[V] Réminiscence d'une amnésique

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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goulmiche
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[V] Réminiscence d'une amnésique

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Par une nuit sans lune, adossée au tronc de son arbre favori , Goulmiche fixe la douce lueur de la bougie qui se consume paisiblement à ses cotés. Elle semble perdue dans ses pensées, le regard flottant au hasard. Dans un profond soupir, celle-ci se redresse calmement pour saisir sa plume et commence à griffonner sur un petit carnet.


Je me suis réveillée un matin, trempée par la rosée, au milieu d’un paysage qui m’était totalement inconnu et dont j'apprendrais plus tard qu'il s'appelait Trépont. Les pensées encore brumeuses, je mis quelques instants à prendre conscience que finalement, les alentours n’étaient pas la seule chose qui échappaient à ma mémoire… Ma vie passée et mes souvenirs semblaient avoir définitivement quitté mon esprit.

J’ai eu beau me concentrer, prier, pleurer, ma mémoire refusait catégoriquement de m’en dire plus. Un seul mot me revenait sans cesse à l’esprit : Goulmiche... J’en ai déduit, peut-être à tort d’ailleurs, qu’il s’agissait de mon nom.

Mon combat quotidien pour vaincre mon handicap fut vain, pas même le moindre petit souvenir ne me revint en mémoire…. Je dû rapidement me rendre à l’évidence : je devais admettre l’idée que je n’avais plus de passé. Oh bien sur, faire le deuil de mes origines ne fut pas aisé, cependant je parvint à me jurer de ne plus chercher à me remémorer mon histoire. J’emploierais désormais toutes mes forces à me construire un avenir et à combattre mes nouvelles terres d’accueil.

Goulmiche pose délicatement sa plume, marque une pause et souffle sur la bougie plongeant ainsi les environs dans l’obscurité. La nuit est silencieuse ce soir mais en en prêtant bien l’oreille, on peut entendre les sanglots étouffés de la jeune kultare.

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goulmiche
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Bien des lunes plus tard…

Goulmiche dort d’un sommeil agité. Se retournant en tout sens, elle semble vivre les images qui défilent à toute allure dans sa tête. En l’écoutant, ses paroles ressemblent à un sombre monologue délirant.

Hmmm… cette enfant est trop jeune pour se promener seule dans les marais…
Non… attention !!!
Sauve-toi !
Haaaaaaaaa…. !

Toujours en plein sommeil, la kultare donne maintenant des coups dans le vide, combattant contre un opposant invisible. Comme en transe, elle s’agite en tout sens visiblement en proie à un adversaire acharné. Dans un sursaut, elle se réveille et se redresse d’un coup. Goulmiche reste assise là de longues minutes, haletant, le regard dans le vide, visiblement bouleversée de ce qu’elle vient de vivre. Puis soudain, elle se met à fouiller maladroitement dans ses poches pour en ressortir son petit carnet dont elle ne se sépare jamais. Goulmiche ouvre son calepin d’une main tremblante, visiblement trop émue pour pouvoir maîtriser complètement ses mouvements. Sa plume manque de lui échapper des mains et d’un geste incertain, elle commence à écrire.


Jusqu’à il y a très peu, je m’étais résignée à considérer que ma vie avait débuté à mon arrivée sur les Ilots Centraux. Mais ma mémoire se joue trop de moi pour que je prenne le risque de ne pas inscrire sur le champ ce que je vient de vivre. Je ne supporterais pas d’oublier les images qui me sont revenues.

Oui, Enfin… ! Enfin ma mémoire semble vouloir entrouvrir les portes de mon passé. Cette enfant que j’ai vue, c’était bien moi… je m’en souviens maintenant.

J’étais bien jeune et sans doute trop insouciante. Je m’étais mis en tête d’aller m’amuser avec ces mystérieux feu-follets qui apparaissaient de temps à autres dans mon marais natal. Ma curiosité m’a value une belle frayeur ce jour-là.
Perdue dans mes joyeuses pensées et ne me méfiant pas du danger, je n’aperçu pas le léopard tapis dans une marre qui guettait mon passage. J’étais une proie bien facile du haut de mes 5 ans pour ce monstre. Aussi quand celui-ci se jeta sur moi, la surprise et ma jeunesse ne me permirent pas de l’esquiver. Mon premier réflexe fut de me défendre en tentant sans grande réussite de m’arracher aux griffes du félin. Heureusement, la bête n’eu pas le temps de me blesser gravement car une voix se fit soudain entendre non loin de moi : « Goulmiche » !!

