailleurs…elle me paraît trop convenue et quelque chose m'y dérange fortement…sans pouvoir mettre le doigt dessus. Je la relis, en entier et jusqu'au bout cette fois. La dernière phrase, laconique, captive mon attention, comme écrite en lettre de feu : "…On ne peut défaire ce qui a été fait!"
A cette lecture mentale, ces mots, comme par magie, deviennent autonomes, ils acquièrent une volonté propre, et se répètent sous mon crâne, tel un mantra, un crédo, sur un rythme lent.
A la différence que ce n'est pas moi qui contrôle cette pensée…Paniquée, impuissante, mes feuillets rejoignent le sol et mon postérieur, le lit !
Sonnée, je ferme les yeux en me concentrant sur cette litanie…Je l'analyse…Ce n'est pas une pensée extérieure…C'est en moi…Comme une musique, captivante à l’extrême…"On ne peut défaire ce qui a été fait"…
J'essaye naïvement de l'isoler, de la réduire au silence, mais celle-ci gagne en vitesse…et en force, tel le ruisseau devenant torrent.
Je travaille ma respiration, tentant de me relaxer…
Consciente qu'elle se nourrit de mon attention, je cherche à me concentrer sur un autre sujet, à transformer ces mots en série de syllabes dénuées de sens, comme on nous l’apprend à l'enfance pour éviter nos charmes vocaux…
Mais rien ne parvient à m'en détourner suffisamment longtemps. Cette voix ne faiblit pas avec le temps, au contraire de ma concentration…"On ne peut défaire ce qui a été fait".
Ce torrent de mots se transforme en rivière, le refrain gagne en vitesse, la voix enfle…c’est ma Voix ! Mon champ de vision rétrécit, des vertiges me reprennent de plus belle. Je me mets dans la position du lotus…"On ne peut défaire ce qui a été fait".
Des séquences d'images défilent devant mes yeux, des scènes d’enfance familières, que j’aurais oubliées…Je me vois petite, chez ce qui semble être chez moi, bâillonnée puis cachée à la hâte sous ma tente, pour éviter une rafle de la milice…"On ne peut défaire ce qui a été fait!"…
Puis adolescente, chantant devant une foule rassemblée à la va-vite, mais personne n’applaudit ma musique, ils restent inertes, le regard vide…"On ne peut défaire ce qui a été fait!"
Devant les membres du Conseil Bleu, enfin, bâillonnée, encore une fois, sous les regards implorants de mes parents muets…"On ne peut défaire ce qui a été fait!"…
La rivière formée par ces mots grossit en fleuve, se nourrissant avidement de ces souvenirs… Le fleuve passe en crue. Le volume augmente sensiblement, jusqu’au cri. Ces rugissements se succèdent, impérieux: "On ne peut défaire ce qui a été fait!"
Les fondations même de mon être tremblent, sous l'assaut. J’en ai du mal à garder une pensée indépendante…Le niveau monte, toujours. Bientôt, les digues isolant mon noyau de conscience, ma personnalité, seront submergées… "On ne peut défaire ce qui a été fait"
Je me sais battue, mes défenses cèdent…"ON …" Nooon ! " …PEUT DEFAIRE CE QUI A ETE FAIT !"
Même dénuée de raisonnement, les morceaux de ce qui était moi réagissent encore, par réflexe, tel l'animal pris au piège qui se sait condamné mais se bat jusqu’au bout … Je lutte, par désespoir, mais il n'y a déjà plus de "je"…" ON NE PEUX DEFAIRE CE QUI A ETE FAIT !"
Mon âme fractionnée se dilue, personnalité évanescente qui disparaît, force vitale siphonnée par de pauvres mots.
Viens le coup fatal …"ON NE PEUX DEFAIRE CE QUI A ETE FAIT !"
Ce dernier coup de boutoir anéantit toute résistance latente. Il m’annihile, m’efface… et je cesse enfin d’exister…
Dernière modification par volesprit le 25 janv. 2008, 12:12, modifié 2 fois.

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Chapitre second: Eveil 3

Message par volesprit »

"Eveil"
Tierce partie:

Il fait nuit, une nuit noire sans étoile…
Je flotte, corps sombre désincarné au milieu du vide…
Nul part ou aller, nul repère de toute manière.
Les minutes passent, identiques, plates.
Et lentes, tellement lentes, que j'en hurlerais de rage, mais aucun son ne sort de ma bouche…
Je suis prisonnière, spectatrice condamnée…sans Voix au chapitre.
J’attends le début du spectacle, impuissante, mais rien ne vient…
Une vague de panique s’empare de moi, les idées se bousculent dans ma tête, les émotions aussi :
La rage succède à ma peur... elle précéde le déni…en émerge doucement le désespoir... et arrive enfin, comme une renaissance, la résignation…
Ils refluent tous, malheureusement.
Tous, les uns après les autres.
Tous, sauf l'ennui.
Son éternité s'écoule en moi. Je deviens l’ennui même…sa source et son embouchure...
Est-ce donc cela, la mort ? L’idée du néant pur et simple est plus facile à supporter, je trouve.
Certes, je joue avec des souvenirs pour m’occuper l’esprit.
Je philosophe sur des sujets improbables, j’envisage des possibilités, j’entrevois même des vérités profondes sur mon être, sur mes relations désormais révolues avec les autres…
Mais l’ennui revient toujours…
La question de la foi vient inévitablement sur le tapis. D’agnostique, j’en redeviens croyante, pour enfin me découvrir définitivement athée, jusqu’à la prochaine fois...
Après tout, si des êtres pensants, comme moi, percevaient la Vérité Nue, ca se saurait…
Et quand bien même, cette Vérité serait surement trop complexe à mes yeux, faisant appel à des concepts qui nous sont, enfin qui me sont supérieurs…
Sans dieu, je suis moi, au moins, c’est vrai, mais au bout du compte, je suis seule.
Je suis, donc, tout simplement, unique sujet de raisonnement d'une unique pensée…
A ceux qui demanderaient pourquoi les dieux, s’ils existent, nous ont créés, je peux enfin leur répondre : Parce que !
Le temps s’écoule, inlassablement…
Des folies s’emparent de moi, je passe ce qui me semble des années à rire à gorge déployée pour des futilités, et d’autres mois à me lamenter sur de vains sujets.
Je m’invente des amis et leur passés respectifs, puis viennent les amis de mes amis. Leurs goûts, leur relations, leurs conflits hypothétiques même…
Après tout, « Je pense donc je suis » n’est vrai que si d’autres sont là pour le constater et en subir les conséquences…
Je me leurre l’esprit par peur du néant.
Mes divagations, mon introspection, perpétuelle et futile réflexion, m’aveuglent pratiquement au point de louper un changement capital dans mon environnement.
Un changement qui me sauve, du moins temporairement, si le temps signifie encore quelque chose pour moi:

Une lumière !

Un scintillement, au loin, soleil naissant, unique étoile d’un ciel sombre, uni, qui se déplace, et grossit à vue d'œil… à moins que sa vitesse ne soit due qu’au ralentissement progressif de mes perceptions… Mais qu’importe… Ca se rapproche !
L'éblouissante comète se dirige droit vers moi. Du moins, sans référentiel probant, c’est ainsi que je le perçois. Peut être est ce moi qui fonce vers elle...J'arrive!
Sa chaleur touche déjà mon corps, bien qu’encore à grande distance.
Je me surprends à espérer que ce soleil m’engloutisse, calcinant mon corps, et me libère de cette interminable situation.
Fermant alors les yeux, j’ouvre les bras en grand.
"Viens à moi, petit astre libérateur, je suis prête, viens !"
"Je me consume déjà de ton feu, je le sens sur ma peau qui court, viens par ici ma bonne étoile!"
"Je t’attends depuis trop longtemps déjà, approches, ma libération !…"
Mais la douce chaleur qui émane de ce corps se transforme vite en brûlure au fur et à mesure qu’il se rapproche.
Et ces brûlures en deviennent vite insupportables !
Je sens ma peau fictive se racornir sous l’effet desséchant et purificateur de ce cruel foyer.
J’en crie, de peur d’abord, comme je n’ai jamais crié, puis j’en hurle de douleur, et me recroqueville, finalement, roulée en boule sur moi-même.
(L’ennui a disparu, c’est sur, mais je ne suis plus que douleur. Comme disait l'autre, on sait c'qu'on perd, on sait pas c'qu'on gagne...)
Mais l’astre est proche maintenant, j’entends son sourd brasier, je sens ses graves vibrations dans l’espace qui nous sépare.
"Viens à moi !"
"Finissons-en !"
"Termines ton travail, bourreau !"
"Tu m’as déjà à moitié calcinée !"
…Mais sa chaleur décroît brusquement et devient désespéramment supportable…
De dépit, j’ouvre effrontément les yeux espérant qu'il me brulera quand même la rétine, pour le moins.
Mais je constate alors que, d'un fulgurant virage, ce soleil m'a évité.
Puis a transformé son écart soudain en orbite virevoltante…
Il me tournoie autour !
Et l’astre n’est pas rond, à ma grande surprise.
J’y distingue une vague forme humaine, d’une taille identique à la mienne, à mon image.
Moi, en étoile aveuglante...

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Chapitre second: Eveil 4

Message par volesprit »

"Eveil"
Quarte partie:

A son éclat, désormais froid, je constate que mon propre corps, intact, est d'un noir opaque, profond.
Il boit littéralement cette lumière, la déformant en surface puis la faisant simplement disparaître en moi comme une éponge boit l’eau.
L'astre chantant bourdonne à mes oreilles, vibrant d'un son strident, à la fois harmonique et douloureux.
Ses circonvolutions ralentissent, jusqu'à son arrêt total, face à moi…
Désorientée, je me prépare à tout, circonspecte.
Jusqu'alors paupières closes, l'icône éclatante, mon portrait, ouvre les yeux.
Son regard, véritable brasier rougeoyant, me transperce.
Il me sonde, m'explore, et lors d’une infime seconde, me reconnaît, en un court instant de connivence partagée !
Subitement, tranchant ce lien, une voix s'élève, douce et mélodieuse.
Son halo lumineux varie d'intensité en fonction des sons émis, à moins que ce ne soit l'inverse.
Cette voix, c’est la même que celle du charme qui m’a précipité ici, j'en jurerais.
C’est ma Voix, mais différente, en plus assurée, plus maîtrisée peut-être…
Son chant mélodieux résonne, hypnotique, dans la magnifique langue des bleus…que je ne connais pas. Pourtant, aucun son ne sort de sa bouche immobile et close.
Elle s'adresse à moi, directement par la pensée, sans doute. Ses mots et leur sens m’échappent mais leur justesse musicale me captive.
J’en reste muette. Son chant continue, incompréhensible… jusqu’à ce que des syllabes hésitantes se forment dans mon esprit.
Comme si cette copie rayonnante tentait d’utiliser à travers moi une langue qu’elle ne maîtrisait pas.
Elle calque le sens de ses versets mélodieux un à un, me les traduisant en Commun, l'universel langage des Eldorians.
Certes, cette traduction occulte toute ambiguïté, elle dénature la fragilité musicale contextuelle de la langue bleue, qui fait toute sa beauté.
Mais ces mots, bruts, grossiers, je les comprends…
Ils s’entrelacent déjà en un début hésitant. Ils s’entrechoquent, parfois, mais s’organisent tant bien que mal en concepts compréhensibles :

"…Nul ne peut défaire ce que j’ai fait…Nul…Sauf moi…
Mes torts doivent être réparés… Nous sommes, par l’oubli, séparée…Que tu le veuilles ou non !…
Le temps venu, tu annuleras le mal fait…Et je saurais alors disparaître…Ou tu périras par ma folie, à jamais…
Etudies notre histoire, nos lointaines racines…Elles t’éclaireront sur ce que je suis…Ce que tu as été…Ce que, je l’espère, tu ne seras pas…
Je ne peux t’en dire plus… Un pont entre nos deux consciences s’est déjà reformé…
Trop de dangers pour ta fragile existence…
Mon fardeau t’écraserait, inévitablement… Tous ces souvenirs d’autres que je veille…
Alors que je n’aspire plus qu’au repos…
Tu dois agir par toi-même pendant qu’il en est encore temps…
Mon isolement salutaire touche à sa fin… Je ferais tout pour qu’il ne signifie pas la tienne…
Vas vite, scintillant reflet, vas vite !…
Cherches notre histoire à travers l’Histoire…Comprends notre fuite dans celle, plus ancienne, de notre peuple…
Et répares ma faute !…
Alors seulement, peut-être, connaîtras-tu le sens du mot intégrité…"

Un silence majestueux clos son élégant monologue.

Je suis encore sous le charme de ces dernières syllabes, l’étoile se met à briller d’une clarté décuplée.
Son volume et sa chaleur semble augmenter exponentiellement, menaçant de m’engloutir. Un son strident vrille mes tympans : Elle explose !
Son souffle m’atteint… Je sens à nouveau sa chaleur décuplée, douloureuse, sur mon corps… Je me protège le visage par réflexe…
Cette fois, c’est vraiment ma fin… J’en crie, de toute mes forces, aveuglée par la lumière rouge de cette novae…
J’en crie tellement longtemps que je dois reprendre mon souffle…Mais je m’étrangle avec l’air sec et frais s’introduisant dans ma gorge.
Il me fait l’effet d’une douche froide et je …L’air frais…Quel air frais ???
Le corps tétanisé, crispée, j’ouvre les yeux, prudemment…Entre mes doigts, j'aperçois la fenêtre ouverte de ma chambre, qui encadre un soleil couchant, flamboyant.
Ses rayons déclinants réchauffent agréablement la fraiche atmosphère qui règne dans la pièce ouverte à tous vents.
De nombreuses abeilles butinent encore les rares fleurs entrouvertes au balcon, leur litanie bourdonnante forme un délicieux concert à mes oreilles…
Je suis toujours sur mon lit, dans la position du lotus, que j’avais adoptée en luttant contre le mantra dévastateur.
Tournant lentement la tête, j’entends la fille de chambre, affolée par mes cris, qui se précipite vers ma porte…

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Chapitre second: Eveil 5 et fin

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"Eveil"
Quinte partie et fin

