[V] Seerear. [achevé]

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

[V] Seerear. [achevé]

Message par Seerear »

Seerear faisait cuir un lapin à la broche, comme tous les soirs quasiment depuis qu'il était seul en Draïa. Le grand sombre dormait dehors, vagabondait à longueur de journée et, lorsque le soleil se couchait, préparait un feu à l'abri des regards, face à la mer et sous la voûte étoilée.

Le silence. Un goût de liberté.

Le poids des fingeliens accumulé sur ses épaules. Le crépitement des flammes.




Souviens toi, Seerear... Souviens toi...




Une brise tournoyante écrasa les flammes.
Dernière modification par Seerear le 29 nov. 2009, 18:33, modifié 3 fois.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Re:

Message par Seerear »

De sa jeunesse, il ne restait rien. Une jeunesse volée. Seerear était né avant même l'arrivée de Gaed'estr et ses premières années ne furent que vagabondages au cœur des forêts, chassé par les Hauts Elfes. Plus tard, une maison vit enfin le jour, ou plutôt la nuit. Les débuts d'une organisation. Les débuts des apprentissages, de la soumission et de l'obéissance. Les début d'une identité, d'une communauté. Puis ces prémices devinrent une société. Et de la société, une hiérarchie...

De sa vie passée, il restait tout. Une vie volée. Apprendre à se taire, à communiquer discrètement par les doigts. S'entraîner pour devenir plus fort, plus rapide. Il était grand, il était fort. Peu de mâles avaient les épaules aussi large que lui, peu de mâles détenaient son sang froid. Les fingeliens s'écoulaient inlassablement, dans le ventre de la bête. Les souterrains obscures de la Maison d'Esselhiën n'avaient aucuns secrets pour lui. Au plus profond, on trouvait un ultime couloir, totalement plongé dans le noir. Ce dernier étranglement, cette dernière défense, défendait les quartiers sinueux des prêtresses et de la mère matrone.

Son secteur.

Sa vie.




*****



- Seerear!

Aunriia se tenait dans l'encadrement de la porte de la salle des gardes. Un grand feu y brûlait, emplissait la pièce d'une odeur âcre, s'ajoutant à celles de la transpiration et de la viande grillée. Seerear mangeait seul, plaçant des grandes tranches de viande rouge sur son pain noir. Les autres gardes fumait près du feu, leurs discussions en dialecte sombre se mélangeant aux craquements des buches au sein de l'âtre.

Seerear se leva, délaissant son repas:

- Capitaine.
- C'est l'heure de votre service, dépêchez vous! Vous êtes dans le couloir central cette nuit!


Il s'essuya la bouche et délaissa son repas. Il mangeait comme trois mâles en pleine santé. C'était l'un des avantages de faire partie de la garde rapprochée, la pitance à volonté. Il ceignit une longue rapière de combat à sa ceinture, ajusta ses poignards dans ses manches et suivit la Capitaine. Elle était la plus haute gradée de ce corps d'élite. Elle était responsable de la vie de 13 prêtresses, de leurs enfants, et bien sûr, de la Matrone. Aunriia était une fille du feu, énergique, imbattable. Elle faisait partie de cette majorité de femelle qui aimait dominer.


Adossé à un mur, Seerear adressa quelques signes à Aunriia dans le couloir. Première phalange de l'index plié-majeur soulevé-auriculaire et pouce repliés-deuxième phalange de l'annulaire plié-pouce relevé-index et majeur écarté.... Elle répondit de la même façon et ajouta un imperceptible mouvement des yeux.

Il resterait là jusqu'à la nuit suivante. Si l'on pouvait parler de nuit dans ce couloir souterrain.

L'ultime couloir avait pris une dimension quasiment mystique dans la communauté. Une barrière soit disant infranchissable. Toutes ces histoires entretenues par la mort de serviteurs parfois peu prudents. Serviteurs qui étaient le plus souvent des assassins, de toute façon.


Un souffle.

Les yeux de Seerear s'ouvrirent. Leurs regards perçaient encore mieux le noir que les sombres roturiers. Rien. Seerear était éternellement immobile, il respirait très lentement et son coeur battait à une fréquence très basse. Aucuns parasites n'émanaient de son corps.

Il jeta soudainement quatre poignards, ses deux bras décrivant des arcs de cercles implacables.

TAC TAC TAC TAC !!