Au souvenir de cette histoire, la kultare marque une pause, l’affolement laissant enfin place à la joie. Le sourire aux lèvres, elle reprend sa rédaction d’une écriture bien plus décidée.

Nova, ma sœur, de 10 ans mon aînée venait d’apparaître d’un buisson voisin. Elle m’avait discrètement suivie, se doutant bien que mon expédition en solitaire était bien trop risquée à mon age. Avec agilité, ma sœur s’élança sur le léopard et lui trancha la tête d’un coup de lame. Du fait de ma jeunesse, je ne réalisa pas véritablement la gravité de ce qui venait de se passer. Du coup, ma surprise et ma peur laissèrent rapidement place à l’amusement, ce qui énerva (à juste titre d’ailleurs) ma sœur aînée. Celle-ci s’accroupi pour se mettre à ma hauteur et commença à me sermonner durement. A peine avait-elle commencé à me faire la morale, qu’elle s’arrêta net et se mit à me fixer en retenant ses larmes. A ce moment précis et malgré mon jeune age, je sus lire dans ses yeux tout l’amour qu’elle me portait et la panique qu’elle venait de ressentir. Ma réaction ne se fit pas attendre, je la prit aussitôt dans mes bras pour me faire pardonner et pour lui chuchoter du bout des lèvres que je ne recommencerait plus.

Mon rêve s’est achevé là… sur l’instant magique durant lequel ma sœur et moi étions enlacées. Certes, cet heureux souvenir ne m’a pas rendu complètement la mémoire mais quel soulagement ! Moi qui m’étais déclarée orpheline, je sais désormais que je ne le suis plus. Je m’en rend compte maintenant, la cicatrice que je croyais avoir refermée, ne l’était pas du tout. Je me suis voilé la face bien longtemps… Mais ce que je viens de vivre m’a ouvert les yeux, je sais dorénavant que mon passé est à portée de main. Je ne peut plus réprouver ce désir insatiable d’en savoir plus. Je m’autorise maintenant à me laisser aller à la foule de questions qui me brûlent l’esprit…Où est ma sœur, qui sont nos parents, pourquoi suis-je ici sur ces terres loin d’eux… ?

Goulmiche pose délicatement sa plume au sol dans un soupir de satisfaction, puis d’un geste serein, fait défiler les pages vierges de son petit carnet en espérant pouvoir à l’avenir y inscrire de nouveaux souvenirs trop fugaces.

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goulmiche
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Quelques jours plus tard…

Goulmiche se promène une fois de plus sur cette île qui l’apaise tant : la belle Arius. En franchissant la porte de l’imposante école de magie qu’elle a visité tant de fois, la kultare se fige soudain. Le regard fixe, elle reste pétrifiée sur place de longues minutes avant de revenir à elle. Une fois ses esprits retrouvés, celle-ci part calmement rejoindre la bibliothèque toute proche. Une fois installée Goulmiche laisse échapper un sourire en sortant son petit carnet, l’ouvre et commence une fois de plus à griffonner.

Les mécanismes de ma mémoire semblent enfin s'être décidés à se remettre en marche. Mes parents... ça y est, ils me sont revenus en tête. L'épisode de ma vie qui vient de m'apparaître fait directement suite à celui qui dont j'ai rêvé il y a peu de temps.