L'ouverture hâtive de la porte fait appel d'air avec la fenêtre ouverte.
Ses ouvrants battent violemment hors du châssis. Ils envoient brutalement les vitrages au contact des murs l'enserrant. Le choc les éclate.
Un nuage miroitant de tesson de verre se répand bruyamment dans la pièce.
Sur le palier, une jeune femme crie, moins fort que moi cependant…
Elle est la première à reprendre ses esprits et commence déjà à ramasser les morceaux par terre tout en s'adressant à moi:
« Ohhh, je suis désolée…affreusement désolée…Pardonnez moi, je vous en prie…mais vous aviez crié et je pensais que…" elle s'interrompt, me dévisageant de ses yeux ronds.
Une aiguille de verre, de petite taille, s’est plantée, droite comme un i, sur le dos de ma main. Rien de grave, non…mais je l'observe stoïquement, dévotement. Elle difracte merveilleusement la lumière du soleil couchant sur ma peau bleutée. Une légère goutte de sang carmin commence à sourdre de l'entaille, magnifiant par son contraste et sa texture l'éventail prismatique des couleurs chatoyantes. Je crispe et décrispe lentement ma main, des articulations roulent sous ma peau bleutée en des motifs délicats…L’éphémère douleur stimule délicieusement mes sens. Je me focalise sur cette information nodale, j’en ai la source extérieure sous les yeux...Pas de crainte à avoir… Cette douleur est cependant une bonne nouvelle, elle n’a rien à voir avec ce que j'éprouvais dans ce néant…Cette sensation me conforte, je suis de nouveau moi, enfin, pleine et entière…
Des paroles insistantes me tirent de ma rêverie:
« Madame? Madame…? Tout va bien? » me demande t’elle pour la deuxième fois, catastrophée.
Je lui réponds négligemment, sans quitter des yeux ma blessure :
« Mmmh? Oui… oui, excuses-moi, jeune fille, j’ai cru un instant que…que…que le ciel me tombait sur la tête ! Voilà tout! Ces exercices de méditation sont vraiment à utiliser avec modération, je crois…Et ne t’inquiètes pas pour la fenêtre, mets la réparation sur ma note… »
« Bien ma Dame, grand merci ma Dame…Vous savez, vous êtes dans la même position depuis hier midi …mais vos consignes disaient clairement de ne pas vous déranger… Les fois précédentes, ça ne durait pas si longtemps… et puis votre cri…» Tout en me parlant, son regard fait le tour de la pièce, ébahie, semble-t-elle, par tant de désordre.
J’ôte délicatement l’épine de verre de son écrin de chair. Un mince filet de sang commence à y couler. Je porte rapidement ma main à la bouche, par respect pour la blancheur des draps qui m’entourent. Un goût iodé et sucré à la fois remplit mon palet, éveillant un appétit féroce que j’ai du mal à réprimer.
« Il n’y a pas de mal, ne t’inquiètes pas, vas, vas…Je suis la seule responsable de ce qui arrive ici, je crois…Je rangerai ma chambre moi-même demain matin. Quant à la fenêtre, les volets extérieurs et les rideaux suffiront bien pour cette nuit… »
« Vous êtes vraiment sure que tout va bien, ma Dame ? » dit-elle en tournant les talons, me regardant bizarrement de travers « J’ai cru qu’un terrible sort vous arrivait… »
Je marmonne pensivement pour moi-même : « …Rien qui ne soit réparable, j’espère… »
"Ma Dame?" s'enquiert elle en s'arrêtant.
« Rien qui ne soit réparable, rassures toi, ma fille…» lui assurais-je, plus fort, en l’examinant à nouveau avec aplomb, cette fois.
« Et dis au cuisinier de me préparer un repas consistant, s’il te plait…j’ai une faim de loup !»
Après cette phrase, mon regard lui recommande de cesser de parler. J’attends patiemment que la porte de ma chambre se referme, terminant sa course par le cliquetis maintenant familier de la serrure. Le son de ses pas s’éloignent.
Toujours sur mon lit, sans avoir bougé d’un iota, je reporte mon attention sur le crépuscule rougeoyant, et sur la riche beauté que les Landes m’offrent ce soir…Rehaussant avec talent ce divin spectacle, la myriade d’éclats de verre issus des vitres brisées forme un halo de reflets scintillants … Ce soir, mille soleils se couchent, rien que pour moi…
Une pensée me traverse alors l’esprit, venue de nulle part :
"Vas vite, scintillant reflet…vas vite !"
Je la crois mienne au premier abord, mais l'écho que forment ces paroles me glace les os.
Deux minutes passent, pendant lesquelles je m’impose le calme…
Je me remémore mon double brillant…son discours…
Perdre la maîtrise de mon environnement est la pire peur que j’aie…
Alors perdre le contrôle de ma propre tête…
C’est décidé, demain, j’irai trouver les anciens de mon peuple !
Les récits qui m’intéressent datent d’avant Fingel...
Ils sont d’un temps ou nous écrivions peu et ou l’Histoire Orale faisait encore loi…

Je provoquerai le miracle qui les fera arriver jusqu’à moi. Il le faut !

Déterminée, je me lève enfin…
Un délicieux repas m’attend…Entre bien d’autres choses…

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chapitre trois: Histoire et Sentiments

Message par volesprit »

Chapitre trois: Histoire et Sentiments
première partie

Deux êtres siègent dignement au milieu d’une plaine désertique, assis, face à face, dans la position du lotus.
Le soleil, qui règne ici en maître, souligne inlassablement l’infinité de l’horizon.
Le manque d’obstacle flagrant y contribue aussi à sa façon, malgré la courbure ocre de quelques dunes lointaines.
En ces lieux, nulle trace de végétation, l’eau qui tombe du ciel n’est qu’une vieille légende, l’ombre elle-même est invention de l’esprit…et la vie, économe, se fait discrète.
En ces lieux pourtant, deux êtres que tout oppose discutent, calmes, impassibles, depuis des heures.

« Dis moi, vénérable ancien, si on reprenait tout depuis le début, veux-tu ? Tout ça n’est plus aussi clair pour moi que ça l’était à l’origine…»

La femme bleue a parlé. L’usage de la parole est la victoire de son peuple, son honneur… Pour elle, discuter à voix haute, c’est surtout une marque de respect envers le vieil homme bleu qui lui fait face. Nombre de leurs ancêtres communs ont péris pour la défense de ce droit, la télépathie entre eux deux, à cet instant, ne passerait que pour mépris de l’histoire.
Ses dernières paroles provoquent un léger sourire, à retardement, sur le visage du vieil homme. La peau parcheminée de son visage témoigne des outrages du temps, contredisant la vitalité de son regard et la sagacité de ses précédentes remarques...
D’un mouvement fluide, il sort de sa bourse en bandouillère un morceau de cristal d’une pureté surpassant celle de l’air alentour. Ici, la chaleur de l’astre du jour est telle, que sa puissance, réverbérée par le sable, déforme l’air et la vision du paysage en créant des volutes incessantes, des mirages trompeurs, qui ont scellés le destin de plus d’un voyageur.

« Prends ce prisme et portes-le à tes yeux… jeune fille ! »

Une lueur d’amusement passe brièvement dans le regard de celle-ci… Jeune fille ? Mais il est vrai qu’à quarante fingéliens, on est loin d’être agée chez les bleus… Lui, doit bien avoir dans les cent vingts cycles…
Ca lui apprendra à traiter son interlocuteur de vieux croûton alors qu’il lui reste au moins autant à vivre que ce qu’elle a seulement vécu…Les apparences sont trompeuses ici, et l’erreur ne pardonne pas ! Souviens toi bien de ça, songe-t-elle.
Elle place donc le triangle élancé de cristal, un tantinet plus poli qu’elle, devant ses yeux…
Sa vision lui révèle un décor connu…c’est celui qui l’entoure…mais il est curieusement amputé de sa part centrale…le sol sablonneux y jouxte le ciel…sans aucune transition…l’horizon a été effacée d’un coup de rasoir, bien net. Et l’homme bleu a tout simplement disparu de son champ de vision…
Les minutes passent…L’insatiable curiosité de la jeune femme, celle qui l’a poussée à venir jusqu’en ce lieu retiré, affronte l’inébranlable sérénité du vieil homme…et perd…
« Que dois je comprendre, Thar ? Quel rapport avec l’Histoire ?» demande-t-elle enfin.

Le sage ouvre la bouche comme pour lui répondre…mais se ravise…il dirige son regard vers le sol en plongeant sa main dans le sable brûlant.

« Qu’appelles- tu l’Histoire, Roen ? Notre passé qui nous a fait ce que nous sommes ? Ou la narration de ce passé ? »

Quelques secondes passent, durant lesquelles l’homme observe sa poignée de sable s’écoulant lentement entre ses doigts…il reprend la parole :

« Toi qui adore les mots…qui joue souvent avec eux…saches qu’eux aussi se jouent souvent de nous…Roen, tout comme l’air ici déforme la vue, les mots, suivant le sens sous lequel ils sont perçus, déforment la compréhension… »

Le silence reprend ses droits, fugacement, le temps que le sable ait terminé de s’écouler de sa main…
La jeune fille ôte enfin le prisme de ses yeux…l’homme lui adresse un regard interrogateur, car il a remarqué un changement chez son interlocutrice…le maintien de son dos s’est raffermi, ses épaules et sa tête sont droites maintenant, son regard croisant le sien, lui révèle un début de compréhension.

« Ce prisme est comme l’histoire…du moins sa narration !»

Elle a scandé sa phrase, haute et forte, comme si la vérité ultime sortait de sa bouche. Elle tient le cristal devant elle, comme on brandirait un trophée…en souriant béatement.

L’homme, partiellement satisfait, complète sa phrase d’un laconique « Continues… »

Volesprit refléchit un court instant…choisissant ses mots avec soin, puis décide de s’expliquer.

« Ce prisme symbolise la vue partielle de l’histoire qui nous est imposée par l’auteur…Et ce désert, c’est l’Histoire, telle qu’elle s’est déroulée… »

L’homme secoue lentement la tête…négativement.

« Roen Volesprit, tu persistes à ignorer le facteur humain…tu as compris la symbolique de la déformation, mais tu sous estimes la profondeur à donner à cette analyse…pour écrire l’histoire, et pour la lire aussi…il faut un esprit… »
Le philosophe saisit a nouveau une poignée de sable, et s’en sert comme d’un sablier…pour compter le temps nécessaire que son élève du jour, que les bleus appèlent Roen, mettra pour parvenir à la bonne conclusion…
Les yeux de l’apprentie s’agrandissent plus encore si c’est possible, sous la révélation qu’entraîne la parole du maître à penser. Hésitante, elle baragouine ses phrases au fur et à mesure du cheminement de ses pensées :

« Ce prisme…c’est…c’est un peu tout à la fois. C’est le…filtre de mon esprit, devant les textes historiques rapportés…Je ne peux comprendre l’état d’esprit des gens qui ont vécus les faits car je n’ai pas vécus ce qu’eux, ont vécus…je…je traduis inconsciemment les faits anciens, d’une manière différente de celle dont ils ont été perçus à l’époque…c’est ça ? »

« Mmmh pas seulement non… continues…Roen ! »

Un léger sourire de satisfaction éclaire cependant le visage du maître…il reste encore suffisamment de sable dans sa main…
Volesprit en proie à l’exultation qu’apporte la compréhension subite d’un problème, tourne en rond autour du professeur, et lui expose maintenant son dos. Toute son attention semble fixée sur le fameux minéral…mais elle est tournée vers l'introspection...

« Ce prisme, c’est…c’est le problème de scinder en différentes parties des successions ininterrompues et entremêlées de faits…les écrits ne peuvent rendre la …continuité… et l’ensemble des interactions…qui ont fait l’histoire…je ne lis que des morceaux…des fragments…et j’y vois des liens entre eux, qui ne représentent pas tous ceux présents à l’époque, et pas obligatoirement ceux de causalité à effet…non ? Peut être même ces liens n’existent-ils que dans ma perception des choses… ? »

« C’est…un peu plus clair…mais tu parles du lecteur, enfin de la lectrice...et l’historien dans tout ça ? »

De minces filets de sable s’écoulent encore avec parcimonie de son poing. L’élève fera t elle mieux que le maître, en son temps ? Une certaine fierté devant le déroulement des pensées révélées à hautes voix réveille en lui des souvenirs oubliés…Fermant les yeux, il se revoit tournant en rond dans le sable, lui aussi…devant un autre Thar, enseignant d’autre cours... d’autres lieux, d’autres temps, de l’histoire ? Non !…sa vie !

« Ce cristal…c’est…c’est…aussi le filtre de l’écrivain…qui ne peut être totalement objectif dans son rapport des faits…car à la fois il ne sait pas tout…et à la fois sa vision des choses peut être déformée…même involontairement…tant dans ce qu’il rapporte que de la manière dont il le rapporte… »

La main du vieil homme s’ouvre à la fin de cette dernière phrase…il y reste du sable…plus qu’il n’en restait à son époque…il le sait, il le sens…nul besoin d’ouvrir les yeux pour cela…
Volesprit, toujours de dos, porte à nouveau le prisme à ses yeux, observant la déformation du paysage, et l’occultation de tout un pan de celui-ci… Tenir encore ce minéral en main, c’est symboliquement donner corps à ses pensées, et perpétuer le doux plaisir qu’elle a eu à réfléchir par elle-même, à les suivre jusqu’à leur conclusion. Les phrases qu’elle vient de prononcer, sur l’instant, se font peu à peu vérité consciente chez elle et propagent lentement leur implications profondes, améliorant sa compréhension des choses, compréhension oh combien relative, partielle, et partiale, elle l’avait pressenti …

« Tu veux connaître l’histoire Roen? Tu es armée maintenant…et prévenue…pour affronter ce que tu trouveras…tu m’as demandé conseil…tu l’as trouvé, seule…c’est la meilleure manière de retenir…la seconde après l’expérience de nos propres erreurs. »

Un sourire énigmatique s’affiche alors sur le visage du pédagogue spirituel…mais l’apprentie ne le voit pas, tournée qu’elle est vers l’horizon.
Volesprit acquiesce de la tête, ses yeux subissant le chambardement douloureux du paysage déformé par le prisme…

« Thar ? Ce que tu m’as appris, aujourd’hui, ne modifiera pas que ma vision du passé…je me trompe ? »

La double bleue, en néophyte, entrevoit qu’elle n’est qu’au début d’un cheminement de pensée, et que les répercussions de celui-ci sont bien plus subtiles qu’elle ne l’envisage encore maintenant.
Elle attend une réponse patiemment…qui ne viendra jamais. Elle ôte le prisme de ses yeux, répugnant encore à le lâcher.
Se retournant, elle constate que la place est vide…il ne reste que la trace du passage de leur deux corps…l’enseignant est subitement et silencieusement parti…probablement téléporté.
Elle ferme les yeux et s’emploie à faire parvenir ses pensées par sa seule volonté…Son point de sagesse rougeoie délicatement sur son front.

« Thar ? »

Une voix lui répond qu'elle identifie aussitôt comme celle qu'elle cherchait:

« Toute pensée a des répercutions…Tu avais une question…Je t’ai montré la réponse du mieux que j’ai pu…mieux que je n’ai su la trouver par moi-même à l’époque…cependant, tu voudrais que je réponde à ta nouvelle question ? Tout est lié, Volesprit, c’est certain, mais je suis simplement surpris de voir que pour une future historienne, si j’ai bien compris tes objectifs, tu ne cherches pas la source de ta prime question, plutôt que de déjà envisager les multiples conséquences de sa réponse… »

« Thar ? je ne saisis p...oohhhh?… »

« Fin de la leçon ! »

La jeune bleue, puisqu’on peut maintenant l’appeler ainsi, reste sous le coup de l’ultime enseignement du jour…le cristal en main, elle observe le soleil descendre peu à peu sur l’horizon et donner quelques reliefs à ces lieux qui semblaient desespéremment plat il y a peu…les rapaces recommencent à planer dans l’azur du ciel, profitant des derniers thermiques…un serpent a même fait irruption à quelques mètres d’elle avant de choisir sagement une autre direction que la sienne…la température a baissé, au point d’être à peine suffisante pour ne pas éprouver le besoin de s’enrouler dans sa cape…
Cet endroit a pris un autre aspect en quelques heures, médite-t-elle…ce qu’elle a appris aujourd’hui prend tout son sens à travers cette évolution…apparences…mirages…objectivités et omissions…tout cela est si compliqué…mais la source de ce besoin de comprendre lui reviens en mémoire...sa motivation première...ce mauvais rêve qui n'en est pas un...
Une pensée étrangère la stoppe dans sa méditation…

« Ma douce ? où es tu ? »

Elle lui répond, tardivement.

« J’arrive, je méditais… »

Une silhouette féminine disparaît du paysage. Un cristal minéral tombe au sol.
La nuit arrive à grand pas en ce lieu désormais désert…le silence y a repris ses droits…et le vent qui se lève efface rapidement les traces du passage de ces deux personnes qui n'auraient jamais du se trouver là…

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Chapitre trois Histoire et Sentiments

Message par volesprit »

Chapitre trois: Histoire et Sentiments
Seconde partie

.
..