Elles avaient rebondi sur un métal, un bouclier sûrement. Il empoigna sa rapière et discerna enfin un adversaire félin qui se jeta sur lui avec une telle férocité qu'il trébucha et tomba sur le dos. Acculé, Seerear distingua nettement une main qui se levait, meurtrière, armée d'une long poignard effilé. Alors que l'arme s'abattait, Seerear, toujours aussi impassible et froid, lança sa main et empoigna le poignet de son ennemi. Plus fort, mentalement plus solide, il reprit rapidement l'avantage et, d'un ample mouvement des jambes, il retourna la situation... Son adversaire sur le dos, immobilisé par la poigne et les jambes du grand Sombre, ils étaient collé l'un à l'autre et il se rendit vite compte qu'il s'agissait d'une femme.

- Très bien, Seerear.
- Capitaine?
- Qui d'autres seraient arrivés jusqu'ici?


Il relâcha son étreinte mais ne la libéra pas. Bassin contre bassin, Aunriia glissa lentement une main sur la hanche du sombre. Aunriia était aussi sévère qu'elle était sensuelle. Seerear était toujours de marbre mais ses muscles étaient pour ainsi dire relâchés. Elle lui flanqua alors un gigantesque coup bien placé et put continuer sa route.

- Vous êtes un idiot, Seerear.

Cet échec n'en était pas vraiment un. Pour l'excellente raison qu'il n'allait pas tuer la capitaine. Il n'y eut pas de retombées. Sévère mais juste.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Re:

Message par Seerear »

Aunriia posa une flèche sur la longue table de la salle de garde.

- Mâles, l'heure est grave. Vous êtes tous mobilisés, ce soir.

La flèche était de fabrication elfique. Seerear détestait ses "cousins". C'était le cas de tous les mâles présents qui étaient né bien avant la venue de Gaed'Estr. Les éclaireurs avaient rapporté que les Hauts Elfes attaquaient les maisons mères aux alentours. Leurs yeux avaient enfin vu clair dans leurs cachettes. Il préparait un assaut pour écarter les sombres de ces territoires. Sombres qui, même si dans les profondeurs Seerear et ses camarades n'étaient pas spécialement au courant, avaient du leur causer du fil à retordre. Toujours est-il que ce soir, c'était leur tour.

Une guerre. Une guerre sournoise. Mais une guerre pour protéger les femelles et les enfants, des deux côtés.


Quelques heures plus tard, on entendait des râles provenant de la surface. Le cauchemar se rapprochait. L'Ultime couloir était plein de la garde rapprochée, tapis dans l'ombre. Aunriia était là, en retrait, donnant quelques ordres. Ils allaient réussir à arriver jusque là. Ils allaient réussir. La communauté en assumeraient de lourdes pertes. Seerear et les autres gardes savaient pertinemment que les Hauts elfes les verraient dans le noir, eux aussi disposaient de l'infravision.

Les yeux fermés pour sentir son environnement, il goûtait chaque émotions... L'inquiétude des prêtresses dans son dos, l'attente implacable de sa capitaine, les cœurs palpitant de ses frères... Et la haine des Hauts elfes qui approchaient. Ils avaient du préparer cet assaut depuis des fingeliens et des fingeliens... Et pourtant. C'était si soudain.

Il vit.

Des ombres rouges, avançant dans l'ombre, aux aguets. Ce rouge, c'était leurs sangs qui coulaient dans leurs veines. Ils firent leurs premiers pas dans l'Ultime Couloir. Chaque garde était adossé à un mur, accroupi dans un recoin, tous placés aléatoirement selon une stratégie complexe. Tantôt isolé et exposé, tantôt avec un camarade de combat juste à côté. Aunriia avait été clair. Pas de fioritures. La garde rapprochée tue vite et bien. La garde rapprochée ne se perds pas en colère. La garde rapprochée se tait et exécute les ordres.


Les phrases sont trop longues.

Ils sortent de l'ombre, eux-même, ombres. Le frottement des habits, le sifflement des poignards contre la plainte lancinante des flèches. Les épées qui s'abattent dans une gerbe d'étincelles contre le fil des sabres recourbés. La garde rapprochée meurt mais ne se rend pas. La capitaine hurle ses cris de guerre. Esselhiën ! Esselhiën ! Essia Iss Khérélim !!!


Le métal et le sang.
La garde rapprochée donne sa vie.
L'ombre et la lumière.
La garde rapprochée donne sa vie.
La haine ancestrale incurable.
La garde rapprochée donne sa vie.