Ma sœur Nova et moi-même arrivions à proximité de notre case familiale dans notre village natal. Soudain ma mère sorti en trompe de notre hutte, visiblement forte inquiète à mon sujet puisque qu'en me voyant elle courut à ma hauteur pour me prendre dans ses bras. Une fois soulagée de me voir revenue saine et sauve, elle me libéra de son étreinte et me sermonna de m'être une fois de plus faufilée pendant une minute d'inattention de sa part. Entendant ses paroles, mon père fit à son tour son apparition et s'approcha calmement de nous. Une fois la famille réunie, ma sœur aînée expliqua à mes parents ce qui venait de se passer et insista lourdement sur le fait que ma curiosité me jouerait probablement des tours à l'avenir. Ma mère s’empressa d’approuver en me lançant un long regard réprobateur. Mais à ma grande surprise mon père ne put s'empêcher de sourire et me prit dans ses bras. Curieusement, je lu dans ses yeux une certaine forme de fierté à mon égard ce qui ne manqua pas de m'encourager secrètement à renouveler mes promenades solitaires.

Le souvenir de ce doux moment m'a remis en tête l'histoire de la famille unie que nous formions.

Mon père et ma mère se prénomment respectivement Novalik et Goulmack. Ils formaient un couple atypique dans notre contrée, puisqu'ils faisaient partie des quelques mariages kultars mixtes qu'on ai célébrés. Mon père était un Oublié, grand combattant dont la force était respectée par notre communauté, tandis que ma mère était une mage aux grands pouvoirs. Bien sur, leur union en dérangeait plus d'un dans notre peuple, mais mes parents étaient tout de même parvenus à s'installer dans notre village qui était exclusivement habité par des kultars appartenant au clan des mages. Non pas que ce fut facile pour eux de se faire respecter, mais au fil du temps mes parents étant particulièrement actifs pour leur communauté, leurs semblables préférèrent fermer les yeux sur leur union singulière.

Ragaillardie par le souvenir enfin retrouvé de sa famille, Goulmiche écrit à une vitesse folle pour retranscrire au mieux les images qui défilent dans sa tête.

Au cours de la célébration donnée à la naissance de ma sœur aînée, la grande Alta Mundi en fonction annonça tristement qu'elle n'avait aucun potentiel magique, et qu'elle ferait donc partie du clan des oubliés. Tous les kultars de notre communauté présents à la cérémonie étant des mages, ceux-ci ne purent retenir leur déception. Les seuls à sourire et à sembler se contenter de l'annonce de l'Alta Mundi furent mes parents. Ils décidèrent de baptiser ma sœur d'un prénom rappelant celui mon père, espérant par cette occasion lui transmettre les goûts du combat et de la justice qui lui étaient si chers.
Aussi à ma naissance tous les espoirs de mon village se concentrèrent secrètement sur moi, et particulièrement ceux de ma mère qui priait sans cesse dans l’espoir de m’avoir transmis un peu de son aura magique. Lors la cérémonie organisée pour l'annonce publique de mes prédispositions magiques, l'Alta Mundi annonça triomphalement à l'assistance qu'un bel avenir de mage s'offrait à moi. La fête commença alors dans un tonnerre d'applaudissement et de félicitation. Mon prénom était donc tout trouvé, il rappellerait celui de ma mère et de ses grandes aptitudes magiques.

Réconfortée par le rappel de ses origines, Goulmiche referme et range son précieux carnet dans sa poche, se lève et attrape à l’aveuglette un des livres dans les étagères de la bibliothèque. Comme si l'âme des anciens kultars ayant vécu autrefois sur l’île la guidait, Goulmiche sourit en découvrant le titre de l’ouvrage choisi au hasard et qu’elle s’apprête à lire : « Contes et Récits sur la magie Kultare »…

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goulmiche
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Un mois plus tard…

Goulmiche est affairée à récolter quelques feuilles d’absinthe dans les marais de Kusamura. Perdue dans ses pensées, celle-ci n’aperçoit pas le serpent qui ondule dangereusement dans sa direction. Arrivé à sa hauteur, le reptile mord férocement la kultare à la jambe, libérant son poison mortel et part aussi vite qu’il est arrivé. Ne s’affolant pas plus que ça, Goulmiche sort quelques précieuses essences de son sac et lance un sort anti-poison pour se libérer du mal qui coule dans ses veines. Mais au moment où l’aura salvatrice du sort l’encercle, la kultare est soudainement prise d’un nouvel état d’inconscience durant lequel elle reste comme pétrifiée. Dans un battement de cil, elle reprend ses esprits et tattone ses poches à la recherche de son cher petit carnet. Laissant sa récolte à plus tard, Goulmiche commence calmement à noircir les pages vierges de son précieux calepin.