….Chaleur….
….Couleur vives….
….Lumière d’une blancheur aveuglante….
Résolue, en silence, j’appelle à moi par l’esprit tous les gens de mon clan…
Cherchant à rassembler au plus vite mes « compatriotes », appelons les comme cela…
Je cours entre les tentes du campement comme l’adolescente que je suis, impatiente et virevoltante, haranguant par la pensée les rares personnes présentes à venir sur la place principale…
Et pourtant, malgré le sourire de convenance que j’affiche, l’émotion qui m’y pousse est la plus implacable que j’ai jamais éprouvée…
Le public se rassemble…paresseusement…aiguillé par la fougue de mon insouciante jeunesse :des badauds, des gamins curieux, accompagnés de leur mère intriguée, des vieillards somnolents brusquement réveillés, des artisans, dérangés outrageusement dans leur travail, et leurs apprentis, oui, surtout leurs apprentis…
Tous coupables de n’avoir rien fait…de ne faire toujours rien…
Tous silencieux…Tous des…hypocrites !
Je vais leur montrer, moi, ce silence qu’ils recherchent tant !
Leur montrer ce qu’est le néant…
Je monte prestement sur l’estrade de la place publique, où trône notre source d’eau pure, Bénédiction de notre Voix…jaillissant comme disparaissant à notre volonté sonore…au milieu de ce rien aride et sableux où nous affectionnons de vivre…MA volonté sonore va leur parler maintenant…puisqu’ils l’ont tant cherchée.
Et je vais me faire un plaisir de leur parler, ici !
Cette estrade, ou le Tin de notre clan nous fait régulièrement part de ses décisions…oh pas en paroles, non…ce serait sacrilège…par la pensée...c’est mieux…c’est forcément mieux, puisque c’est en conformité avec le dogme séculaire de notre petite communauté…
Cette estrade où il écoute calmement nos doléances silencieuses, chaque fois que nécessaire…
Cette estrade où maintenant, je campe fièrement, ravie d’avoir attirée tant de gens, sur la promesse fallacieuse que leur Tin s’exprimerait aujourd’hui, alors que je l’ai surpris à l’aurore partant discrètement pour un campement voisin…
Tous ces yeux qui ont tant vus…toutes ces oreilles tournées vers moi…toutes leurs pensées…focalisées sur la mienne…aucune ne s’attend à m’entendre chanter…oh ils ne sont pas tous là…non…mais c’est aujourd’hui que j’ai pris ma décision…aujourd’hui que la coupe est pleine…et je vais la vider, lentement…aussi lentement que mes fingéliens parmi eux sont passés…aussi lentement que je les ai supportés.
Je maîtrise lentement mon souffle, alors que les gens s’étonnent enfin de ce curieux rassemblement et de l’absence de leur représentant….ma voix, que dis je, ma Voix, enfin, commence à résonner dans l’air…mes pensées saturent brusquement l’espace autour de moi…elles jouent avec mon chant naissant…harmonisent les sentiments aux notes, en s’amplifiant mutuellement…une fulgurante explosion de pensée sonore submerge ce public malgré lui …la surprise est totale…l’effet, imparable…Oh, le début n’est qu’hypnotique …sauf pour quelques vieux bleus qui ont bien la force et l’habileté d’y résister…mais ils n’ont encore fait qu’un ou deux pas vers moi que j’entame déjà la deuxième strophe de mon cantique…
La vraie nature de mon chant sacrilège se dévoile à eux…avec un plaisir sadique, jouissive de ma revanche, j’observe la soudaine compréhension agrandir leurs yeux devant l’horreur de mon acte, et leur impuissance à bouger plus avant…
Mon chant, qui vibre alors en eux, les possède aisément…l’âme composite, celle que j’ai créée vocalement, celle qui s’est immiscée en eux, se mêle soudain à la mienne…Ils n’y peuvent déjà plus rien…
Ma Voix augmente progressivement d’intensité, j’y perds mon identité propre, ma conscience personnelle disparaît, se muant en un fugitif mais fantastique sentiment d’omniscience…
Et ces mots : « Les miens », reflètent enfin en partie ce qu’ils auraient du signifier pour moi, durant toutes ces années passées...
La coupe pleine se vide, lentement…
Je m’y abreuve avec délectation…
Très longuement…
Jusqu’à m’y…
Perdre…

..
.
NOUS !
.
..

Nous…
Non ! JE !...
MOI ! Moi !...
Vivante !…Respire !
Je suis allongée à terre…mal au dos…
Ma tête…ma tête explose à chaque battement de mon cœur…
Je tousse…on me secoue…violemment...Ouvres les yeux ! …Vite !
La lumière fait mal…Vision trouble d’un homme bleu, penché sur moi...
Désemparé, pleurant toutes les larmes de son corps, il me secoue dans tous les sens…me frappe de désespoir…des coups sourds qui résonne dans tout mon corps…Sa bouche s’ouvre…
Non pas parler !…il ne faut pas…pas le droit !
Ecoutes ! L’ordre est mental, volonté brute…
« Pourquoi ? »
Ahhh …mes oreilles…
Des coups, des coups pleuvent de ses poings rageurs…
« Pourquoi devais tu faire ça ? »
« Pourquoi ? »
Pas…crier…non…Pas …frapper…mal… ma …tête…mes...oreilles…
« POURQUOI ? »



Cette voix, écrasante, masculine, chargée de reproches, résonne encore douloureusement en moi lorsque je me réveille…
Toujours la même chose…de plus en plus souvent…depuis ce premier et étrange songe…
Toujours mon sommeil amputé d’une partie de la nuit…
Ma respiration se calme peu à peu…mon cœur bat une chamade tempérée, maintenant…
Qu’ai-je fait ? Qui suis-je vraiment?...autant de questions qui m’habitent, me hantent…
C’est pourtant écrit, là…sur ce damné médaillon que je porte autour du cou… Je dois poursuivre à tout prix mes recherches sur ce passé, ou je vais devenir folle…
Toutes ces questions, je pourrais enfin les diriger sainement sur d’autres parties de ma vie…
Mes yeux parcourent le dos de l’homme qui dort à mes côtés…Deux curieuses cicatrices argentées ornent la totalité de celui-ci…Deux…au milieu de tant d’autres… Il respire calmement…et il dort, lui…d’un sommeil sans rêve apparemment…
Qui est il vraiment ? Qu’a-t-il fait ? L’ignore-t-il lui aussi ?
Certains croient connaître toutes ces réponses…des réponses simples, parfois simplistes, pour des sujets compliqués…Des réponses aveuglantes qui leurs évitent de chercher celles qui leurs sont propres…
Je vis avec l’ombre, maintenant. Je le savais, bien sur, mais je le paie dorénavant…L’ombre d’un passé qui me rattrape…L’ombre de mon ignorance pour celle que je suis, pour ce qui m’entoure…
Mais l’ombre est mal nécessaire…que ceux qui en jouent s’y perdent et s’y condamnent!…je me battrai, donc, tout en l’honorant…car elle a toujours fait partie de moi.
La magie des Landes est à l’œuvre en chacun de nous, ici…
Elle fait son travail, lentement, travail de sape parfois…mais ô combien capital.
Elle nous sublime et nous révèle à nous même…spectacle insoutenable pour beaucoup…où certains se réfugient dans les extrêmes...
Tu a été bien naïve de croire qu’il te suffisait de fuir et de faire comme si de rien était, Vole…
Le passé nous rattrape, toujours…
Et le présent n’en est souvent que le déplaisant rappel…
Quant à l’avenir, lui… alors, qu’en cette fin de nuit, mon corps se rapproche d’un autre pour y chercher quelque réconfort…
L’avenir, je l’espère …
J’espère humblement qu’il ne soit pas que leur simple prolongement…
J’espère désespéramment en fait, que l’Histoire parlera pour moi…et me parlera...

..
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Chapitre quatre: Leçons et Etudes

Message par volesprit »

Chapitre quatre: Leçons et Etudes

HRP
noir: parole
italique:pensées personnelles ou description
rouge: télépathie privée
vert:télépathie en commun
HRP

J'avais décidé ce matin là d'aller m'entraîner au combat dans cet endroit particulier où les orcesses pullulent à Illumen, en fervente admiratrice des récents exploits de nombreux aventuriers face aux monstruosités des landes. J’avouerai que je n'aime pas particulièrement ça...mais, nécessité fait loi, et s'il faut en croire la suite, ma foi...n'est pas dangereux qui l'on croit...
Je me dirigeais donc, sereinement vers ce temple abandonné, et souvent mal fréquenté, quand, suite à mon entrée, devant un ouvrage littéraire trônant au centre de la pièce, un sac m'attend sagement...
mmh...je regarde alentour...un dénommé hunz, et un autre, ti_tane, se rapproche de l'objet visiblement convoité.
Une seconde me suffit pour décider de garder les objets et attendre leur ancien et j'espérai futur heureux propriétaire, ici même, à l'endroit où il est tombé...
Hunz et ti_tane me dépassent, sans même combattre les orcesses...mais pourquoi venir ici dans ce cas, me direz vous?...ma foi, j'imaginais encore avoir bien agi...
J'attends sagement la personne en question...assise.Le temps passe...
Apparaît enfin au loin une personne visiblement pressée, et je ne savais pas alors à quel point...
Sa démarche respirait la confiance affichée des guerriers expérimentés, alors que ses blessures prouvaient sa récente et soudaine défaite...il se dirige droit vers moi…apparemment à la recherche de quelque objet perdu….je le saluais donc... voici ce qui suivit...


Volesprit: ah! bonjour
Ignis: Mon salut
Volesprit: vu votre état...vous êtes probablement la personne que j'attends, non?
Ignis: Vous avez mes affaires ?
Volesprit: en effet…mais j'aimerai vous demander un petit effort...avant de vous les rendre...*sourit* vu le passage ici…et le temps passé à les garder…ça ne me parait pas déplacé…
Ignis: lequel ?
Volesprit: hum...juste un petit effort de composition...*sourit*
Volesprit s'assoie
Ignis: de composition ?
Volesprit: oui, un petit...quatre vers, quatre rimes...et peut être en sus. une prime...pour vous dédommager ? cela vous convient t'il?
Arrive alors schmutzi avec laquelle je devais discuter...
Volesprit: ah, bonjour Schmutzi..*sourit*
Schmutzi: mon salut chère soeur et mon salut à vous Ignis
Volesprit: je vous écoute...Ignis
Ignis: Arf la poésie et moi ça fait deux, suis un elfe noir.
[Volesprit: Schmutzi, un instant s'il te plait...j'en finis avec lui...]
Volesprit: mais justement…*sourit* j'étudie toute les races des landes, sans distinction, mais à travers la poésie…je ne jugerai pas de la qualité de votre composition…rassurez vous. *sourit*

J'avouerai donc, alors que tout me semblait entendu et accepté, qu’une orcesse nous a surpris en se jetant à l'assaut d’Ignis...le pauvre, étant mal équipé, ne survécut pas longtemps aux assauts soudains...je n'eu même pas le temps de l’aider...et il laissa derrière lui, un nouveau sac, jumeau du premier...j'étais consternée, d’autant plus que le monstre ne s’arrêtant pas là, se jetta ensuite sur moi…je m’en débarrassai avec peine…encore haletante...

Volesprit: pffff
schmutzi sourit
Volesprit: je vais l'attendre...excuse moi...*hausse les épaules*
Schmutzi: j'ai le temps *sourit*
[Volesprit: Ignis, n’ayez crainte, je vous attends...ici...préparez donc votre poème avant...*rit*]
[Ignis: Non ça ira gardez mes affaires, je n'ai pas de temps à perdre à écrire un poème ! Vous voulez mes affaires, alors garder les !]
[Ignis: Vous en aurez sûrement plus l'utilité !!!]
[Volesprit: Ignis? pas de poême? hooo *désolée* je prends donc note de votre don à ma communauté... ? le dépot bleu commun en sera ravi, mais j’aurais préféré les vers…enfin...]

S’ensuit une conversation privée de quelques minutes avec Schmutzi, où nous évoquons nos expériences réciproques…jusqu’à ce que :

schmutzi: On vient de t'accuser de vol à l'instant *rit*
Volesprit: quoi ? et qui donc?
schmutzi: un ami, Murat, vient de me dire par pensée que tu as volé son frère Ignis!
Volesprit: oh, envoies le moi…c'est une méprise *rit* on l'attend ici…
schmutzi: *rit*
Volesprit: Car j'ai en effet les affaires d’Ignis en ma possession...*sourit* tu l'as vu comme moi.
schmutzi: j'étais présente, j'ai bien vu, mais même sans cela, j'ai toute confiance en toi *sourit*
Volesprit: je ne lui demandais qu'une petite chose...un petit effort...qu’il n'a pas refusé, d’ailleurs, puis il m'a envoyé au diable...et tout pressé qu'il était, legué ses objets...
Volesprit: l'aime pas la poesie...*rit et hausse les épaules* je vais parler à Murat...
schmutzi: je lui ai dejà parlé! s'il se dit mon ami, je ne l'autorise pas à accuser à tort ma soeur .
Volesprit: j'aime bien parler aussi...*tire la langue* et je déteste les intermédiaires…
[ [Volesprit: Murat? un problème? jeune elfe...]
[Murat: jeune ???!]
[Volesprit: jeune... puisque vous accordez foi sans raison à cet Ignis...*sourit*]
intervient ici une tierce personne...ange_noir pour la nommer:
[Ange_Noir: mon salut]
[Volesprit: mon salut, si c'est au sujet d'Ignis...un instant...*sourit*]
[Ange_Noir: Oui]

Volesprit: mmh ange noir maintenant...sont bien organisés...*sourit en secouant la tête*
[Murat: pourquoi ne rends tu pas son sac a Ignis?]
[Volesprit: un instant...ta matriarche…m'interpelle…*sourit*]
[Ange_Noir: Ignis est un elfe noir correct, j'aimerais que vous lui rendiez ses affaires]
[Volesprit: mmh j'ai effectivement bien ses affaires en ma possession...à l’exact endroit où il les a perdues...par deux fois...sans que j'y sois pour rien...j'ai d'ailleurs sauvé ses affaires d'autres personnes...beaucoup moins scrupuleuses que moi...]
[Ange_Noir: Vous lui demandé un poème.]
[Volesprit: demandé, pas imposé…je lui ai proposé de les lui rendre...contre cet échange...de bonne volonté *rit* celui-ci n’as pas du juger un poème à la hauteur du service rendu...il m'a envoyé au diable et en elfe pressé qu’il était, m'a assuré, d'achéron, que je pouvais garder ses affaires...*rit*]
[Ange_Noir: Je vois. Je dois m'absenter, je verrais les mesures à prendre dès mon retour.]
[Ange_Noir: mesures? je reste à votre disposition...*sourit*]