Nos enfants et Nos femelles.
La garde rapprochée tue.
Dernière modification par Seerear le 29 nov. 2009, 18:27, modifié 1 fois.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Re: "Oui." [inachevé]

Message par Seerear »

C'était terminé.

Deux maisons-mères sombrèrent après cela. Un coup dur. Mais finalement, la maison d'Esselhiën se redressa grâce à la poigne de la Matrone et le courage de la garde rapprochée. Il ne fallait jamais faillir. Les deux maisons-mères perdantes disparurent complètement, définitivement éliminé par les maisons plus fortes qui désiraient davantage de territoire. C'est à ce moment que l'on put reconnaître toute la force de la maison d'Esselhiën, car aucunes maisons ne profita de leur apparente faiblesse. La Matrone avait su se faire respecté, en particulier par la peur qu'elle inspirait et par les pouvoirs maudits des prêtresses. Les mâles et femelles survivants se sentaient en sécurité malgré les récents conflits. Ils travaillèrent très durs pour remettre la maison en marche. Ils purent alors tous manger à leur faim pendant l'hiver.

Aunriia fût récompensée en participant à un rituel d'après guerre. Seerear fût nommé Lieutenant, fait exceptionnel dans l'histoire de toutes les maisons-mères. Mais comme la garde était composé exclusivement de mâles... Il n'y avait pas vraiment le choix. Il fût lui aussi invité au rituel. Aunriia ne comprenait pas pourquoi cet honneur lui était fait, il ne le méritait pas, d'après elle. Mais les "yeux" de la Matrone avait vu. Seerear, bien qu'isolé durant la bataille -Aunriia prenait plaisir à lui corser la tâche-, s'était battu comme personne et avait abattu à lui seul 12 adversaires.


Tout près des appartements de la Matrone, ils entrèrent tout deux dans une pièce humide. Une caverne, pour ainsi dire.

- Tenez vous un peu, Seerear!

Elle lui fila un petit coup. Il n'avait aucune tenue officielle pour l'excellente raison qu'on ne leur en fournissait pas. Il avait alors opté pour sa tenue de combat.

- Vous me faites honte, Seerear.

Il baissa son regard sur la capitaine, qui, elle, portait une armure de grande qualité. Sur mesure, aux arabesques fines et enroulées. Elle était agaçée, et le fait qu'il ne répondait jamais n'arrangeait pas les choses.

- Vous n'avez rien à dire pour votre défense? S'exclama-t-elle.
- Si.
- Alors!
- Vous penserez, Capitaine Aunriia, à mander une armure pour le désormais Lieutenant.
- Pas d'impertinence! Répondit-elle, rouge de jalousie.
- Alors ne me demandez pas de parler.


Par chance, la Matrone et trois prêtresses entrèrent, coupant net la conversation. Cela pourrait paraître surprenant, mais Seerear n'avait jamais vu la Matrone. Elle avait de longs cheveux argentée, une regard particulièrement pénétrant. Elle semblait aussi douce que meurtrière. Son allure était droite et souple, aussi forte que le roseau qui ne plie pas. Il baissa les yeux, s'inclina devant l'éternelle qui se tenait là. Elle ne le remarqua même pas.

- Capitaine Aunriia, vous êtes là.
- Matrone.
- Veuillez vous tenir en retrait, vous et le Lieutenant Seerear.
- Bien.
- Apportez le corps, prêtresses.


C'était bien d'un corps, dont il s'agissait. Un corps de l'un de leurs ennemis. Il était déjà mort. Les trois prêtresses l'allongèrent sur un autel. Un autel à la déesse Elh. Les sombres croyaient. Toujours. Mais ils croyaient toujours en une déité différente. Seerear savait parfaitement qu'Elh était en vérité des plus banals.

Elh était protectrice. La source du respect et de la force. L'obéissance. Elh n'a pas de sexe. Elh vit grâce aux sacrifices d'animaux, à l'obéissance face à des ordres justes. Elh protégeait même les mâles, parfois.

Les prêtresses allumèrent de grands bols d'encens. L'atmosphère prenait une toute autre forme. Elles allumèrent des bougies autour d'une statuette d'Elh. Un simple bouclier autour duquel se tenait des mains. Mais pas seulement deux mains. Des multitudes de mains agrippaient le bouclier, comme pour consolider cette défense. Il n'y eut plus bientôt que le corps du Haut Elfe, Elh, et les trois prêtresses. La Matrone ordonna que le rituel commence puis se plaça à son tour en retrait.