Jamais je n’aurai osé imaginer que ma mémoire me fasse un jour un si joli cadeau. Maintenant que ce souvenir m’est revenu, je ne peux me résoudre à patienter pour le noter sur ces pages.

J’avais à l’époque 15 ans, et je dois bien avouer que mon insouciance passée ne m’avait pas quittée. J’avais grandi certes, mais mon passe-temps favori consistait à partir à l’aventure au hasard de mon marais natal en compagnie de mon meilleur ami Kalack. Ce dernier avait 2 ans de plus que moi et était le fils du respectable chef de village. La plupart du temps, notre distraction préférée consistait à trouver un endroit reculé où nous étions sûrs de ne pas être vus. Mon ami d'enfance ayant passé l'age de 17 ans, il pouvait utiliser la magie tandis que du haut de mes 15 ans je ne pouvais m'y employer. Aussi ce jour là nous étions partis à la recherche d'une grotte pour y essayer un nouveau sort qu'il venait d'apprendre et qu'il tenait à me faire découvrir. Après une longue marche, nous avons fini par découvrir une grotte aux confins de la partie nord de notre marais. Nous nous somme engouffrés sans inquiétude dans la sombre grotte, et l'obscurité étant complète, mon ami me guidait en me tenant fermement par la main. Arrivée au plus profond de la caverne, nous nous installèrent et Kalack commença à se concentrer pour libérer sa magie. Il avait très récemment appris ce sort, aussi il mit quelques minutes avant de parvenir à le lancer correctement. Mais l'attente ne fut pas vaine, soudain une sphère d'un bleu glacé apparut et éclaboussa de lumière toutes les parois de notre repère. Mon ami me regarda avec un sourire de satisfaction tandis que je m'émerveillais du spectacle qu'il m'offrait. D'un geste de la tête, il fit tourbillonner la sphère magique qui semblait petit à petit gagner en puissance jusqu'à ce qu'elle explose dans un feu d'artifice de boules colorées. Mon ravissement était total malgré la détonation du sort qui m'obligea à me boucher les oreilles. Une fois l'obscurité revenue nous éclatâmes d'un rire complice et Kalack entrepris de renouveler son sort après s'être de nouveau concentré. Mais cette fois-ci il parvint à faire apparaître une dizaine de boules bleues qui dansaient maintenant devant nos yeux ébahis. Par un signe entendu il commença à les faire tournoyer à toute vitesse et leur explosion fit naître un véritable bouquet de couleurs partout autour de nous.

Mais notre amusement fut soudain interrompu par un bruit sourd qui semblait provenir des entrailles de la grotte. Des bruits de pas pressés se firent entendre et nous n'eurent pas le temps de quitter les lieux qu'une dizaine de nains se dressait fièrement devant nous. La lueur de leur lanterne nous indiqua qu'ils étaient arrivés par une veine de la caverne que nous n'avions pas aperçu en nous installant à notre arrivée. Leur regard vindicatif et leurs haches ne laissaient aucun doute, nous avions quitté nos terres pour nous imisser sans le vouloir dans une contrée naine où bien entendu nous n'étions pas les bienvenus.

Goulmiche marque une pause dans sa rédaction le temps de lever les yeux au ciel en soupirant. Puis dans un souffle long, elle se replonge dans son écriture.