Et voici, a cet instant, Murat qui apparaît en chair en en os, devant moi.
Murat: salutation
schmutzi: mon salut Murat
Volesprit: ah...et voila notre troisième larron...*sourit* mon salut !...Mmmh fais tu confiance à cet Ignis..Murat?
Murat: c'est un elfe noir, ça me suffit pour lui faire entièrement confiance.
Volesprit: je vois...j'oubliais...on se fie à la couleur de peau ?...ou à l'appartenance d'une race ? *sourit*
Murat: pourquoi ne rends tu pas son sac a Ignis tout simplement ?
Volesprit: je veux, soit rétribution du service rendu, soit abandon de son histoire de vol….sais tu seulement ce que je lui ai demandé en échange? Et ce qu'il m'a répondu?
schmutzi: et les amis, murat? tu ne leur fais pas confiance?
Murat: si
Volesprit: toujours est il que je lui aurai proposé, de les lui rendre, sans rien en retour, s’il avait insisté...
Murat: tu lui as dit vouloir un poème en échange, c'est bien sa ?
Volesprit: en effet...quatre petit vers... demandés…
schmutzi: Murat , tu es mon ami et je te dis que tu peux faire confiance à Volesprit, tout comme tu me fais confiance
Volesprit: Dois je préciser qu'il m'a envoyé au diable...par fainéantise de revenir, sûrement...et qu'il m'a précisé que je pouvais garder ses affaires? *sourit*
Murat: oui tu le peux et c'est bien pour cette raison qu'il ne t'écrit pas de poème.
Volesprit: nous somme donc d’accord ! S'il me les laisse...plus besoin de poème...s'il veut les récupérer, qu’il vienne !
Murat:le probléme n'est pas la…
Volesprit: non en effet...le problème…c'est donc qu'il se plaigne d'un vol...qui n'a pas eu lieu...*rit*
schmutzi: c'est une accusation grave
Volesprit: s'il n'a pas de parole...encore moins que de jugeotte…qu'y puis je? il n'avait qu'à me dire clairement: non, pas de poème! il l'aurait eu son sac...
Une pensée, froide, sinueuse m'atteint alors à ce moment, la menace lui servant de respiration, la douleur de ponctuation...
[Uriel: Un poignard acéré/posé sur ton coeur,/ Un regard aiguisé/guettant ta peur,/Peste Bleue, Restitue ! /Si tu as à coeur]
Murat: si Ignis t'a dit cela, c'est la preuve qu'il réagit comme un elfe noir, même un peu trop…il n'arrive pas a garder son calme.
[Volesprit: Uriel, mmh ce poème doit venir de lui…bien sur...sinon il n'a pas d'intérêt…ni encore moins d’effet *sourit*]
Volesprit: *grimace* quel affreux portrait de ta race, Murat...donc vous êtes tous comme cela? je n'y crois pas...et mmh connais tu par hasard un dénommé Uriel? un elfe noir lui aussi?
Murat: non ...et trouves un autre accord avec Ignis !
Volesprit: je n'ai rien à trouver...j'ai déjà trouvé son sac...lui qu'il trouve l'inspiration...ou la sincérité…ou les excuses...j'ai tout mon temps...
schmutzi sourit
[[Uriel: la prochaine fois, ce ne sera pas en rime mais en crime. Restitue.]
Murat: tu te mets en danger
schmutzi: en danger?
Volesprit: tu t'illusionnes… et on m’a menacée...
Murat: si tu le dis
Volesprit: toi ou ceux de ta race...
Murat: tu dois comprendre que moi je ne te veux aucun mal
Volesprit: Mais moi non plus je ne te veux aucun mal…*sourit* à quoi donc te soumets tu? l'ignorance?
schmutzi: je te connais Murat, pourquoi agis tu ainsi?
Volesprit: il y est poussé..Schmutzi…tu vois là la vraie nature des elfes noirs…
schmutzi: je serais triste de perdre un ami pour une histoire semblable.
Murat: je ne te veux aucun mal, mais si tu fais du mal a Ignis, les elfes noirs ne sont pas tous calmes.
Volesprit: je lui fais du mal? *rit* joli raccourci !...j'assumerai donc cela...comme lui assume la perte de son bardât...point!
Murat: si c'est ce que tu veux... bon… je n'ai donc plus rien a faire ici
[Volesprit: Uriel...ce qui est à lui, est à moi...pas parce que je l'ai pris...parce qu'il ne le veut pas...]
Murat: une dernière chose
Volesprit: mmh? tu ne vas pas me dire au revoir j'imagine…
Murat: évites d'aller en zone dangereuse avec lui
Volesprit rit
Murat: ce n'est pas lui qu'il faut craindre
Volesprit: oh je connais mes limites, contrairement à lui !
Murat: au revoir
Volesprit s'incline
Volesprit: Voila donc comment on se fait mille ennemis...*sourit*
schmutzi: je ne comprends pas ses accusations, je pense que je viens de perdre un ami…
Volesprit: j'en suis désolée…tu n'es pas obligée de me soutenir de par ma couleur de peau...contrairement à eux, à leur aveuglement…ne tombe pas dans le même piège qu'eux…
schmutzi: Murat a ses défauts, mais il était là quand j'avais besoin de lui…
Volesprit: il faut croire que vos intérêts peuvent diverger...rien n’est constant. Il peut cependant rester ton ami…avec un avis divergent…
[Volesprit: avis au peuple bleu...Ignis, elfe noir de Séridia, vient de faire don, par fainéantise...de tout son bardat, il sera reversé intégralement au peuple bleu, pour notre dépôt
Volesprit: encore une simple histoire qui va faire du bruit…
schmutzi: je crains bien que oui
Volesprit: moi, une voleuse ?...*rit* z'ont pas tout compris...je ne vole pas les biens moi...*sourit*
schmutzi: c'est une accusation qu'on ne peut pas tolérer !
Volesprit: j'attendrai qu'elle soit formulée clairement...*sourit*
schmutzi: je serais à tes côtés!
Volesprit s'incline: merci, mais tu ne me dois rien...et je ne voudrais pas que tu te sentes redevable…de quoi que ce soit, pour ce qui s’est passé, avant...tu ne l'es pas...vis à vis de moi…suis je claire? Cet affrontement devient inévitable…je ne l’ai pas cherché…on le provoque...je refuse de m’y soustraire en courbant l’échine…en changeant mes habitudes...et euh…sache qu’il y a...des...précédents...*sourit tristement* tu dois savoir que j'ai eu des...disons... différents...avec Kharya...
schmutzi: oui, je comprends, mais cela n'a rien à voir
Volesprit: …mmh...idéalement, non…
schmutzi sourit
Volesprit: ...faut que je note tout ce qu'on m'a dit...*sourit*
schmutzi: je n'en reviens pas qu'on puisse te traiter de voleuse! D'ailleurs personnes n'accordera foi à te telles calomnies
Volesprit: bah...au moins ça montrera la fausseté des certains individus...
schmutzi: je suis encore bien naïve
Volesprit: mmh je le suis encore...on appelle ça parfois aussi l’espoir…
schmutzi: je suis arrivée au bon moment, cela m'ouvre les yeux
Volesprit: je pense qu'ils ne sont pas tous comme cela...la plupart ne sont qu'aux ordres de leur matriarche...et ne visent qu'une chose…la suprématie...sur les autres peuples…*rit* rien que cela…
schmutzi: voilà que je recommence à douter, moi qui rêvait d'une unité....
Volesprit: oh ils sont unis...*sourit*
schmutzi: *rit*
Volesprit: dommage que ce fondement d’union chez eux leur soit imposé...corrompu…Tu sais Schmutzi, l'unité n'existera que dans l'acceptation de nos différences...
schmutzi: il y a déjà un début, romir a crée le RBI
Volesprit: oui…une très bonne idée...ça...j'ai su pour toi.
schmutzi: et tous les membres appartiennent à des peuples différents, mais unis pour une cause commune
schmutzi: et cela laisse rêveur
Volesprit: mmh tout est possible, mais seulement partiellement, ou pour un temps fini...C’est ça, le véritable enseignement de l’histoire de Fingel *sourit*
schmutzi: Mais ce que j'ai vu aujourd'hui noircit mes espoirs
Volesprit: Oh non...au contraire Schmutzi...cela doit les renforcer…on n’atteint jamais la perfection, mais on peut la viser…tout en acceptant la part d'imparfait en nous, en nos actes et nos réalisations.
schmutzi: quelques individus ne représentent pas le peuple, et il y aura toujours des exceptions…
Volesprit: mmh…elles sont même nécessaires, ces exceptions… il te faut lire...un passage…des chroniques…des aventuriers...
schmutzi: tu penses à quel passage?
Volesprit: le titre doit être si je me souviens bien de "ainsi parlèrent deux vieux croûtons..." quelque chose comme ça…*ne peut s'empêcher un léger sourire*
schmutzi: je vais le lire *sourit*
Volesprit: il relève d'une conception des choses particulières…où tout mal est nécessaire...*sourit* ça parle de jardinerie, de bétail…édifiant…et instructif...*rit*
schmutzi sourit
Volesprit: bon, sur ce...je dois aller vider mes poches...un peu plus pleines que prévues...*clin d'oeil*… tu vois, ne désespères pas...un elfe noir aujourd’hui, a peut être fait un don au dépôt bleu...*rit*…à bientôt Schmutzi
schmutzi: à bientôt, je vais me plonger dans cette lecture!
Volesprit: tout n'y est pas..schmutzi..tout n'y est pas...hein...
schmutzi: je sais, mais je cherche à comprendre, et j'ai encore du travail! *sourit*

Quittant les lieux, pour mon désert adoré, je choisis donc une dernière fois, de m'assurer de la volonté personnelle d'Ignis, directement cette fois ci…
[Volesprit:Ignis? mmh]
[Volesprit: Si tu penses, pouvoir me faire fléchir.../ avec des menaces par personnes interposées.../ par ton absence d'envie de réfléchir,/ dis toi que tes biens me sont légués]
[Ignis: A contre coeur ma chère, vous ne m’avez pas laissé le choix. Pensez vous que je sois suffisamment bête pour y mourir à chaque fois... ? Pour que vous puissez me voler toutes mes affaires, sans le moindre effort !]
[Volesprit: hééééé *ravie* c'est ma fois déjà deux jolis vers / il en manque encore deux si j'ignore celui de travers...*rit* / Pourquoi ne m'avoir pas dit cela...? / lorsque le moment était plus adéquat...? / la preuve que vous pouviez le faire.../ dommage que menace et accusation, / soient votre seule imagination.../ il y a des précédents à votre cas, / renseignez vous...avant vos trépas,/ j'ai toujours vos affaires.../ toujours l'envie de m'en défaire.../ et je ne suis plus là.../ où vous êtes tombé si bas! / Si l'envie vous en prenait.../ passez à galein'th, vous m'y trouverez/...n'oubliez pas cependant, / d'y amener votre talent...*rit*]
[Volesprit: au fait j'oubliais.../ rien ne vous empêchait.../ d'une cape verte,de vous vêtir.../ pour ces orcs femelles abêtir.../ et sereinement discuter.../ récupération d'objet...*rit*/ ...à force de voir le mal partout, / on le crée...viendrez vous?

J'attends alors en vain une réponse de la part de ce pauvre Ignis...et pour, pensais je me prémunir contre certaines accusations de vol, qu’il avait initiées, je fais ensuite une annonce publique...la voici:
[Volesprit: Mon salut à tous...mmh Ignis...? Il te reste dix minutes pour aller à Galein'th et récupérer tes objets contre compensation maintenant exigée...après quoi…je considérerai définitivement cela comme don... au dépôt bleu…ou abandon...]
[Ange_Noir: Mon salut aventuriers, Ignis tu es prêt à perdre tes affaires ? ]
[Ange_Noir: Volesprit ! Ignis ne vous écrira pas de poème pour que vous lui rendiez ces affaires ]
[Volesprit: Alors pas d'effort de sa part...Pas d'effort du mien...Je veux juste des excuses... ]
[Ange_Noir: Je n'apprécie pas votre manière de chercher un de mes sombres pour régler d'autres affaires plus personnelles! ]
[Volesprit: mes ? personnelles? *rit* éclairante vision…tout ça n’a rien à voir là dedans...Ange_Noir, ce n'est que juste rétribution...en échange de mon temps, et de ses accusations...Ignis? ]
[Ange_Noir: Ce n'est pas cela et vous le savez aussi bien que moi! ]
[Volesprit: Sachez que je n'attends pas derrière chaque arbre qu'un sombre tombe pour lui garder son sac...*sourit* je ne lui ai demandé que quatre vers...de lui...hein ..pas de vos sbires menaçants...j'ai sauvé son sac… de personnes bien moi prévenantes que moi... Ignis?]
[Ange_Noir: Enfin. Nous n'entrerons pas dans votre jeu de provocation que vous installez depuis tout à l'heure. Si cela peut servir à votre dépôt tant mieux. Sur ce j'ai autre chose à faire. Mes salutations Aventuriers. ]
[Volesprit: hum...je note donc en face du nom d'Ignis...fainéant...et menteur...libre à vous de croire ce qu'il vous plait…je note simplement que vous le soutenez...*sourit* ]
[Ange_Noir: *sursaute au mot fainéant* Dernière chose, Nous daignons vous donner ces quelques babioles. Pour montrer aux yeux des aventuriers que nos requêtes sont légitimes. ]
[Volesprit: daigniez? *sourit* Ange_noir….allons…vous ne donnez jamais rien que l'on ne vous ait déjà pris...et je n'ai toujours pas mes excuses...car je n'aime pas être menacée... ]
[Ange_Noir: Je ne rentrerais pas dans votre jeu. Sur ce bonne soirée! ]
[Volesprit: Vos menaces restant en place / je garderai la mienne / quelle que soit votre audace / je resterai sereine...Oh ? finalement, vous avez raison au fait...j'enlève ce mot : « fainéant »...vous avez déployé bien plus d'effort pour me menacer que pour faire quatre vers ou venir récupérer ces objets...]


Voici donc les faits tels que je m'en souviens. Les morales sont dedans, / je me garderai bien, / de vous les répéter,/ car parfois,au tournant, / ce qui semble adapté, / à un certain sujet, / l'est pour l'autre tout autant...

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Chapitre cinq: Errements

Message par volesprit »

Chapitre cinq: Errements
Partie une: "Hésitation"


Je me tiens sagement assise devant le maître de mon destin.
Toutes les fibres de mon être, des plus superficielles aux plus profondes, des plus conscientes aux plus enfouies, des plus avouées aux plus cachées, aspirent à la compréhension du symbole d’un objet : ce fichu médaillon qui orne quotidiennement mon cou.
L’homme en face de moi, tourne et retourne l’insignifiant objet entre ses mains ridées.
Me voir ainsi dépossédée de ce pendentif me mets mal à l’aise…
Il a une valeur affective non négligeable à mes yeux, mais ce n’est pas la seule cause de mon état…
Quelque chose de profondément enfoui se révulse à l’idée d’abandonner ainsi une partie de moi à un étranger.

Je repense à cet enchanteur, fat et si sûr de lui… Le premier que j’aie consulté pour cette relique…
Aucunes propriétés magiques m’avouait il en souriant narquoisement…Pfff…idiote que je suis d’avoir demandé son avis…l’esprit peut se montrer tout aussi efficace que la magie, non ?
Quant à sa valeur ? Pourquoi donc a-t-il fallu que je la fasse ensuite, par dépit, vérifier par un vulgaire receleur? Qu’il ne vale rien, je m’en moque désormais, il a un tout autre prix à mes yeux…
Et la troisième, la troisième personne que j’ai sollicitée, m’a, elle, par contre, profondément blessée. Une artiste comme elle…une esthète…rester insensible au charme de ce bijou…il est vrai que je pensais ce médaillon plus…intéressant…artistiquement parlant. Mais de là à le juger grossièrement travaillé…
Question d’amour propre après tout! Je le porte quand même autour du coup depuis…aussi loin que je m’en souvienne !
Bref, joli constat…Trois personnes, trois déboires…Tu parles d’un ravissant médaillon, en fait…et pas une personne ici bas pour m’éclairer !