Les prêtresses incantèrent longuement. Les fumées des encens entourèrent le corps du défunt. Les flammes des bougies prenaient de plus en plus d'ampleur et les flammes léchèrent le plafond. En transe, les prêtresses scandèrent Elh, la protectrice. Les bougies s'éteignirent. Seerear sentait une peur en son ventre. Pas si banal que ça.

Quelques minutes s'écoulèrent dans le silence puis, l'une des prêtresses brisa le silence pesant, visiblement épuisée:
- Matrone. Le défunt a parlé.
- La Matrone t'écoute, Prêtresse.
- Les Hauts Elfes n'attaqueront plus, leurs armées ont battu en retraite. Il n'y aura plus aucuns troubles avant de nombreux fingeliens. Au moins 40.
- La vision était assez claire?
- Oui. Nul besoin d'ouvrir le corps.
- Bien.


La Matrone se leva et laissa les prêtresses s'occuper du corps. Elle se tourna vers Aunriia:

- Capitaine, vous serez donc en paix quelques temps. Je vous accorderais une permission d'ici quelques jours, la surface vous fera du bien après ces temps troublés.
- Matrone... C'est trop d'honneur.
- Vous pouvez disposer.


La Capitaine salua avec respect la Matrone qui appréciait le calme retrouvé. Elle s'éloigna et entraîna Seerear. Il lança un dernier regard à la Matrone. Elle le lui rendit, cette fois. L'espace d'une seconde, elle avait lu en lui. L'espace d'une seconde, il s'était retrouvé nu. L'espace d'une seconde, il lui avait résisté.
Dernière modification par Seerear le 29 nov. 2009, 18:43, modifié 1 fois.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Re:

Message par Seerear »

L'ombre. Le temps qui passe dans le silence. Seerear gardait une porte au beau milieu des appartements des Prêtresses. Voila quelques mois que les conflits étaient terminés et plus que jamais il fallait prendre soin des enfants nobles. Non loin d'une solide porte en bois fermé de l'extérieur, il se tenait là, droit, invisible. Il ne comptait plus les heures qu'il avait passé ainsi. Il servait, point.

Son regard observait les alentours, puis il refermait les yeux. Il n'entendait ni son coeur ni son sang. S'il avait pu devenir l'obscurité, il l'aurait fait.


Derrière cette porte se tenait une apprentie, une jeune sombre du nom de Eli. Seerear, et tout les gardes d'ailleurs, ne voyait que très peu les prêtresses. A moins que ce ne soit l'inverse? Un bon garde est celui qu'on ne remarque pas, après tout. Aunriia l'avait affecté à la surveillance de cette elfe noire pour la bonne raison que son apprentissage touchait à sa fin et donc, qu'elle était très faible. Autant cela coulait de source pour Aunriia, autant Seerear se demandait pourquoi la fin d'un apprentissage était obligatoirement synonyme de faiblesse.

Il entendit un petit bruit.

Crr... crr...

Il empoigna sa rapière aussitôt.

Crr... Crr...

Cela venait de derrière la porte. Il s'approcha puis, au moment où il penchait la tête pour écouter:

- Il... Il y a quelqu'un? S'il vous plaît...

Il garda le silence. La voix était faible, implorante.

- S'il vous plaît... Je sais qu'il y a quelqu'un... S'il vous plaît.
- Demoiselle Eli? Tout va bien?
- Garde? Ouvrez moi, je vous en prie...
- Que se passe-t-il?
- Je n'en peux plus, ouvrez moi.


Seerear ouvrit sans vraiment hésiter. Elle était peut-être en danger après tout. Eli se tenait là, à genou. Elh! Qu'elle était maigre! Ce n'était qu'une enfant, pour Seerear. Et elle était au bord du malaise.

- Demoiselle Eli, que vous arrive-t-il?
- Ce n'est rien, c'est... Le rituel d'apprentissage. J'ai si faim...
- Le rituel vous l'impose, Demoiselle Eli.
- S'il vous plaît, non, ne fermez pas...


