[V] Cycle du Guerrier Elfe / I : Mort et Naissance. [achevé]

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Eltävvh
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[V] Cycle du Guerrier Elfe / I : Mort et Naissance. [achevé]

Message par Eltävvh »

La lune finissait de distiller son argenté éclat, et le jour se levait doucement sur la forêt de Taed’Loth.

La forêt était muette. Plantée dans l’herbe, une épée argentée étincelante, à la garde gravée de runes, et au pommeau incrusté d’un joyau noir ébène brillant d’un éclat mauvais semblait attendre son heure. Plus loin, un Elfe aux muscles saillants, torse nu, tailladé profondément, enlaçait un arbre. Il semblait lui parler. Le cajoler. Le remercier.
Les cheveux de l’Elfe, couleur de Lune, lui tombait sur les hanches. Ses bras étaient tatoués ça et là de symboles mystiques. Miraculeusement, pendant qu’il parlait à l’arbre, les plaies béantes se soignaient, et sa peau de nacre se lissait. Un rire franc et cristallin lui échappa. Il garda les yeux fermés. La lame, à dix pas de lui, sembla se durcir un peu plus.

Vengeresse, la lame maudite du peuple Haut Elfe de Taed’Loth, fut forgée en des temps mille fois anciens, a cause d'un humain épris d’une Elfe. De cet amour impossible naquit un conflit, entre les Humains de Taed'Loth, et les Elfes de leur forêt, qui aboutit à la mort de l’Elfe par les siens, et au massacre des Elfes par les humains. Taed'Loth vécu de sombres heures. C'est alors que, mécontent de la situation, l’humain, sorcier, commanda aux Quatre Qui Commandent Aux Eléments de forger une lame magique qui pourrait assouvir la vengeance du peuple de sa défunte bien-aimée, tout en gardant le souvenir de sa rancune envers ce peuple qui ne permit pas leur amour. Les Quatre demandèrent au sorcier de payer cette lame de son âme et de sa vie. L’humain acquiesça.
C’est alors que les Esprits Elémentaux se mirent à l’œuvre. De la Terre naquit l’argent le plus solide, le plus pur, le plus brillant et le plus léger qui soit. Le Feu le façonna, le rendit tranchant, magnifique, grava des runes puissance à la garde. L’Eau apporta équilibre, maniabilité, élégance et sérénité à la lame. Enfin, l’Air se chargea de réaliser la promesse du sorcier, en emprisonnant son âme dans l’œil d’une créature infernale, captive des Quatre depuis longtemps, et fixa cet oeil dans le pommeau de l’épée.
Ainsi, la lame fut donnée au peuple Elfe. Elle choisissait alors un Elfe, selon l’envie dont celui-ci faisait preuve, selon son courage, et selon son Destin. Il était alors le seul autorisé à combattre. Il était sûr d’assurer la survie de son peuple, de mettre en déroute les plus puissants ennemis. Cependant, l’épée maudite conduisait inexorablement à la perte de l’être aimé, prématurément, tout cela sous l’œil de Vengeresse et de l’esprit du sorcier. Passer sa vie, éternelle, sans l'être que l'on chéri le plus est certainement l'un des pires châtiments.
Et voilà que d’années en années, le peuple Elfe de Taed’Loth prospéra, et que nombre de guerriers se passaient de l’épée une fois leur destinée accomplie. Pour qu’un autre la récupère.

Aujourd’hui, Eltävvh, fils de Mutavvh et Eleaniell était le propriétaire de cette lame. Il était épris de Nat’Assja. Il fut le premier à défier le Destin, et à jurer qu’il protégerait sa bien aimée de sa funeste destinée, quel qu’en soit le prix. Il fut le seul.