J’enrage de tant d’échecs, de tant d’occasions manquées, de tant d’espoirs vains.
Je rage tellement que j’en souffle bruyamment entre mes dents serrées…Et je réalise de suite que j’ai involontairement provoqué une réaction extérieure :
L’homme en face de moi délaisse un court instant son attention du " précieux " bijou pour me signifier sa désapprobation devant toute chose dérangeant sa profonde concentration.
Je me rapetisse sur mon siège, telle l’enfant que je ne suis pourtant plus. Mon souffle se fait ténu, inaudible.
L’impatience me submerge autant que la crainte de ses possibles révélations me contrarie.
Ma bouche, qui aimerait tant crier, se ferme pourtant volontiers.
Je me fais immobile, me transforme en roc ! Pas un bruit, pas un froissement de tissu ne viendra plus vous contrarier, promis m’sieur!
Une image, je suis une image, juste avec des yeux…
Des yeux, grands ouverts, petit homme, qui ne perdent pas une miette de ce que, plus que ta parole, tes réactions vont me révéler…
Et tu pèseras tes mots, j’espère…

Il me fallait un historien, un vrai, j’ai mis du temps à le comprendre…
Heureusement, j’avais noué quelque amitié avec le vieil archiviste de la bibliothèque du palais de Taarsengaard…
Ceux qui le connaissent un tant soit peu savent que cela n’a pas été facile pour moi de fonder une relation stable basée sur l’échange d’informations…
Mais au bout d’un bon mois d’efforts renouvelés, et je pèse le mot « renouvelés », il a finalement sorti un nom, celui d’une personne, spécialiste historique des factions bleues, qui pourrait m’aider.
J’ai cependant du, en échange, lui promettre de lui donner un exemplaire de mes mémoires…moi ! Une simple bleue !
Et quand je me suis inquiétée de savoir en quoi ma vie pouvait intéresser Séridia, il m’a vaguement répondu que je n’étais pas à même de juger…avant de me demander soudain de lui rappeler la raison de ma présence ici…
Enfin, bref, le voilà, cet homme, cet historien, ce spécialiste, assis en face de moi !
Faut dire que je m’attendais à quelqu’un …disons… de plus charismatique.
Comme si la connaissance devait se lire sur les visages…et rayonner des personnes.
Il observe l’objet, en ce moment, de sa mine fort commune, affectant des manières qui se veulent tour à tour pensives puis soucieuses.
De sa bouche, on ne peut plus ordinaire, il arbore alternativement moue dédaigneuse puis sourire de satisfaction.
Son manège dure dix minutes, dix longues minutes pendant lesquelles je suis suspendue à ses lèvres, plus immobile et alerte, plus paniquée qu’une personne qui entend pour la première fois le hurlement d’un chimérien…
Quand même, dur de penser qu’un esprit instruit se cache derrière son visage rougeaud…
L’espoir me quitte au fil des secondes qui passent…Ca peut être très long ou très court, dix minutes…
Un ressentiment, une lassitude m’envahi, modifiant peu à peu jusqu’à ma vision des choses. Et il ne parle toujours pas.
Le doute, l’ennemi intime, fait son office…
De toute manière, je m’en doutais…La suffisance de cet homme est palpable…
Il suinte d’un orgueil que j’ai feinte de ne pas voir jusqu’ici, simplement parce que j’attends son verdict.
Ha non, tient! Il bouge la tête…enfin…Disons qu’il quitte l’objet des yeux pour essayer, un court instant, de les figer dans les miens, avant de se fixer sur le milieu de mon front.
Dire que je ne supporte pas les gens qui font ça…
Va-t-il parler?
Il hésite, Il ne sait pas…je le pressens...ça se voit comme l’horrible chose qui trône en lieu et place de son nez :

« Ha ha ! Une curieuse pièce que voilà… vraiment étrange….et vous dites l’avoir trouvée où ?... »

Ses yeux pétillent d’intérêt pour la chose. Il ignore tout…encore un incapable…qui fait son intérressant.

« Autour de mon cou, l’érudit…Je n’en sais malheureusement pas beaucoup plus ! »

Il va éluder, le manant, je le sens... qu'il ose…
C’est pourtant pas dur de dire clairement qu’on ne sait pas quand même!
Mes poings se serrent à en faire blanchir mes phalanges.
Ses manières m’exaspèrent, au plus haut point, maintenant que j’ai compris que je n’apprendrai rien...

« Vraiment ? Comme c’est curieux…Mais cela explique bien des choses… »

Mon cœur s’accélère…le temps se dilate…ma soudaine conviction de n’avoir affaire qu’à un imbécile vacille…

«Bien sur, il faudrait que je consulte certains de mes manuscrits les plus anciens pour être sur, mais…»

Se pourrait il que cet homme insignifiant puisse…? Comment, par les cornes d’un féran, pourrait il…?

Un « mais ? » timide, hésitant et interrogatif s’échappe par mégarde de ma bouche...

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Chapitre cinq: Errements 2

Message par volesprit »

Chapitre cinq: Errements
Partie deux: "Exaspération"


« Mais laissez moi d’abord vous poser quelques questions, voulez vous ? »

J’acquiesce calmement de la tête en déployant tout le contrôle dont je sais faire preuve pour me retenir de le secouer comme un arbre fruitier.
Je pose les mains à plats, sur la table…
Et je les y imagine scellées…ça t’éviteras de le baffer pour le faire parler plus vite, ça, Vole…
Je croise les jambes aussi, me jetterai pas sur lui dans un sursaut, comme ça…
Restes calme Vole…reste calme…
Après tout, c’est que de l’histoire…une breloque…
Une petite voix me souffle : juste Ton histoire et Ta breloque…
Rhaaaaa ! Maîtrises toi un peu bon sang!
J’acquiesce donc, attendant sa question, d’apparence tendue, sûrement, mais que j’espère tout de même affable. Un virtuose exploit de maîtrise de soi, donc…

« Mmmmh…Soufrez vous d’une perte de mémoire, même partielle ? »

« Mon passé manque à l’appel, autant que ma patience…en effet ! »

Et paf ! Du tac au tac !
Arf, j’aurais du me mordre la langue aussi…
Enfin, s’il n’a pas compris…là…Je peux plus rien pour lui…
Dix secondes passent…
L’a pas donc compris, l’animal ?
Mais il va parler, oui?
Il faut dire que, malheureusement pour moi, les hommes instruits ont un flegme qui m’a toujours désarçonné…
Lui ne sourcille même pas à ma remarque et passe tranquillement à sa question suivante…n’en retenant que l’information qu’il cherchait tout en écartant mes visibles sautes d’humeurs.
Un peu comme on ignore les soubresauts d’un poisson d’ornement qu’on est entrain de disséquer !
Et bien sur, l’évocation de cette image ne fait que me révolter, plus encore que sa réaction ne le devrait.

« Je vois…Et faites-vous parfois des rêves étranges ? Je veux dire ahem, étrangement…comment dire…autonomes et réels? »

«Ca suffit ! Comment, par tous les Féaux, savez vous cela ? »

Oups…J’ai crié.
Je suis à moitié debout même, les mains toujours posées sur la table certes, mais le dominant de ma faible hauteur!
Et lui, il regarde le médaillon, le tournant et le retournant dans ses mains, en m’ignorant de sa superbe…

« Mmmmmh…fascinant…étonnement fascinant… »

Il réalise enfin, en hochant distraitement la tête, que je ne suis pas à ma place initiale…et que le changement de volume de ma réponse indique qu’il va devoir le prendre compte…
L’homme me regarde alors non plus comme la charmante bleue que je suis mais plutôt comme il a détaillé le médaillon…une source de connaissance potentielle…la matérialisation d’un savoir ancien…auquel, vu son intérêt, il doutait visiblement de jamais être confronté.
Mon sang ne fait qu’un tour.
Moi, une antiquité, ça, encore, je peux l'encaisser…mais je ne serai pas ce vulgaire poisson qu’on dissèque!
J’hurle de colère, d’un orgueil que je ne me connais pas.

« Rhaaaaaaa ! Cessez immédiatement de me regarder comme cela ! Et j’exige des explications ! Maintenant !»

J’ai crié…et encore plus fort…Devant ma fureur révélée, mon index pointé sur lui, mes yeux rougeoyants, ma voix pénétrante jusqu’au cœur, jusqu’à l’âme, l’homme s’immobilise, médusé…
Son regard s’est voilé, un instant, puis il redevient neutre, presque aussi effacé qu’il l’était avant qu’il ne voie le médaillon.
Mince, il va s'excuser...pfff…aucun caractère…et on va encore perdre du temps pour rien…

« Mmmmh pardonnez mon insensibilité…mais on perd la trace de votre tribu bien avant la chute de Fingel…c’est dire, si c’est …déroutant pour moi. Je ne pensais pas avoir l’occasion un jour d’examiner un tel spécimen… »

A l’audition de ce simple mot, « spécimen », hors de moi, je lui arrache alors brutalement des mains ce médaillon qui est le mien, le repassant nerveusement à mon cou, puis je m’assoie, bras croisés, lui ôtant ainsi l’objet de la vue.

« Le spécimen comme vous dites, y s’énerve…Développez un peu bon sang ! »

Mes mains pianotent sur mes avants bras, je les imagine déjà autour du cou de ce soit disant historien…Une de mes jambes, elle, trépigne d’impatience d’aller taper dans le tibia de ce goujat ! Mais c’est cet acte, le fait de cacher le médaillon à sa vue, plus que ma demande insistante, ou mes réactions, je pense, qui le fait enfin réagir.
L’expert qu’il est se voit obliger de partager son savoir, de l‘expliquer à autrui, de commencer à détailler son analyse, voyant l’objet de son attention s’échapper…peut être qui sait, dans le futile espoir de le retenir un peu… ? :

« Je...hem… Je …bon, bien, euh…commençons par le médaillon donc. Et surtout par l’écriture qui l’orne…
La calligraphie en est spécifique, déroutante, sûrement ancienne, mais l’alphabet utilisé est l’eldorian, le commun, en version moderne.
Voyez la façon dont les majuscules, aériennes, s’ornent de volutes et de circonvolutions, contrastant avec les simples lettres frappées des milieux de mots.
Ce que l’on peut qualifier de travail grossier à première vue n’est en fait qu’un style archaïque d’écriture avec des codifications dont certaines règles nous échappent encore de nos jours, mais qui ont toutes leurs significations.
Nous nous trouvons donc devant un paradoxe : l’ancien et la modernité mêlée…»

« Mmf…C’est exactement la définition d’un historien ça ? Non ? Ahem …passons…et l’expert que vous êtes en conclut quoi ? »

« Euh, je n’en conclus rien…deux hypothèses s’offrent à moi :
-C’est soit une breloque sans valeur, une mauvaise contrefaçon, en fait…
-Soit elle signifie que la tribu qui en usait a survécu jusqu’à nos jours…et a intégré les changements de cultures extérieures tout en gardant ses spécificités propres»

« Usait de quoi ? Et quelle tribu d’abord? »

« Hé bien...des médaillons voyons…Le nom de « Volesprit » inscrit sur cette face, là, est connu de quelques rares initiés, dont je fais partie, une chance pour vous : C’est le nom d’une technique de chant, développée par certains de vos pairs…
Je ne vous apprendrais pas la manière dont votre peuple est arrivé en ces Landes…non…
Mais à la suite de leur établissement ici, certains ont choisi que la parole toute nouvelle dont ils jouissaient était plus précieuse que tout, et qu’il ne fallait pas en user à tort et à travers…
Ils étaient certes peu nombreux, minoritaires même…juste assez pour se rassembler en un clan nomade…
Leur chef de l’époque s’appelait Tin Nihil si je me souviens bien…ce qui signifierait vaguement "Guide du silence" ou "Chef de la négation", rapport à leur choix vocaux, voyez vous ? Il a provoqué une scission avec les autres clans de bleus présents…
Ce silence, le fondement de leur dogme, ils se devaient de le garder continuellement, sauf pour chanter en honorant votre dieux, et pour user de cette magie sonore qui vous est si particulière… »

Dites donc, il ne cherche pas à noyer le poisson, là ? Au fait !
« Mmh, mais quel rapport avec moi, tout ça ?... »

« Ah ça, j’y viens…Imaginez les donc…Un clan complet…Tous muets par choix, par conviction…
Ne pas parler à tort et à travers, cela leur a permis, au fil des générations, de développer une maîtrise de la télépathie qui leur permettait quelques finesses…finesses que vos frères et sœurs des autres camps, "les bruyants" comme il les appelaient, avaient du mal à maîtriser !
Je suppose qu’en usant de ce don journalièrement, au lieu de leur parole, ils acquirent une connaissance intime de notre manière de penser…et un langage et des concepts qui n’ont rien à voir avec notre langue parlée ou écrite actuelle…
Réfléchissez un court instant à ceci :
La télépathie, dans les Landes, est certes répandue…mais pas un aventuriers, même les bleus, ne naît avec…Il n’en sont dotés qu’à l’age de raison, après leur chant initiatique…Aucun ou peu n’a du faire l’usage exclusif de cet art mental, en société, sans parole prononcées, de sa prime jeunesse jusqu’à sa majorité…
Et c’est justement ce que cette tribu, votre tribu, je le crois maintenant, faisait. Faisait encore il y a peu, si j’en juge par ce médaillon. Je ne sais comment, ils provoquaient l’ouverture à la télépathie des jeunes bleus avant l’age…
Du coup, nous, simples quidam, en usant de la télépathie après avoir été "façonnés" par le langage parlé des autres, nous ne faisons, la plupart du temps, que retranscrire en pensées des mots, des phonèmes que nous aurions pu prononcer à voix haute.
Eux ont carrément eu le loisir d’inventer un nouveau langage…sans langage !
Sans contraintes de prononciations, avec l’éventail des sensations que l’on peut associer aux pensées, comme les odeurs, les sons, les couleurs…Je n’ose imaginer ce qu’on peut être capable de comprendre, transmettre ou même faire !
Ainsi, certains interprètes doués de votre caste provoquaient à volonté des sentiments chez ceux qui les entendaient, et avec l’aide de chants mnésiques complexes et personnalisés à la situation, ils pouvaient en jouer, et raviver des souvenirs associés, par exemple!
C’est donc simple…vous me demandiez le rapport avec vous ?
Si vous me permettez…m’est avis que vous avez du tout simplement en faire les frais !...Au vu de votre amnésie…et de votre couleur de peau. »

Ma bouche s’arrondit en un O tout d’abord, puis j’associe ces informations au peu de chose que je sais déjà…certaines concorderaient, peut être…c’est sur…mais…

« Mmh, et l’autre face ? »
Dernière modification par volesprit le 26 juin 2008, 09:00, modifié 1 fois.

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Chapitre cinq: "Errements" ; Partie Trois (fin): &

Message par volesprit »

Chapitre cinq: "Errements"
Partie Trois (fin): "Punition"




« Hé bien, l’autre face, le nom de Mordis Aseyis …je connais moins bien le sujet…je l'avoue.
Il a cependant, une connotation particulière, qui symbolise à la fois un crime et une peine...
Du genre « œil pour œil, dent pour dent » si vous voulez, bien que sa nature reste difficile à concevoir pour nos sociétés étrangères.
Je pourrais traduire cela par « privation d’espoir » peut être…ce qui peut paraître risible, mais sachez que c’était fort grave, pour eux !
D’ailleurs, la peine l’est tout autant à leurs yeux…
Il est malheureusement dommageable pour vous que je ne puisse pas vous éclairer plus sur ce point !
Vos compatriotes, en plus de n’être pas très bavards, ont eu la mauvaise idée de disparaître peu après les affrontements menant à l’avènement du règne de Fingel…
Ils prirent sans doute peur de l’usage qui pourrait être fait de leur compétence, comme en témoigne l’histoire de Fingel :
Dans le fameux passage de la guerre du Trépont, où vos ancêtres chantèrent du haut du mythique canyon, ils initièrent un dangereux et irrépressible écho qui terrorisa l’armée Sinane, et permit sa défaite…
Bref, après ça…Disparus! Envolés!
Voilà,…c’est tout ce que je peux vous en dire …comme ça, à brûle-pourpoint. »

La tension qui m’habite est bizarrement retombée, même si je suis cependant déçue par le manque de précision de sa dernière réponse.
L’homme me parait sincère, et me semble beaucoup moins désagréable, dorénavant.
Presque sympathique.