Il ferma la porte. Il ne pouvait l'aider. Un mâle reste à sa place, un garde encore plus. Les nuits s'enchaînèrent et Eli grattait à la porte tous les soirs. Son apprentissage allait être bien long, encore. En observant ce qu'amenaient les serviteurs, Seerear comprit qu'on demandait l'impossible à la jeune sombre. Elle devait avaler exclusivement des choses acides, qui brûlaient l'estomac, ou bien simplement... des choses indigestes. Le jour, Eli devait sortir pour défier son propre corps. Il l'accompagnait, parfois, elle et une autre prêtresse, dans une salle d'entraînement. L'apprentissage dans la douleur n'était pas réservé qu'aux gardes. Les prêtresses recevaient une sorte d'éducation guerrière basé sur l'endurance, ingérant des mélanges de plantes acides et aigres. Elles devaient étudier énormément de livres, la faim au ventre. Seerear ne comprenait pas. On donnait le fouet à celles qui n'y arrivaient pas. Comme on donnait le fouet aux gardes après une erreur.

Plus de vingts nuits s'étaient écoulés. Cette fois-là, Seerear ouvrit à nouveau la porte, on aurait dit qu'elle venait de tomber. Elle était dans un état proche de la syncope. Un état second que les apprenties prêtresses devaient côtoyer suffisamment pour gérer leurs futures transes.

- Demoiselle Eli, j'ai entendu un bruit sourd?
- Je...


Elle était au sol. Seerear se précipita, la souleva. Elle était si légère, si frêle. Toutes les femelles n'étaient pas dominatrices... Il la déposa sur le lit.

Elle le regarda. Sans un mot. Ses grands yeux sombres dévisageait Seerear. "Pourquoi ne m'as tu pas aidé..."

Il sortit, referma la porte. Un sensation dans la poitrine. Son sang frappait dans ses tempes. Sa respiration était bruyante, irrégulière. Son corps aurait pu briller dans le noir, l'effet aurait été le même.

Il regarda autour de lui puis quitta son poste. Il se faufila. Les gardes ne le virent même pas. Il trouva les cuisines qui, à cette heure, était vide. Se souvenant de ses années d'errance à travers les bois elfiques, Seerear alluma un feu rapidement puis y installa une petite marmite. Il concocta un mélange de plante légère et parfumée, du lait, un oeuf... Il apporta le veloutée à Eli. Ca sentait bon, c'était doux et nourrissant.

- Merci...
- Vous allez mieux?
- Oui... Comment vous appellez vous?
- Seerear.
- Merci, Seerear.



Merci, Seerear.

Ces mots résonnèrent dans son esprit. Les nuits se succédèrent, encore et encore. Seerear traversait les couloirs des quartiers des Prêtresses. La cuisine. Du lait, des oeufs. Profitant des vivres réservées aux gardes. Il en apprit davantage sur l'apprentissage des Prêtresses. La faim et la fatigue était en vérité jeun et état second. L'exercice physique était l'oubli du corps. Tout était préparé pour communiquer avec Elh, avec les morts et les vivants. Les livres étaient nécromancie et politique...

Une nuit, alors qu'il était tout prêt de la porte, haletant, une voix le freina brutalement dans sa route.

- Lieutenant Seerear, vous me décevez.
- Aunriia! Je...
- Silence!! Où étiez vous?
- Aux cuisines.
- Aux cuisines! Vous avez délaissé votre poste et... Qu'est ce que c'est que ça?
- Un... Du potage de...


Seerear se ratatinait sur lui-même. Aunriia était sèche, la punition allait être rude.

- Vous mangez pendant votre service... Très bien. Dommage...

Elle claqua des doigts. Des mains agrippèrent le grand Sombre. Le bol tomba sur le sol, se brisa, le potage s'étala sur les dalles de pierres... Derrière la porte, aucuns sons. Elh ne le protégerait pas, cette nuit. Elh ne le protégerait plus jamais.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Re:

Message par Seerear »

Seerear était pendu par les bras, dans une pièce nue et froide. Son dos était lacéré de marques. Son erreur lui avait valu bien des souffrances. Aunriia l'avait enfermé voila une semaine. Mais il ne l'avait pas vu. Il n'avait vu que les gardes, ses soi disant camarades, qui venait le rouer de coups. Pourquoi? Il n'en savait rien. La jalousie? La déception? Il penchait plus pour l'obligation d'appliquer la punition, afin qu'ils comprennent ce qu'ils encourraient.

Une semaine. La porte s'ouvrit et une silhouette qu'il reconnut aussitôt entra dans la geôle. La Matrone.