Eltävvh avait toujours les yeux fermés, et enlaçait l’arbre. Vengeresse palpitait à côté de lui.
Brusquement, un oiseau fit entendre son chant. A la même seconde, l’Elfe ouvrit ses yeux noirs de jais. Dans le même instant, il avait bondit sur sa lame d’une pirouette, l’avait empoignée et se tenait maintenant à genoux à dix pas de l’arbre. Déformant son magnifique visage d’un rictus, il s’élança à allure quasi invisible sur l’arbre, portant une botte surpuissante. Miraculeusement, l’arbre se cambra et évita le coup, envoyant une branche gifler l’Elfe avec fracas. La même branche balaya les pieds de l’Elfe dans la même seconde.
Remis sur pied d’un saut carpé, Eltävvh se concentra d’avantage. « Iziw Zo’har ! », l’incantation tonna dans la forêt silencieuse, et l’Elfe gagna encore en agilité, enchaînant sauts périlleux et rondades avec facilité, frappant de taille et d’estoc sur le tronc de l’arbre. Il semblait danser, et se battait avec une grâce inégalée.
Là où un arbre ordinaire aurait été tranché en deux, celui-ci ne gardait que quelques balafres. Là où de la sève aurait du sortir d’un arbre normal, de celui-ci s’écoulait bel et bien un sang pourpre et épais, frais et luisant.
La raison en était simple, Aaltolëe, l’arbre Gardien du peuple Haut Elfe de Taed’Loth était un Demi Dieu.
Tandis qu’Eltävvh continuait de s’acharner sur l’arbre de sa lame surnaturelle, et dans sa danse majestueusement effrénée, celui-ci envoya de puissantes lianes vers son assaillant, qui parvint à les éviter. Il n’évita pas cependant les deux énormes branches-masses qui s’abattirent de part et d’autre de ses côtes, dans un fracas à glacer le sang.
Une silhouette se dessina dans l’ombre, pâle, aux yeux d’un bleu de nuit, apaisés, attentifs au combat.
L’Elfe se jeta en arrière, toussa du sang, sonné de surcroît, il trouva la force d’éviter un énième coup de branche lancé par l’arbre millénaire. Rassemblant ses forces, il banda ses muscles, serra les dents, et repartit planter sa lame dans le tronc. Subitement, le tronc éclata, et plusieurs morceaux de bois se fichèrent dans le corps d’Eltävvh, le repoussant violemment en arrière.
Arrachant de son corps les échardes surdimensionnées, il découvrit son pectoral droit cisaillé jusqu’au muscle, dangereusement à découvert. Pantelant, titubant, les yeux à demi-clos, l’Elfe esquivait et restait sur la défensive. D’un coup, il repassa à l’attaque, portant de puissants coups, mais lents, esquivés par l’arbre qui envoya encore ses branches-masses fracasser le crâne de l’Elfe, qui les évita par pur réflexe plutôt que volontairement. Assailli, il essaya de se protéger au mieux, mais la liane qui vint le fouetter de biais lui entailla profondément le dos, l’obligeant à s’agenouiller. Dans une dernière acrobatie, il se rejeta en arrière, jaugeant l’Aaltolëe d’un regard vaseux, un genou à terre, il leva sa lame très haut, pour au final s'effondrer, aux limites de la mort.
C’est le moment que choisit l’arbre pour envoyer ses lianes d’une vitesse remarquable sur l’Elfe, qui ralentirent d’un coup, l’enlaçant presque maternellement, et l’amenèrent vers le tronc de l’Aaltolëe, qui soigna les blessures de l’Elfe, blotti inanimé contre ce même tronc.

Une minute passa, puis deux, avant que l’Elfe n’éclate de son rire cristallin. Ses plaies étaient presque guéries, et il murmura : « Désolé. Tu m’as encore battu ». Comme si l’arbre lui avait répondu, Eltävvh continua son monologue. « Non… Non, je t’en prie… Je dois continuer à m’entrainer, d’autres porteurs de Vengeresse ont réussi à te battre, et ceux là n’ont pas sauvé leur amour… Je suis plus faible qu’eux et n’y arriverais pas non plus, Grand Aaltolëe ! S’il te plaît, entraînons nous encore… Je les sens, ils arrivent, le combat est imminent, je dois protéger Nat’Assja ! ».
La silhouette dans l’ombre bougea, et se mit alors à parler.