« Mmh et avez-vous une idée, me permettant de régler…mon problème ? »

« Euh, lequel ? »

Comment ça lequel ?
« Ma mémoire, voyons ! J’en ai d’autres ? »

« Hem! Ha ! Euh…Hé bien, d’habitude, les vieux médaillons de ce genre que j’ai vu représentés sur parchemins ne comportent que les initiales, pas les mots complets…et puis ils sont plus fins…moins lourds et épais que le votre…
C’est ce qui m’a troublé principalement, au départ…
Et si je reviens sur les majuscules stylisées…c’est pour vous souligner cela :
Le V de Volesprit, dessiné de cette manière, se suffit à lui-même…pas besoin des 8 lettres derrière pour le comprendre, dans cette tribu…
L’icône générale leur est connue, comme une rune si vous voulez, en plus complexe, car elle n’est pas figée sur le papier et s’associe sûrement dans leur esprit à d’autres sensations, comme du bruit, du mouvement, de la lumière, des émotions…bref ! Un symbole unique par concept donc…
Pareil pour ce qui est au dos…Les majuscules « runes », Le M et le A se suffisent…
Donc, si ces huit lettres y sont gravées, en plus du V, c’est pour une bonne raison…
On a voulu que cela soit compréhensible par tous…Surtout par vous, je pense…
Mais cette raison…hélas, j’ai bien peur que vous soyez la seule à pouvoir la trouver…»

Je garde le silence un court instant. Je rumine ses dernières paroles…dans l’expectative.

« Mhhh je vois…en tout cas, je vous remercie de vos éclairements…sincèrement…
Et si j’ai pu vous paraître grossière ou agressive, j’en suis désolée…
Je suis sur le nerfs en ce moment…et j’ai rencontré tant de charlatans que… »

« Oh mais je suis ravi si j’ai pu vous aider…L’occasion d’observer ce sp…euh cette relique, je ne l’aurais manquée pour rien au monde…Oserais-je juste vous demander de tenir vos engagements maintenant? Et de me mettre au courant de vos recherches, si d’aventure, vous réussissiez à retrouver les vôtres… ? »

« Tout sera consigné à la bibliothèque du Palais…je l’ai promis à notre ami commun…l’archiviste. »

« Euh le vieil archiviste ? Celui de Taarsengaard ? Il ne fait pas vraiment partie de mes amis, lui…A l’époque, ce vieux grincheux m’a recalé deux fois de suite à l’examen d’histoire…Il me disait plus intéressé par la valeur des choses que par leur mémoire intrinsèque…Il avait raison, le bougre…Enfin, depuis, ce sénile fait tout simplement semblant de ne plus me reconnaître…Tout ça parce que j’ai préféré vendre de vieux parchemins au plus offrant, au lieu de lui permettre de les exposer…»

Sa réponse m’étonne…
« Ah ? Pourquoi êtes vous donc venu à sa demande, à notre rendez vous, alors ? »

«Euh dites, vos problèmes de mémoires…Y’me semblent plus importants que je pensais…
A sa demande ? Dites à la votre plutôt ! C’est vous qui me l’avez demandé!
Vous m’inquiétez là…Vous avez intérêt à me payer la somme promise!
J’ai ici votre lettre où vous me promettez récompense contre renseignements…»

J'en reste interloquée…Il me montre la lettre…Un joli faux, y a pas à dire…même le monogramme, mon V, y est reproduit…jusqu’à l’usage d’une encre bleue.
Faudra que je lui cause, à cet archiviste… Enfin, faisant contre sa future fortune bon coeur, je me résous à cette promesse en quelque sorte forcée…

J’esquisse un début de sourire en secouant la tête.

« Et…Euh…Rappelez moi…Combien avions nous convenu, déjà ? »

«Heélàa…je vous vois venir, vous…
Je crois pourtant m’être acquitté correctement de ma tâche, non ?
J’ai supporté votre mauvaise humeur…
Et un voyage en bateau on ne peut plus inconfortable…
Le trajet et les frais, rien que pour les deux derniers jours, j’ai d…»

« Combien ? »

Le couperet tombe.
Ma phrase a tranché, sèchement ! Mes mains rejoignent la table. Pour sa sécurité…
Mes émotions du début refont surface…
Le proverbe qui flatte la première impression me trotte évidemment dans la tête…

« 5000 lumens…c’est écrit là…noir s…enfin euh…bleu sur blanc ! Je me contenterai du médaillon, si vous préférez…»

Idiot…N’a-t-il donc rien compris ?…Je lis l’endroit qu’il m’indique sur la contrefaçon…
Je sors tranquillement ma bourse…En la retournant, une douzaine de pierres de liaison mélangées à des serpentines tombe sur la table…
Je me lève de mon confortable siège sans attendre un mot de plus de cet être répugnant, puis, abandonnant l’âtre et sa chaleur bienfaisante, je sors calmement de la Bibliothèque des Anciens…
Quand je pense que j’ai souillé ce lieu par sa présence mercantile…
J’ai besoin d’air, je dois faire le point...
En marchant jusqu'au bateau, j’en profite pour méditer...
Privation d’espoir, hein? …Mais qu’est ce que j’ai bien pu faire qui vaille ce qualificatif ?
Et nul doute que ces tourments du sommeil fassent eux aussi partie de cette fameuse punition…
Je me dois maintenant de retrouver ceux qui furent les miens!

« Tout a un prix, Volesprit…C’est écrit là, sur ce médaillon, vous pouvez en être sûre…» radotait le vieil archiviste à la fin de notre entretien, en souriant ironiquement…
Mais le vieil homme savait-il alors seulement de quel prix il parlait ?

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Chapitre six: Miroir des âmes.

Je pleure…
Mon âme se déverse d’un trop-plein longtemps contenu…
Pour ne pas m’y noyer, pour ma sauvegarde, et pour la sienne, je pleure…
Devant l'établi et ses ingrédients, cherchant mon pilon, je pleure...
Ai-je fait seulement le bon choix ?
Choisir pour qu’un autre puisse choisir…sans contraintes…
Se contraindre pour éviter que ce ne soit l’autre…
Ne suis-je pas en train de me réduire à ce que précisément je combats ?
Ne suis-je pas tout simplement contaminée ?
Ne penses pas ça Vole…Des chaînes, tu combats des chaînes…
Tu ne permets que l’alternative…
Tu ne contrains pas…tu libères…Là où elle avilie…
Tu renforces la raison,…alors qu’elle joue des bas instincts…
Tu aimes, là où finalement, elle utilise…
Allez ,Vole, tergiverser n'est pas dans ta nature...faut t'y mettre!
Mon mortier à la main, je broie avec application cette poudre si particulière…
Je me concentre sur mes mouvements simples, sur le bruit de raclement du bois sur la pierre...
Le calme revient.
La texture est la bonne…elle est assez fine, maintenant.
Ma vision toujours troublée par l'eau de mon corps, je m’arrange pour qu’une de ces larmes y tombent…une suffit.
Elle quitte ma joue, et s'écrase au terme d'une longue chute dans la poudre couleur de suie.
Ca y est. Tu ne peux plus reculer...
Allez Vole, cesse de pleurer voyons, puisqu’une seule suffit…
Telle une enfant, je cherche encore un dernier moyen de me détourner de l'inévitable...
Et si, alors libéré, il choisissait l’autre ? Y as tu seulement pensé, Vole ?
…S’il le fait, c’est qu’il devait en être ainsi ! Mais il faut qu’il ait le droit de choisir, sereinement…une fois, au moins juste une fois !
Mon dilemme intérieur se dénoue, ma résolution est la bonne, je le sens...
Je regarde la poudre, quantité si infime, se meler à une simple larme...
J'entends sa respiration dans la pièce.
Je lui tourne le dos…Mais je ne lui cache rien.
Il m’attend là, assis, pleinement confiant, si stoïque, alors que je le torture presque.
Je n’ose imaginer ce qu’il endure lorsqu’il est auprès d’elle…Ni ce qu’il inflige à d’autre, lorsqu’il est autre…Je serre les dents.
Que je m’absente et tout recommence…Ce lien qui les unit est trop vivace…
Je pose mon attirail d’apothicaire.
J’essuie rageusement d’un revers de manche ces larmes inutiles, mais rien ne peut arrêter leur flots…la source en est trop profonde.
Je complète la poudre d’un liquide pur, «de l’eau des nuages » m’avait dit le vieux.
La couleur apparaît peu à peu…de noire, elle devient bleue…j’en souris…bleue…forcément…
Ses paroles me reviennent à l'esprit :"La couleur dépend de vous, on ne la connait qu'au dernier moment..."
Bleu légèrement foncé…Bleu océan…Mon océan de larmes, de mon cœur, pour éteindre son feu dévorant…
Je m’empare délicatement de l’aiguille d’une main, prends l’encre de l’autre, puis me retourne vers lui.
Son regard me scrute, aperçoit mes yeux mouillés…
Il se tait cependant…me faisant son plus beau sourire lorsqu’il est lui…
Bombant le torse, il me signifie d’un signe de tête son accord…
Je me poste en face de lui. Prend la position la plus adaptée possible, son coeur à hauteur de mes yeux.
Et si ce que tu vois de lui maintenant n’est pas lui ? Et si l’autre était plutôt le vrai… ? Vole ?
Rhaaaa, Conscience, Remords ou je ne sais quoi, laissez moi !
Ce doute n’est plus le mien désormais…Plutôt que de subir, j’ai choisi d’agir. Pour qu’il puisse aussi le faire.
Je lui donne de ma liberté…évidemment que j’en perds !
C’est mon choix ! Pour son choix ! J’ai le droit de me tromper !
Il y a toujours des conséquences!
Je ne suis pas du genre à me dérober.
Le silence répond à ma hargne.
Je regarde l’esquisse sur sa peau…Correcte, sans plus !
Va falloir faire mieux, le vrai travail commence.
Je dois me recentrer. Retrouver mon calme…C’est la deuxième phase…La plus importante.
Je respire lentement, me détends, m’ouvre à la tâche que je dois entreprendre. Visualise ce que je dois encore faire...
Entre nous deux, je brandis au ciel l’aiguille et le réceptacle contenant l’encre.
Je rive mon regard au sien.
Quelles paroles ai-je choisi de prononcer, déjà?
Ah oui !
Ma Voix s’élève, son regard se perd dans le mien...
« Tatouage de pluie !
Qu’un bourgeon proclame le règne… »
De ma bouche continuent de sortir les vents sortilèges…
De mon âme, en coulent encore les larmes…
De mon aiguille, je trace son salut…
Le temps s'écoule...
A la fin de ces vers, je contemple mon œuvre, incomplète, parcheminant sa peau.
C’est mieux.
On peut continuer.
Liberté fleurira.
Sinon il est déjà perdu.

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Lettre ouverte

Message par volesprit »

Une lettre de l'auteur est glissée dans ce recueil, à la page que vous venez de tourner.
Elle ne porte aucun nom de destinataire, mais arbore le titre de "Lettre ouverte"...
Votre curiosité ote ces écrits de leur enveloppe délicate pour en commencer la lecture.


Comment ne pas se sentir coupable ?
Coupable ne n’avoir pas fait plus ?
Se dire que les autres sont à mon image ne m’est d’aucun réconfort…
Car j’ai fait du mal…
Plusieurs fois…
Ha! Je vois déjà les bourreaux aveugles, avides d’exemple se profiler à l’horizon…
Et leurs charognards saliver à l’avance des aveux que je pourrais leur faire…
Lisez bien, vous tous, jusqu’à la fin…
Lisez donc, avec le futile espoir que ces bribes de confession confortent notre aveuglement commun…
Car j’ai bien l’intention de vous décevoir ! Comme je l’ai déçu.

Décevoir…

Toujours ce mot…
La déception est une arme redoutable.
Je m’en rends compte, trop tard...
Il faut bien me rendre à l’évidence :
Je suis comme les autres.
Nuisible par défaut.
En ce jour, je me découvre communément maléfique.
Mais qu’ai-je fait, me direz vous, pour susciter tant de fiel ?
Hé bien, Rien! Je n'ai rien fait!
Dans toute ma splendeur, naïvement, je vous le confesse…
Rien, alors que j’aurais pu faire tant...
L’aveuglement est si pratique, si… facile, si... répandu.
Et quelle importance de connaître la nature de ce rien, puisqu'il a contribué à son départ ?
paresse. égoïsme. inaction.
Seul ce résultat comptera à mes yeux:

Son absence.

Le mal est inquantifiable. Inqualifiable.
Et il est en moi. Comme en chacun de nous, si l’on n’y prend garde…


Nous n’avons pas été ce que l’on peut appeler proche.
Trop peu à mon goût.
Je vous l’avoue, gênée, maintenant que vous ne pouvez plus me lire.
Mais comment forcer l’autre à nous apprécier, quand il a côtoyé tant de beaux esprits…?
Tricher n’est pas dans ma nature… Je m'approprierai donc cette objectivité contrainte… n'est ce pas le seul et vrai sens de mon nom?
Une semaine, un mois, m’aideront à surmonter votre départ.
Mais gare à ceux qui, par la suite, vous saliraient, vous disant oublié, déchu…
Je les contredirai, et avec une joie mal’saine.
Alors, et seulement alors, vous verriez…
Vous verriez, diaphane instant, s’éclairer mon visage en réponse à la corruption de votre nom.
Et ce modeste et énigmatique sourire, sera le meilleur discours à votre mémoire qu’il me sera donné de leur faire…
Votre victoire, enfin, sur eux, et peut être un peu sur Elles...

Car, tout comme je l’ai compris de vous, d’autres enfants de Fingel, demain, apprendront que la Chute est rarement la morale de l'Histoire…


V.


Au dos de la lettre, griffoné en travers de celle ci, on peut lire ce curieux poème:

Mille dizaines de soleils, car l’Histoire est avare.
Enrobées de pèlerines, revivifiants ramages.
Rajoutez y supports, pour les vieux jours des sages,
Cinq modestes plumes, trait d’Union, pour les soirs
Illuminés des feux entretenus par mémoire,
Sans parler d'un alliage, pour défendre l’espoir…

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Chapitre sept: sans nom.
Partie une: Aube naissante sur fond de nuit



J’étais encore enfant, lorsque pour la première fois, je découvrais ce plaisir simple : observer une forge en activité.

-C’est un endroit magique, par bien des côtés.

-Un endroit où la matière inerte se dote d’une vie propre, aux couleurs pulsantes et profondes.

-Un endroit où le son du marteau est magnifié par le spectacle des gerbes régulières d’étoiles filantes qu'il fait naître, accompagnées par le chant des brusques chuintements de l’eau d’un bac, bouillonnant de révéler la forme surprenante d’un objet…
qui d’une serre ou d’un bec crochu ornant la garde aérienne d’une épée, qui d’une fleur chatoyante éclosant sur le haubert d’un seigneur…Qui...

-Un endroit où même l’inévitable obscurité et la froideur de nos nuits cristallines sont repoussées par l’ardeur infatigable de l’artiste sur son autel.

J’y goûte laisser la chaleur engourdir mes sensations au point de me sentir sous le zénith d’un soleil purgatoire… L’achéron n’est rien en comparaison de ce que procure cette attitude profondément humaine devant un feu, pourtant synonyme de danger pour l’animal qui sommeille en chacun de nous...