- Seerear.
- M..
- Silence!


Elle le gifla aussitôt. Elle semblait excédée, à bout de nerfs.

- Vous connaissez Dame Eli, n'est ce pas? Vous l'avez surveillé. Vous avez été surpris en train de manger durant votre tour de garde.

Il se contenta du silence.

- Vous avez été un bon élément, autrefois. Mais là, vieux mâle, vous avez été lamentable. Nous avions besoin d'une nouvelle prêtresse. Votre "bonté" met toute la communauté en péril. Elle a échoué dans son apprentissage.

Il releva la tête, ses yeux plongèrent dans ceux de la Matrone. La nouvelle de l'échec d'Eli était difficile à encaisser.

- Je sais que vous l'avez nourri.

Un dernier défi. Les yeux de Seerear se durcirent. Elle sortit de sa manche un long poignard de cérémonie, orné d'un serpent. Elle leva son arme.

- Tu dois payer, mâle. Je ne tolère pas qu'on contrarie les desseins des Prêtresses.

Elle trancha les cordes.

- Ainsi, tu es banni de la maison d'Esselhiën. Pour toujours.


L'âme de Seerear se brisa. Des gardes l'empoignèrent et quelques minutes plus tard à peine, il fut jeté à la surface, nu. Il était désormais sans maison-mère. Condamner à errer sans jamais en retrouver. La Matrone savait parfaitement que c'était la pire chose à faire à un sombre. Seerear ne se rendait alors pas compte, qu'à l'époque, une nouvelle prêtresse aurait aidé la Maison à se redresser, à renforcer la communauté. Sa faute était impardonnable. Faire fi des rituels étaient une erreur telle, qu'il était difficile d'en ressentir toute la gravité.

Il erra. Il retrouva la sensation des années de vagabondage. Combien cela faisait-il? 300, 350 fingeliens? Il ne s'en souvenait même plus...

Cette liberté ne lui convenait pas. Il était seul. Plus personne ne voulait de lui.

Personne?

Pas exactement.


Alors qu'il était en train de faire du feu pour le repas du soir, Seerear entendit une branche craquer. Il se redressa vivement, se retourna. Son regard scruta les alentours. Rien.

- Qui est là?

Pas de réponses. Quelques minutes s'écoulèrent puis une voix lança:

- Un banni n'est jamais vraiment banni, Seerear.


Quelques silhouettes encapuchonnées sortirent de l'ombre. Vêtus de noirs, ils ne portaient aucunes insignes propres à une maison-mère.

- Tu n'es pas seul. Les assassins t'attendent.
- Les assassins...


Oui. Les assassins. Les rumeurs vont bons trains à leur sujet. On ne sait rien d'eux. C'est ce qui arrive quand on ne sait rien de leur organisation. Mais c'était l'opportunité. Les assassins faisaient partie intégrante de la vie et de la dynamique de la société elfe noire. Il les suivit. D'ailleurs, ils l'auraient sûrement tué, sinon.

Ils entraînèrent Seerear dans les tréfonds du monde sombre. Il n'avait plus rien à perdre. Plus rien. A part sa vie.

Des mois s'ensuivirent. De nouveaux apprentissages, plus agréable grâce à son expérience passée. Il ne commettait plus d'erreur entraînant des punitions... Il continuait sans jamais vraiment comprendre qui ils étaient. Qui les employaient. Étaient-ils un ou plusieurs? Seerear comprit rapidement qu'il n'était qu'un seconde couteau pour tout ignorer de la sorte.
Il fit ses premières preuves en assassinant des ennemis du peuple sombre. Il se sentit utile à nouveau. Et c'était pour lui un jeu enfantin. Les poisons, les dagues effilées... Cela n'avait plus de secrets pour lui. Tuer, il savait le faire depuis qu'il était garde.

Il pensait que cette confrérie était en vérité au service d'une maison-mère. Servir deux maisons-mères dans une vie, c'était peu courant. Laquelle? Aucune idée. Il fit cette conclusion quand on lui donna un contrat particulier.