Le chef des nain cracha par terre avant de s'offusquer de sa voix caverneuse que nous ayons pratiqué la magie sur leurs terres. Kalack et moi nous faisions tout petits sentant bien que la conclusion de notre expédition allait très mal finir, et qu'il ne servait à rien de nous défendre par quelques arguments auxquels ils resteraient sourds de toute façon. Les nains se jetèrent alors sans prévenir sur nous en brandissant leurs haches. Notre premier réflexe fut de tenter de nous enfuir mais les nains étaient en surnombre et nous encerclèrent rapidement. Nous nous somme retrouvés adossés à une paroi de la grotte, pris au piège par les nains qui nous dévisageaient méchamment. Sentant la sentence arriver, je commença discrètement à chercher la main de mon ami comme pour me donner le courage d'affronter la mort qui s'annonçait. C'est à ce moment que l'assaut fut donné et tandis que les nains couraient vers nous en hurlant leur haine, nos mains se rencontrèrent enfin. Unis par la fatalité, nous nous sommes alors serrés l'un contre l'autre attendant qu'ils nous assènent leurs coups meurtriers. Mais soudain une aura d'un blanc pur s'échappa de mon corps et nous encercla Kalack et moi de son halo protecteur. Les nains surpris de l'apparition s'arrêtèrent net dans leur course et semblaient maintenant plus apeurés que nous. Soudain l'auréole nous quitta et parti telle une flèche en direction du plafond de la grotte, faisant s'écrouler les parois rocheuses sur l'armée naine qui disparut sous les décombres.

Ne cherchant pas à comprendre la raison du phénomène qui venait d'apparaître, Kalack et moi sommes partis en courant de la grotte craignant l'apparition d'une nouvelle troupe naine. Une fois arrivés à la lumière du soleil, nous ne primes pas le temps de reprendre notre souffle et avons filé tout droit en direction de notre village. Arrivés au abords de nos huttes, nous nous permirent une pause et nous sommes effondrés au sol, totalement essoufflés. allongée par terre, le regard pointé vers les nuages, toutes mes pensées s'encombraient soudain. J'avais jeté un sort, certes sans le vouloir, mais d'une part je n'en avait pas le droit vu mon age, mais surtout je ne l'avais jamais appris et j'ignorais comment le reproduire. Après mures réflexions, nous décidèrent qu'il était préférable de ne pas révéler ce qui venait de se passer au reste du village. En effet, j'aurais pu être sévèrement punie d'avoir usé de mes pouvoirs avant l'anniversaire de mes 16 ans, mais surtout, cela nous aurait sans doute valu une interdiction pour la poursuite de nos joyeuses promenades, ce que nous refusions catégoriquement. Nous sommes donc rentrés calmement auprès de nos familles respectives qui ne se doutèrent de rien.

Goulmiche repose une fois de plus sa plume et range son carnet dans sa poche. Relevant la tête, elle aperçoit l'entrée d'une grotte non loin d'elle et ne peut retenir un rire d'amusement en repensant à son compagnon d'infortune et murmure dans un sourire : Kalack....

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goulmiche
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Le lendemain


Goulmiche est occupée à la récolte de minerais d'argent, la kultare tape dans le roc de toute ses forces avec sa pioche qui commence à se faire bien lourde. Habituée à cette besogne, elle ne prête pas attention à la paroi qui semble se désolidariser du plafond juste au dessus d'elle. En dans un fracas assourdissant, la voute cède finalement laissant s'échapper un monticule de roche sur la jeune kultare. S'extirpant des gravas, Goulmiche attrape son petit cahier, s'installe un peu plus loin et commence à écrire.


Décidément, l'allure à laquelle la mémoire me revient semble s'accélérer. Le souvenir qui m'est revenu est bien moins joyeux que les précédents mais il répond à bien des questions que je me suis posé.

C'était un grand jour que celui qui s'annonçait par cette chaude journée. J'avais 16 ans enfin et le soir même, une grande cérémonie allait être donnée en mon honneur pour fêter mon arrivée dans le monde des Mages. En effet, à cette occasion, je pourrais jeter mon premier sort.... en tout cas mon premier sort officiel si on repense à l'épisode de la grotte un an auparavant. Et j'étais d'autant plus excitée, que le maître qu'on avait désigné pour m'enseigner à lancer mes sorts n'était autre que mon meilleur ami Kalack. Durant l'année qui s'était écoulée, mon ami avait fait preuve de très grandes aptitudes magiques et avait appris bien plus vite que la plupart de nos semblables et avait donc réussi à devenir un mage respecté.. Par ce fait, et compte-tenu de notre amitié, c'est tout naturellement qu'il avait été choisi pour faire mon instruction et donc pour diriger la cérémonie du soir.