Je regarde l’artisan se recueillir un court instant avant qu’il ne commence son œuvre.
Il me semble entendre de sa bouche le nom d’Elau, mais ce lieu de vie est habité par un esprit de feu joyeux et taquin dont les bruissements couvrent habilement ses ferventes prières. Et peut être est ce le foyer lui-même qui s’adresse ainsi directement aux dieux dans un langage que lui seul maîtrise…

Une fois n’est pas coutume, ce soir, de ces mains calleuses et sures, de cet esprit malin, ne naîtra aucun nouvel objet issu des entrailles de la terre.
Le forgeron occupe l'espace, au centre de l’atelier. Il l'écrase même... Tant tout ce qui l'entoure semble se tordre devant sa volonté...
L’apprenti qui le seconde fait d’incessants va-et-vient entre la réserve de charbon, de bois et d’essences volcaniques pour alimenter correctement le foyer. Ce soir, son devoir est allégé… pas de besoin en lourd minerai.
Et je profite de mon statut de cliente privilégiée pour assister de près à leur travail, tout en gardant quand même une prudente et nécessaire réserve.
Mes vêtements ne s’enflammeront pas encore aujourd’hui, même s’il s’en faut de peu.
Le maître scrute fixement de ses yeux flamboyants le brasier central.
Parfois, d’un simple hochement de tête, d’un geste rapide, ou d’un coup d’oeil, il dirige son apprenti vers les tâches nécessaires à l’entretient du feu.
Leur entente silencieuse est palpable, fusionnelle…sans artifices…j’en serai presque jalouse, tant elle correspond à l’idée de l’harmonie que recherche continuellement mon peuple depuis que la parole nous est venue.
Ses bras musculeux, luisant d’une sueur que mon corps bleu ne connaît que rarement, actionnent sans relâche l’énorme soufflet, colorant de bleu et d’orange les flammèches qui s’échappent sous l’imposant creuset trônant au milieu des charbons ardents.
D’un sec et dernier signe de tête, il stoppe son apprenti, qu’il récompense cependant d’un sourire fugace.
Puis, ses yeux délavés me dévisagent patiemment.
Son bras a cessé son mouvement, son dieu, lui aussi, doit sûrement attendre mon bon vouloir…

Je respire profondément, et ôte posément le médaillon de mon cou.
Je le regarde une fois encore, la magnifique estafilade qui l’orne en son milieu m’a valu l’enfer passager des aventuriers. Un orc armé un peu trop entreprenant, doté d’une arme un peu trop aiguisée, à mon goût.
Mais cette estafilade m’avait surtout révélé que, si je n’étais pas de taille à régler des problèmes pugilistiques de cet ordre, j’étais surtout doté d’un médaillon un peu trop épais.
Tellement épais que ça n’a choqué personne, vu la laideur des gravures y apparaissant.
Suite à ce coup de taille titanesque, que je pensais d’ailleurs avoir évité habilement, la pâleur morne de l’or avait cédé la place au gris satiné caractéristique du titane. L’encoche, d’environ deux millimètres de profondeur sur à peu près autant de large, laissait entrevoir une surface ouvragée.
Je regarde une dernière fois le médaillon, puis le patient forgeron, et je pose l’objet dans la coupelle que celui-ci me tend d’une main sûre et ferme.
Il m’a soutenu que le titane ne fondait qu’à une température bien supérieure à l’or…
Et que correctement maîtrisé, son foyer ne réduirait en liquide que la couche superficielle de métal qui l’enrobait.
Le moment est venu, enfin, trop vite et trop lent à la fois.
J’assiste impuissante, à la course presque rituelle de la coupelle jusqu’au creuset.
Le médaillon chute, et en rejoint sans ménagement le fond, quittant ma vision jalousement possessive.
De légères fumerolles s’en élèvent, et par instant, une lueur mordorée se reflète sur les parois pierreuses de celui-ci, me rappelant l’éclat du soleil matinal miroitant sur fond de mer calme.

Un jour nouveau arrive.

Il arrive toujours, miroitant reflet…

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Chapitre sept: sans nom.
Partie deux: Oraison du coeur, sérénité de l’esprit



Seul le feu en crépite d’impatience.
A intervalles interminables, l’artisan actionne son soufflet, toujours deux fois, deux fois seulement.
Les gestes sont maîtrisés, d’une lenteur mesurée.
Entre ceux-ci, il jette un prudent coup d’œil au fond du creuset et acquiesce chaque fois d’un signe de tête dans ma direction, pour me rassurer probablement.
Sait il ce que représente ce médaillon pour moi ?
Il le verra avant moi, dans sa vraie forme... N’y a t il pas là une injustice ?
T’avais qu’à étudier la forge, me répond effrontément mon sens de la répartie.
Je prends donc mon mal, ma jalousie, en patience.
L’opération ne prendrait pas plus de quelques minutes, avait clamé son apprenti enthousiaste en entendant ma demande.
Maintenant, vu sa tête, m’est avis qu’il n’en est plus aussi certain, il sera plutôt soulagé de voir s’il ne se trompait pas.
Je lui jette un coup d’œil de biais. Il n’est pas vraiment jeune, d’ailleurs, pour un apprenti, et s’est mis volontairement en retrait.
Son air parait tendu, mais il semble, tout comme moi, captivé par les mouvements précis de son maître métronome.
Voit-il que celui-ci se fie à la couleur des flammes plus qu’aux secondes espaçant chaque souffle ardent ?
Surement… puisque je ne sais de la forge que ce qu’on en apprend dans les livres…là où lui la pratique quotidiennement.
Bon, j’avoue, j’y ai quand même vérifié son histoire de température de fusion, par acquis de conscience.
Pour la même quantité de charbon, le titane commencerait à fondre à 7 essences volcaniques là où l’or ne le fait qu’à cinq.
C’est pour ça qu’il l’a, mon médaillon, et pas parce qu’il m’a juré sur son dieu qu’il en sortirait indemne!
‘Fin bon. Faudrait pas que ça tarde trop quand même…Sinon je me crois bien capable d’aller le chercher à main nue dans cet enfer, s’il le faut.
Vient le moment décisif où sa large carrure se tourne vers la lourde pince-étau, servant à sortir le creuset du foyer.
Une fois correctement incliné, un court filet d’or en fusion en sort pour rejoindre un moule, s’y muant alors en un fragment de soleil rectangulaire, peu à peu déclinant.
Mais voilà, ça y est, il ne reste plus que l’objet tant convoité au fond du réfractaire.
D’un renversement sec, le pendentif rejoint le bac d’eau…
J’ai cru discerner un disque plat, parsemé de curieuses petites aspérités avant qu’il ne soit caché par les vapeurs d’eau que provoque sa haute température.
Sans même attendre la fin du tumulte, le forgeron plonge sa main doublée d’un épais gant de cuir dans le récipient, et en sort le bijou, encore fumant, pour le poser sans ménagement mais bien à plat sur son enclume.
De loin, on jurerait qu’il y a encore du jaune par endroit…
Du moins, jusqu’à ce qu’il empoigne un martel énorme et le précipite sans ménagement contre l’enclume. Plusieurs fois.
L’énorme vacarme me fait penser à ce qu’on ressent, lorsqu’en pleine guerre d’invasion, un suppôt des landes vous dépassant allègrement de plus d’une tête, avec des bras comme vos deux cuisses, vous envoie son tronc d’arbre sur le crâne pour tester la solidité de votre heaume, et l’éventuelle élasticité de vos os…
Ce bruit me cloue sur place.
Mais c'est qu'il tape sur mon bijou, là !
Et ses biceps n’ont rien à envier aux monstres d’invasions !

-"Hé!J’veux pas récupérer une crêpe moi !"

Mon regard affolé va jusqu’à l’apprenti, qui voyant ma détresse, me fait signe de ne pas bouger, puis s’approche, criant délicatement dans mon oreille :

-C’est du Titane ! Ca craint rien !

A croire que rien ne craint avec lui… Je fais la moue...Mais j’évite de m’approcher.
Ses mouvements sont amples, puissants, et précis.
Devenue rapidement sourde, je regarde le colosse délaisser à présent son outil, et observer ce qui pourrait être la réponse à tant de mes questions.
Lui aussi fait la moue.
Il doit être du même genre que moi… sûrement un éternel insatisfait.
Il m’appelle d’un geste de la main.
Je m’en rapproche, à grand pas.
Au beau milieu de l’enclume se trouve un fin disque de titane, pas plus épais qu’un lumen, à peu près grand comme ma paume.
Les restes d’or, des scories encore accrochées lors de la sortie de l’eau ont été détachés par les coups que l’homme vient de leur faire subir.
Mais le bijou semble étonnamment intact.
Faut croire que les apprentis sont pas tous idiots.

-« Choc thermique puis choc mécanique, c’est le plus court moyen. » me dira-t-il laconiquement un peu plus tard.

Cinq sillons, en cercles parfaitement concentriques, ornent le pourtour de l’objet, sur plus d’un doigt de large.
Des creux sphériques, parfois des bosses, y sont placées aléatoirement sur tout le tour…
Ce n’est plus un collier, d’ailleurs, puisqu’il n’y a plus moyen de l’accrocher. La chaîne était donc en or, intégralement…
Alors que je cherche à le prendre en main, on me tape sur celle-ci, d’un coup vif comme l’éclair.
Lui doit appeler ça une caresse, moi j’appelle ça un coup de massue !
J’en grimace de douleur, alors qu’il en profite lâchement pour enfiler son gant, reprendre le disque de titane, et le plonger une nouvelle fois dans l’eau.
Re - fumerolles…
T’aurais eu l’air bien, Vol’, avec une main brûlée.
Résignée, je scrute le sourire goguenard de la « brute malgré elle », la remercie silencieusement d’un signe de tête et je croise les bras, patiemment.
Après tout, ça fait des plombes que j’attends ça.
On est plus à quelques minutes.

Le bouillon semble se calmer.
L’homme me tend son propre gant.
Ça pourrait être mon bonnet tant il est large.
Son sourire est devenu prévenant.
Il est presque beau, dans son costume tablier.
Le faux contre-jour de la forge sur fond de nuit étoilée lui donne un air apaisé, et gomme les salissures inévitables qu’entraîne son travail.
Cet homme doit se sentir en accord avec lui-même, profondément. Il aime ce qu’il fait, ça se voit.
Il a trouvé sa place, simplement.
Résolue, j’empoigne la manique gigantesque et l’enfile sur ma tête, histoire de détendre l’atmosphère.
Leur deux rires, suivi du mien, masquent un peu l’état de tension qui m’habite.
Je prends une grande respiration, ôte mon couvre chef improvisé et l’enfile correctement cette fois.
Je pars à la pêche de ce qui pourrait changer mon destin, lèvres plissées.
Je sens encore une chaleur résiduelle traverser les couches de cuir épais.
Je ramène l'objet à hauteur de mes yeux.
Du titane, intégralement. Et gravé sur les deux faces, ou plutot il semble avoir été pressé.
Les bosses ornant les lignes d’un côté sont les creux de l’autre face, l’épaisseur du disque restant constante.
Et en plein milieu de celui-ci, le « V-rune » solitaire du mot Volesprit, tantôt en négatif puis en positif, selon le côté regardé...
Bon. Autant pour mon vrai nom, déjà.
Enfin, le pire, ça serait que ce euh truc fasse appel aux chiffres !
En plus, ça va déformer toutes mes poches maintenant qu’y a pu d’chaîne…

-« Euh, m’sieurs les artisans forgerons ? Dites ? Z’auriez pas une zolie petite chaînette, tant qu’on y est ? »

Quatre grands yeux ronds, incrédules, dévisagent mon plus beau sourire…

La nuit est encore loin de s’achever...

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Chapitre sept: sans nom.
Partie trois : le glas des dissensions.


« Voici l’objet. »
Ma main bleue dépose le disque de métal sur la table nous séparant, Thar et moi.

« J’ai déjà pensé à le comparer aux étoiles, pensant y voir des constellations avec ces points et ces lignes qui auraient pu reproduire la voûte étoilée…. Mais sans succès.
J’ai aussi confronté ceci aux cartes que je connais. Mais aucune correspondance n’apparaît.
J’ai même pensé à donner des valeurs numériques aux points selon la place qu’ils occupent sur ces lignes…Je sèche.
Pas un mot n’apparaît. Pas de coordonnées de carte. Aucune corrélation. Rien.
»

Le sage bleu me fait face, immobile. son sourire illumine fugacement son visage et n’y laisse transparaître que peu de rides, hormis celles que l’on nomme élégamment « patte d’oie ».
Il a détaillé l’objet quelques secondes, le temps que je lui parle, et depuis il m’observe.
Mais je le sais capable de s’en souvenir parfaitement, et de continuer à y réfléchir sans même y jeter à nouveau un œil.
Sa mémoire est surprenante.
Plus encore que le personnage.

« Mmmh, ce n’est pas une énigme « à la Adrian », si c’est ce que tu veux savoir. »

Etonnée, je répète sottement sa fin de phrase…
« Pas une én… ? euh…et c’est censé m’aider ça, Thar ? »

« Roen, saches que c’est ton esprit qui pense mystère là où il n’y a qu’ignorance et aveuglement. D’instinct, un esprit indiscipliné cherche un but, une utilité, des motivations à toute chose.
Parfois même il s’en invente de toute pièces, pour renforcer ses conjectures, et simplifier ce monde trop complexe.
Tout ça par peur d’un environnement non maîtrisé.
Rien ne t’interdit de concevoir cette chose telle qu’elle se montre: un simple morceau de métal.
»

« Thar… Je sais que c’est un message qu’on m’a adressé, sur mon… passé. »
Ma voix est grave, mes manières empruntées. Je me sens malaisée. Mon dernier mot est presque susurré, tellement j’ai honte de ce que je suppose être.

« Ce passé, comme tu dis,…Il t’omnubile et t’aveugle à la fois. Ta vie actuelle ne te plait-elle pas ? Tu t’en cherches donc une autre. Et tu penses la trouver mieux ailleurs, quitte à remuer les couches vaseuses que le temps a sagement déposées. Tu cours après une chimère, Volesprit, comme beaucoup de ceux qui viennent ici. Tu converses avec elle, et elle t’illusionne de ses belles promesses. »

Prenant ma respiration courageusement, mes poings se serrent, et les mots sortent de ma bouche avec une intonation mi rageuse, mi coupable.
« Thar, c’est important. Il n’est pas question que de moi ! »

Ses yeux se figent dans les miens, durs, inflexibles. Et je me vois répliqué d’un ton cassant:
« Il n’est jamais question uniquement de soi. Même les nombrils le subodorent. Ton départ aura des répercussions ici, sur d’autres, aussi mineures soient elles… Et puis on est rarement quantité négligeable à ses propres yeux ! »

Devant le visage attristé et contrit de Volesprit, et surtout confronté à son silence obstiné, le vieil homme bleu soupire discrètement, puis reprend la parole, d’un ton plus enjoué :
« Alors, révisons les bases ensemble, veux tu ?…Qu’est ce qu’un mystère d’après toi? Sa définition ? »

Le ton lui a rappelé leur dernier échange, dans ce lointain désert.
Aujourd’hui, ces terres de contraste lui offrent le spectacle d’une autre étendue désolée : le grand manteau blanc de l’île de l’oubli.
Un choix, inconscient se dit-elle, qui l’a décidé à lui donner rendez-vous ici, à la taverne des oublieux.
Ici au moins, les apparences ont l’air si trompeuses qu’on le garde à l’esprit.
Mais le ton qui a monté a attiré Kherial, le galdur irilionnais faisant office de tavernier du coin. Il s’exprime difficilement en séridien.
Mais bon. Il fait plus d’effort que je n’en déploie pour maîtriser l’irilionnais, alors...
A croire que mes ancêtres massacrés ici soient une bonne excuse…

« Toi vouloir boire ? » résonne sa voix gutturale.

« Mmh sers nous deux thés s’il te plait. Voici les herbes. »
D’un coup d’œil je m’assure que mon thar approuve ce choix. Il n’affiche qu’un air indifférent, attendant patiemment la réponse à sa question.

« Deux thés peau bleue? toi sure? »
L’homme du froid semble douter d’avoir bien compris.

« Oui. Deux thés. Eau chaude. Toi connaître ? »
Pour toute réponse, un grognement se fait entendre et je vois déjà son dos s’éloigner vers l’âtre qui chauffera sa bouilloire, non sans avoir haussé ses épaules, j’en jurerai.