Il était l'heure pour lui de retourner à l'endroit où il avait vécu si longtemps. Pour quels motifs, il n'en savait rien. Il consomma une grande quantité de drogues avant son départ, dans une salle réservé à cet effet. On l'enveloppa dans des fumées odorantes, on sacrifia un serpent sur l'autel. Des prêtresses inconnues psalmodiaient et semblaient bénir Seerear. Il put enfin partir, sous l'emprise des drogues et des chants des femelles.
Après plusieurs heures de routes souterraines, de dédales et d'escalade, il découvrit le passage secret que ses mystérieux supérieurs lui avaient indiqué. Il l'emprunta et tomba à un endroit dont il n'avait jamais eu connaissance.

C'est avec une certaine stupeur qu'il reconnût l'endroit. Face à lui se tenait l'Ultime Couloir de la Maison d'Esselhiën. Il n'était pas temps de reculer, sûrement pas.

Cette fois-ci, il était l'assaillant. Il avança prudemment, il connaissait tous les recoins. Il était une nouvelle fois l'ombre. Mais cette fois-ci, l'ombre ne protégeait plus. Elh ne les protégerait pas non plus. Sa dague se planta dans le cou du premier garde. Puis dans un second. Ses anciens compagnons tombaient. Il profita de sa connaissance absolue du couloir, sans se rendre compte qu'on l'utilisait justement pour cela. Sans se rendre compte que ses services d'assassins étaient une nouvelle fois un simple profit.

Il traversa le couloir. Sans encombres. Chaque recoins avait été vidé de la vie qu'ils portaient. Il avança. Aucuns secrets. Au plus profond. La fin des quartiers des Prêtresses. Il ouvrit la porte. Il s'approcha du lit. Il frappa.

La Matrone n'était plus.


- S... Seerear?!

Il fit volte face et lança un poignard. Aunriia se protégeait avec son bouclier comme personne et dévia la lame. Elle le regarda.

- Tu... Tu...
- Vous avez échoué.
- Je vais te tuer, Seerear.


Il s'écoula quelques longues secondes qui parurent, comme bien souvent dans ce genre de moments tendus, une éternité.

Aunriia ne bougea pas. Son ancien amant était là, face à elle. Il avait profité de ses connaissances sur elle, pour arriver jusqu'ici. Elle savait pertinemment qu'il n'agissait pas pour lui. Elle le sentait et le lisait en lui. Les assassins avaient fait leur office.

- Seerear...
- Aunriia, partez.
- Sûrement pas!


Elle était tétanisée... Ce n'était pas de la peur, non. C'était ses sentiments, la surprise, le choc. L'échec.

- Ils vont vous tuer, vous savez. J'ai profité de vous.
- Qu'ils me tuent, j'ai échoué. Toi tu ne sortiras pas d'ici vivant.


Il s'écoula encore un long instant.

- On pourrait sortir d'ici vivant tous les deux, Aunriia.
- Tu es fou...
- Si je sors d'ici, les assassins me tueront. Autant fuir.


Elle hésita. Seerear ne voulait pas se laisser tuer, maintenant qu'ils s'étaient servis de lui. Il prenait conscience qu'il serait rejeté de partout, que la fuite était sa seule issue. Que sa fuite... Ne serait possible qu'avec elle.

- Fuyons, Seerear. Mais ta dette n'est pas prête d'être remboursée.



Et ils fuirent, préservant leurs vies et oubliant les coutumes de ce peuple. Seerear devint le mâle d'Aunriia, son serviteur. Il payait sa dette, chaque jour. La nourrissant, travaillant pour elle. Ils durent vagabonder longtemps, combattre, parfois. Une longue dette qu'il acceptait. Qu'il acceptait jusqu'au jour où il lui trouverait une nouvelle place, quelque part. Où elle pourrait construire une nouvelle vie.

Ils tentèrent alors de partir pour les ilôts centraux qui faisaient tant de bruits dans les ports. Peut-être qu'il y aurait une place, là-bas. Peut-être...
Dernière modification par Seerear le 29 nov. 2009, 18:31, modifié 1 fois.

Seerear
Messages : 7
Inscription : 29 nov. 2009, 13:56

Seerear

Message par Seerear »

Seerear leva la tête vers le ciel étoilée. Le lapin était presque cuit. La liberté dont il disposait à son aise était toute autre, désormais. Toute autre. Il n'avait pas été condamné par son bannissement ou bien par la chasse que lui donnèrent plus tard les assassins. Il avait été condamné du jour où il servait les sombres.

Il bouscula un peu les braises avec une branche, pensif, libre. Il regarda autour de lui.

Aunriia n'était plus là. Une toute autre histoire. Une toute autre.




(pour K. et A.)

Répondre