« - Eltävvh, mon amour, voilà trois lunes et trois soleils que tu ne m’a pas rendu visite…
Est-ce comme cela que tu veux profiter de moi avant ma mort ?
- Je te sauverai ma douce. Je ne suis pas encore assez fort. Ca viendra.
- Ne forces pas le Destin, je t’en prie. Fais ce qui doit être fait. Viens, allons méditer.
- Je suis désolé du tort que je te cause. J’arrive. Merci Aaltolëe. »

Regagnant leur arbre, les deux Hauts Elfes s’enlacèrent, prirent un copieux repas et méditèrent longuement. Ils s’accouplèrent ensuite deux fois, puis restèrent plongés les yeux de l’un dans ceux de l’autre.

L’intuition d’Eltävvh fut confirmée à la tombée de la nuit. Avec fracas, il entendit des sons que jamais il n’avait entendu, empoigna Vengeresse et tenta de descendre de son arbre à toute allure quand une main le retint. Troublé, il vit Nat’Assja folle de tristesse, pleurant de tout son corps. Surpris, Eltävvh l’embrassa une seconde qui lui paru durer une éternité, essuya une larme qui menaçait de rouler sur sa peau d'ivoire, et dit fièrement : « Ne t’inquiètes pas. J’en aurai bientôt fini. ». Un dernier baiser déposé sur les lèvres de l’amour de sa vie, il ferma les yeux et s’élança.
Quand il les rouvrit, il lui sembla qu’une partie de la soirée lui manquait. Ca et là gisaient des corps tranchés de manière obscène. Faisant rouler ses yeux charbon dans leur orbites, Eltävvh scruta ses assaillants démantibulés. Ils n’étaient pas humains…
Des peaux vertes, des crocs acérés et surdimensionnés, des armes émoussés mais massives, des poils, des cheveux… Eltävvh n’avait jamais vu ce genre de bêtes, mais compris sur le champ : le Destin avait peur de lui ! Il lui aurait alors envoyé ces créatures, et non la menace habituelle, les humains, qui seraient venus exterminer son peuple, mais bel et bien cette race inconnue.
Prenant grande confiance en lui, il entama sa danse gracieuse et mortelle. Quelques têtes tranchées, membres désarticulés et crânes fracassés plus tard, il se retrouva devant l’arbre de sa mère… Absente. Et, pour la première fois, il douta de lui. Son père, Mutavvh, étendu au sol gisait dans une marre de sang. La première perte Elfe non naturelle depuis l’apparition de Vengeresse. Eltävvh poussa un râle de colère, et ses yeux se firent, si cela fut possible, encore plus noirs. Il s’échinait maintenant à frapper ses ennemis de façon à ce qu’ils meurent lentement, et dans la douleur. Ces bêtes étaient très robustes, mais leur points vitaux étaient les mêmes que pour toute créature bipède.
Fou de rage et de peur, il se dirigeait maintenant vers son arbre, furieux contre lui-même d’avoir été si serein d’abandonner son amour. Il défit trois créatures devant son arbre avec facilité. Grimpant l’échelle, il sentit une odeur de mort pire que toutes, et la sordide vision qu’il eut le fit vomir ostensiblement sur lui. Choqué, il en perdit la voix tout net.
Deux fois plus grand que tous les autres, l’assaillant portait un collier macabre composé de têtes de femmes de toutes races. Eltävvh en reconnu plusieurs, mais une le fit exploser. Celui d’Eleaniell, sa mère. Il baissa les yeux et vit Nat’Assja, les yeux vides, la tête ne tenant plus qu’a un lambeau de peau sur son cou décharné, se faire trousser par la bête au collier de mort.
Aucun mot ne saurait décrire la grâce avec laquelle l’Elfe se lança dans sa dernière danse. Inconscient de ce qu’il faisait, il ne pensait qu’a sa défunte. Il dansait avec elle. Il valsait. Ils riaient, s’aimaient, se regardaient. S’embrassaient. Il voulu que cette vision ne s’arrête jamais. Malheureusement pour lui, elle prit fin, laissant l’Elfe amer, et souillé de giclées de sang de la créature, pas encore morte, qu’il venait de sévèrement corriger. Il regarda longuement cette bête, sans expression, et la tortura longuement, méthodiquement, chirurgicalement, outrageusement et honteusement pour le peuple qu'il représentait. Il n’eut même plus envie de l’achever, arrachant ses vêtements, se lacérant le visage, pleurant toutes les larmes de son corps, Eltävvh rejoignit l’Aaltolëe dans des râles d'agonie morale.