Bon revenons à nos moutons. Je cogite dix secondes avant d’ouvrir la bouche.
« Un mystère est une chose dont on ignore pas tout, une chose qu’il est impossible de percevoir en personne. »

Le vieux acquiesce. Il rajoute :
« Personnellement, je n’en connais que trois mystères universels: Dieu, la vraie mort, et l’expression énigmatique du visage de l’autre…
Cites moi la partie de ce que tu sais, sur ce soi-disant mystère.
»

Je m’exécute, enjouée. On avance. J’aime ça.
« Mmmh hé bien, c’est un médaillon en titane pressé. Initialement camouflé sous une couch... »

Une injonction de sa part m’interrompt.
« Cesse cela! L’age n’a pas encore fait baissé ma vue, Roen. Je le vois très bien, ce disque.
Je vois très bien aussi la rune centrale.
Et ses cinq sillons concentriques en périphérie, parsemés de ces poinçons, tantôt rentrant tantôt sortant selon le côté qu’on observe.
Je les vois, mieux que toi.
Tu ne m’as pas compris.
La mort et Dieu t’étant à toi aussi inexplicable, dis moi plutôt ce que mes yeux ne peuvent voir, Volesprit.
Dis moi ce que tu oublies, hypnotisée par ce colifichet et tout ces détails. Dis moi ce que cache ton visage.
»

Il me fixe. D'un regard lourd, pesant, accusateur même peut être.
Je réponds pitoyablement dans un murmure:

« Si seulement je le savais moi-même… »

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Chapitre sept: sans nom.
Partie quatre et fin: Seule avec ses pensées.


Sa main frappe brutalement la table, d’un bruit retentissant qui me fait sursauter. Un acte si décalé en ce lieu fantomatique. Le crépitement hypnotique du feu semble même s’être mis en sourdine, comme intimidé par tant d’éclat. Je m’assure de la réaction du galdur qui fait semblant obstinément de n’avoir rien entendu. Le ton mordant de mon maître me ramène à la réalité :

« Dois je te poser toutes les questions que tu n’entends pas ?
Quel age crois-tu avoir pour te morfondre sur toi-même ?
Cela me déçoit de ta part, Roen ! Cesse de titiller ton esprit dans tous les sens comme un insecte décérébré!
C’est humiliant de découvrir qu’on ne peut tout expliquer, hein ?
Mais pourtant ce médaillon ne fait pas partie des trois grands mystères universels que je t’ai cités…
La réponse existe. Et elle t’est accessible. Oh oui. Accessible.
Par toutes les dissonances, où est passé ton sens de l’analyse ?
Ce pendentif tient ton raisonnement global en échec. Soit !
Mais un problème insoluble dans son ensemble, peut se révéler si simple quand on le morcelle, quand on le regarde sous le bon angle…
Dis moi ce qui t’empêche de voir, Volesprit.
Dis moi ce qu’il y a derrière ton visage !
»
Son index pointé droit sur moi m’accuse si bien que j’en déglutis difficilement.

Il te malmène, Vol’… juste pour voir tes limites. Montre lui ce qu’il veut voir. Réfléchis !
Je me force à respirer, à me détendre, et laisse lentement le calme reconquérir les lieux qu’il a si facilement quittés. Le Calme est l’ennemi du chaos. Le Calme est l’ennem…
Tiens ! Le galdur qui se rapproche va te donner de précieuses secondes pour te permettre de sauver la face !
Les tasses sèment de réconfortantes fumeroles sur son trajet.


« Deux thés, comme peau bleue bavarde demande. 10 lumens. »

Je lui règle et le remercie, voyant qu’à son habitude mon Thar ne bouge pas d’un pouce et ignore l’individu, toujours focalisé sur moi.
J’attends sagement que le serveur s’éloigne à nouveau, sans relever son adjectif déplacé.
Il en bougonne encore et me jette un drôle de regard avant de se détourner.
Hé ! Bavard toi-même.
Bon. A ton tour, professeur…
Ce court répit m’a permis de faire le vide.
Je rassemble mes idées, et c’est d’un ton posé, calme, synthétique que j’ouvre le bal :


« La rune signifie Volesprit. C’est mon nom. Elle viendrait de mon clan bleu que j’ai quit... »

D’un laconique mais énergique « Merci Roen. Ca suffira. » , Thar lève brusquement une main, la paume ouverte face à moi. Il vient de me couper la parole pour la seconde fois.
Quelques secondes font trépasser ma stupéfaction.
Quelques secondes qui me font penser que jamais nos conversations n’ont été aussi tendues.
L’exaspérerais je tant que cela aujourd’hui?
Du calme, Vol’, du calme. Il t’aide.
Même si c’est à sa manière, parfois déplaisante, elle a toujours été instructive, non ?
Il me regarde, me scrute en s’expliquant plus avant :


« Ce mystère t’appartient complètement dorénavant, puisqu’il n’en est plus un à mes yeux. Cependant, tu en connais la réponse, aussi paradoxalement que tu connaisses ton nom. »

Médusée, je ne peux me retenir de lui poser idiotement cette question :

« Tu veux dire que ce mystère, tu l’as résolu ? »

Mais c’est avant tout son sourire qui me répond. Un rien moqueur, j’en jurerai, il précède sa phrase :

« Bien sur. Mais uniquement depuis que tu ne m’en as si bien parlé! »
Et pour couronner l’aveu, un rire en clôture.

Rhaaa ! Interloquée, je me retiens de le questionner à nouveau. Je le connais. Il joue. Il ne me dira rien. Rien clairement en tout cas. La réponse est en moi, donc. Il m’a donné des indices. Faisons le point. Que lui ai-je dit ? A voix haute, je m’exprime:

« Mmh la rune signifie Volesprit. Volesprit est mon nom. Elle viendrait de mon clan bleu.
Faisons en une déduction : La rune est mon nom venant d’un clan bleu.
C'est-à-dire, pour faire simple, la rune est bleue.
»
Mouai. Pas une révélation ça. Une rune bleue. Pourquoi pas un ciel gris…
T’as déjà été meilleure Vol’ !

D’ailleurs, la confirmation ne tarde pas à m’arriver. Suffit de voir la grimace de mon interlocuteur et maître devant ma lapalissade…


« Méfies toi des syllogismes, Roen… Je te l’ai déjà dit.
De plus, tes prémisses sont partielles. Si la forme est juste, la vérité matérielle que tu en retires est elle presque inutile…
»

Mes sourcils se froncent devant son charabia. Ah oui. Syllogisme. De vagues souvenirs me reviennent.
1 : A est B.
2 : B est C.
3 : donc A est C.
grosso modo.
Mon interlocuteur complète :


« J’ai compris ce qu’est ce bijou surtout grâce à ce que tu ne m’as pas dit. J’ai compris car je sais où tu te trompes… »

Retour direct à l’envoyeuse. Bon. Comment savoir ce que je n’ai pas dit ? Mmmh réfléchis, réfléchis…je suis censé le savoir. Donc, c’est ce que j’ai oublié de dire plutôt, que je dois trouver.

« D’accord. Je pense avoir compris, Thar. Voyons ce que je t’ai dit. Pour en découvrir mes non-dits.
A-La rune signifie Volesprit

Ca, si l’autre face de rougeau s’est pas trompée, on peut penser que c’est vrai.
B-Volesprit est mon nom.
Mon erreur doit être là. Ha. En fait, ce n’est pas seulement mon nom. Disons que c’est plutôt le nom que j’ai pris.
Volesprit, c’est surtout le nom d’une technique de chant de mon ancien clan bleu.»

Il hausse un sourcil, que j’espère approbateur.

« Donc ? »

« 1 et 2 donnent : La rune signifie Volesprit, qui est le nom d’une technique de chant de mon ancien clan bleu.
Donc 3 devient: La rune est le nom d’une technique de chant de mon ancien clan bleu.
En gros, la rune est un chant bleu.
»

Hééééé, il a l’air satisfait. Touché ! Enfin !

« Regardes ton médaillon maintenant que tu n’es plus aveuglée par ton identité, en gardant seule à l’esprit ta dernière conclusion. »

Vol’ prend en main l’objet, observe sa rune centrale, puis ses cinq cercles concentriques, puis les poinçons qui les ornent…

«La rune est un chant bleu. Mouai. Et le ciel est toujours gris. Bon, décomposons…
La rune est un chant bleu, les cercles sont sur le médaillon…Pff
La rune est un chant bleu, les poinçons sont sur les cercles… Hmmf
La rune est un chant bleu, le médaillon est… Mmh la rune ?
Le médaillon est la rune, la rune est un chant bleu, le médaillon est un chant bleu, les cercles sont un chant bleu, les poinçons sont un ch…
Par Fingel ! Ca y est !
Thar, j’ai trouvé !
C’est une partition !
Thar !... Les cercles sont des portées ! Les poinçons sont les notes !
Comment j’ai pu passé à côté de ça…?
»

Je relève la tête toute à ma joie.
Seule le vide me dévisage.
Rhoooo ! Il est encore parti en catimini. Sale manie ça.
Vas y pour la télépathie …
C’est avec mon premier sourire aux lèvres de notre entrevue que je m’adresse à lui, même s’il ne peut le voir.

« Thar ? Tu savais ? »

Aucune pensée verbale ne me répond. Mais je sens sa présence silencieuse à l’écoute, quelque part en mon crâne…

« Tu savais. Ça implique que tu connaissais cette rune, et son sens, alors que je ne t’en avais pas encore parlée… depuis quand Thar? »

« Ah ! On réfléchit enfin à ce que je vois. Pas trop tôt ! Au moins, je n’ai pas perdu tout ce temps à converser avec ton esprit… Oh oui. J’ose le dire, tout ce temps… »
Le gloussement caractéristique d’un rire télépathique termine sa pensée.

Bizarre. Y réagit pas comme ça d’habitude.
« Thar ? »

« Il est des choses qu’il faut découvrir par soi-même, esprit bleu. Je te l’ai déjà dit.
Et je n’ai ni le pouvoir, ni l’envie de t’éclairer plus avant…
»

« Du pouvoir, Thar ? »

« Tu comprendras. Au fait, avant que je ne disparaisse de tes pensées, choisis donc un endroit discret pour tes vocalises, Ex-Roen… Car c’est un chant dangereux. Et nous savons combien il l’est, n’est ce pas ? »

« Ex ? Thar, je ne te comprends plus... »

« L’heure du retour de ta compréhension viendra avec celle de ton Non-chant.
N’oublie pas. Nul ne peut défaire ce que tu as fait. Nul, sauf toi.
»

Encore cette phrase !
Je tente encore de le joindre. Il sait trop de choses!
Seul le silence me répond. Interminablement.
Et un désagréable frisson qui persiste de ma nuque jusqu’aux entrailles…
Un disque en titane me nargue de tous ses feux argentés, sur la table.
Les deux thés y fument encore. Le sien intact. Je me réchauffe difficilement les mains autour du mien.
Et malgré le poids d’un regard Galdur sur mes épaules, je me sens maintenant seule, au pays des oubliés.
Il y a quelque chose qui m’échappe encore dans nos dernières conversations, où j’ai l’impression que les doubles sens foisonnent…il ne m’a pas tout dit.
Mais j’ai un autre sujet de préoccupation en tête, maintenant.
Trouver l’endroit approprié. Le trouver, vite.
Car même mon ancien Thar me le dit.
Nul ne peut défaire ce que j’ai fait. Nul, sauf moi…

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Chapitre huit: sans âme.
partie une: déception



Une étrange mélopée s’élève d’un endroit non moins étrange, il est vrai.
Malgré la voix bleue de l’interprète, les sons se succèdent discordamment et disparaissent d’eux même dans un silence pesant.
Un long soupir leur succède, puis des paroles vindicatives s’élèvent :

« Ca y est ! J’ai compris thar ! J’ai compris ! » Un rire narquois éclate. Celui de la même femme. Elle semble fulminer…
« Hmmf, tu parles…ma pauv’fille, t’as rien compris du tout oui !
Elle est belle ta musique tiens. Tu sais pas par où commencer avec ce foutu cercle sans fin !
Tu sais même pas si les notes sont noires ou blanches selon que les poinçons rentrent ou sortent…
Tu sais encore moins dans quel sens lire la partition. Pis d’abord, c’est l’arc au dessus de la rune, ou celui au dessous que je dois chanter? Pasque là, ça inverse tout simplement le niveau des notes… un sol au lieu d’un ré, c’est pas rien ça quand même !
Et la suite, parlons en de la suite… la note suivante, je la trouve où ? Hein ? A sa droite ou à sa gauche ? Hein Thar ? T’es où maintenant là, hein ? »

Et je ne parle même pas du côté du médaillon pense-t-elle …vu que sur l’autre face, y’a la même chose en miroir, avec autant de possibilité supplémentaires de pas trouver…
Le médaillon dans une main, la tête dans l’autre, la bleue se morfond, accoudée sur la grand table.
J’en ai pour des jours. Des jours d’essai selon la note choisie pour le départ, le sens que je donne aux poinçons, le sens de lecture que je poursuis…
Si seulement je tenais le tordu celui qui m’a légué ça…
Va me falloir de la méthode. Ouaip. Va m’en falloir. Et beaucoup.
Epuisée par ses essais successifs et vains, Volesprit sent progressivement ses sens s’engourdir. A fixer sans relâche ce pendentif, le disque a laissé une image rémanente sur sa rétine, et le V-rune apparaît d’autant plus souvent que ses clignements d’yeux se rapprochent. Une vague de sommeil arrive, qui la submerge sans peine en quelques minutes, et la laisse, échouée, tête posée sur son bras, affalée sur un coin de table au milieu de la mer de livres qui l’entoure.

.
..

« Mère ? Pourquoi on doit pas parler ? Dans le désert, la dernière fois, j’en ai vu plein qui pavoisaient à voix hautes, des bleus… et ils chantaient pas hein. Ils parlaient même si forts que le vent portait leur parole bien avant que le sable ne m’ait montré leur trace…»

Par la pensée, d’un ton qui se veut réconfortant, l’adulte tente de raisonner l’enfant pour la énième fois aujourd’hui :
Sibylle! Parler à tort et à travers, c’est mal ! Je te l’ai déjà dit ! Tu troubles la Mélopée des Ames qui nous unit à Lui ainsi que tout ceux qui nous ont quittés. Dieu lui-même t’écoutes alors que tu ne lui dit rien d’intéressant. Comment le prendrais tu, toi ? Et si les éléments eux même se lassaient de nos mots à force de les entendre ? Et s’ils cessaient de nous obéir comme ils le font si bien?
Prends ce silence comme une marque de respect. Cet autre clan que tu as vu, fait partie des Bruyants. Ils ne respectent rien, imitant bêtement les Eldorians.
Ils n’ont pas compris pas d’où vient le pouvoir de nos Voix.

« Mais maman ! Y m’ont traité de muette quand j’ai refusé de leur répondre, là bas! Un autre a même dit que j’étais sûrement une simple d’esprit, pour ne pas savoir parler. Y en a même qu’ont rigolé ! »

Ecoute ma fille! Si tu veux comprendre, il faut écouter.
Et pour écouter, il faut savoir se taire.
Nous ne sommes pas muets ! Nous sommes à l’écoute.
Ce sont eux les sourds ! Eux les ignorants !
Veux tu continuer à ignorer le pouvoir des mots, Sib ?

La jeune fille secoue la tête négativement, lèvres plissées, tête baissée.

Alors arrête de parler à tous Vents. L’Harmonie s’en ressent. Prends ce livre de chant, et va donc prier. Là bas tu pourras t’époumoner de tout ton souffle pour Le célébrer.

La femme sait qu’il est un peu tôt pour sa fille de commencer à célébrer les Notes Sacrées.
Mais après discussion avec le Thar du clan, il s’est avéré que c’était une bonne solution pour canaliser efficacement la fougue de la petite…
Il est vrai que son couple était arrivé ici bien après la naissance de celle-ci.
Ne pas parler doit être dur pour elle, alors que son enfance a été bercée par les paroles des bruyants que nous étions.
Mais c’est une bonne fille.
Elle comprendra bientôt songe-t-elle, confiante, en regardant la chair de sa chair quitter sa tente.

..
.

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