Il fut stupéfait de le trouver lui aussi fané, rabougri. Et comprit. Il avait défié le Destin. Aucun autre ne l’avait fait avant lui, tous avaient accepté de défendre leur peuple au détriment de leur bonheur amoureux. Tous sauf lui. Le Destin, indépendant, solitaire, cruel pour lui, malin, inaccessible, incalculable, imprévisible et insaisissable l’avait puni en lui montrant de quoi il était capable. Même un Demi Dieu ne fait pas le poids contre le Destin. Par sa faute, les Hauts Elfes avaient subi de lourdes pertes, et leur Gardien était mort.

Résigné, Eltävvh entrepris de briser la lame. Jamais aucun Guerrier Elfe ne l’avait autant voulu que lui. Il ne réussit même pas à l’émousser. S’acharnant sur la pierre noire, il ne parvint pas à la fissurer. Dans tout ce qui lui restait de désespoir, il pointa la lame vers son cœur, et se déchira. Au moment précis où il mourut, le joyau éclata, un mince filet de fumée tournoya dans l’Air, les runes de puissance gravées s’oublièrent dans le Feu, et la lame pourrit, pour finalement retourner à la Terre d’où elle naquit.

Sans une seconde de répit, l’Elfe se retrouva devant l’Aaltolëe, resplendissant. Longuement, il lui communiqua par télépathie ce qu’Eltävvh avait compris. En lui précisant que le Destin, impressionné par le courage et la volonté de l’Elfe, lui lance un défi cruellement cynique et amusant : venir le rejoindre pour essayer de le vaincre sur son territoire, celui des Landes Eternelles. Il pourrait le défier, mais recommencerai sa vie de zéro, plus de Vengeresse, plus de muscles, plus de runes, plus de magie, plus rien. Il lui apprit aussi que quelques Elfes en avaient réchappé, et que le repeuplement ne devrait prendre que quelques années. De plus, plus de lame maudite, les Quatre ont repris leur bien.
Il apprit également qu’il ne serait pas seul. D’autres avaient, directement ou indirectement défié le Destin et se retrouvaient au cœur des Landes. D’autres y étaient par envie, d’autres les avaient trouvé après les avoir longuement cherchées, d’autres s’étaient égarés…
Eltävvh ouvrit la bouche pour répondre à l’arbre mais aucun son ne sortit. L’image de son amour violé et mort le fit tressaillir, et tentant de parler, il vomit une nouvelle fois de façon obscène, un liquide jaune, translucide et acide. Incapable de la moindre parole, l’Elfe balbutia quelques onomatopées, pris de spasmes incontrôlables. Une fois redevenu maître de lui-même, il s'adonna à la télépathie, en acceptant de rejoindre les Landes et de relever le défi du Destin. Cette fois il l’emporterait.
Il enlaça l’arbre une dernière fois, sécha ses larmes tandis que ce dernier disparut pour retourner vers le Cosmos d’où il naquit jadis, et l’Elfe fut téléporté à travers le Temps, l’Espace et les différents plans de Réalité, vers le Destin. Son Destin.

La lune finissait de distiller son argenté éclat, et le jour se levait doucement sur l’Île du Trépont. Un nouvel Haut Elfe était arrivé, aux cheveux brillants de reflets de Lune, au teint laiteux, et surtout aux yeux noir abyssaux marqués d’une tristesse et d’une amertume infinie.

Eltävvh se mit en marche, se demandant si Mère Lune se levait ou se couchait sur la nouvelle vie de la forêt de Taed’Loth. Puis il commença sa quête du Destin.
Eltävvh,

Haut Elfe à la peau de nacre et aux pupilles abyssales,
Passionné des Astres et de Mère Lune,
Apprenti
d'Ecthelion dans l'art du Combat.


Thème musical d'Eltävvh

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