Au coucher du soleil, je me suis avancée vers l'esplanade du village où m'attendaient Kalack, son père le chef du village et mes parents qui ne pouvaient cacher leur émotion. Je regrettais à ce moment l'absence de ma soeur qui était partie habiter avec son mari dans un village voisin et dont l'accouchement imminent l'empêchait de se déplacer. Chassant cette triste pensée et tentant de me réjouir de la venue de mon futur neveux, je continuais lentement ma progression. Bon nombre des kultars des alentours s'était présentés pour assister à la célébration car un tel événement est l'occasion de donner une grand fête en général. Tandis que je grimpais sur l'estrade, Kalack pris un air digne en me dévisageant mais je put lire dans ses yeux une certaine malice mêlée à une grand fierté. Je m'installa modestement au milieu d'eux pour faire face à l'assemblée. A ce moment mon ami se plaça derrière moi et posa délicatement ses mains sur mes épaules en prononçant noblement : « Sha que kul tar'tak, spa'kel ack tak. Que kul tar tak » (toi la métisse, que la magie t'éclaircisse, remercie la connaissance et la sagesse. Que la magie blanche brille en toi). A peine eu-t-il fini sa phrase que mes cheveux naturellement d'un brun aussi sombre que ceux de mon père; devinrent d'un blanc immaculé. L'assistance ne put retenir sa surprise, pas plus que moi d'ailleurs. Ebettée devant le phénomène qui venait de se produire et auquel je ne m'attendais pas, je ne fit pas attention à ma mère qui vint me faire face. Mystérieusement, elle semblait émerveillée et sereine tandis que je ne comprenais toujours pas ce qui venait de se passer. Elle m'expliqua alors calmement que ce phénomène rare se produisait uniquement pour les mages chez qui la magie est bien plus qu'innée, mais que cela signifiait également que j'aurais un jour une lourde tache à assumer.

La main de Goulmiche est soudain prise de tremblement, ce qui l'oblige à stopper sa rédaction. De grosses larmes perlent maintenant sur son visage, qu'elle essuie d'un revers de main.

Ma mère n'eut pas le temps de m'en dire plus qu'un cri effroyable se fit entendre à l'entrée du village. Tous les regards se retournèrent pour voir mon beau-frère qui arrivait d'un pas chancelant en portant fébrilement dans ses bras le corps inanimé de ma soeur. Mon père fut le premier à réagir et à bondir vers mon beau-frère qui déposait en pleurs le corps mutilé de Nova à terre. Sans savoir pourquoi, je resta plantée sur place, pétrifiée par l'horreur du spectacle. Ma mère accouru vers ma soeur et s'effondra dans un cri sur le cadavre. Tandis que mon beau-frère succombait à ses blessures en murmurant que leur village avait fait l'objet d'une attaque dévastatrice de gobelins, ma mère accompagnée d'autres mages lancèrent des sorts de désespoir pour tenter de redonner vie au corps de Nova. Ce fut peine perdue, ma soeur avait définitivement rendu l'âme. Dans un état second, je me suis avancée vers elle, et arrivée à sa hauteur, instinctivement, je me suis concentrée en fermant les yeux sentant que mon âme toute entière me réclamait de le faire. Soudain une émanation claire s'échappa de mes mains et ondula jusque dans la bouche de Nova. Comme prise par un nouveau souffle de vie, ma soeur ouvrit lentement les yeux et me fixa en souriant doucement. C'est à ce moment que son ventre fut pris d'une contraction, mais aussi étrange que cela puisse paraître, ma soeur ne semblait pas souffrir et continuait à me sourire sereinement. Il a suffit de quelques minutes pour que mon neveu naisse, et à peine eu-t-il poussé son premier cri que ma soeur s'est éteinte doucement toujours en souriant mystérieusement...

Nous avons enterré dignement Nova dans les jours qui ont suivi. Mais étrangement, je n'étais pas triste du tout, car je persiste à croire que bien qu'elle était une Oubliée, elle s'est réincarnée. Et puis ma tristesse s'estompait dès que je regardais son fils qu'on avait baptisé Valkorat et qui illuminait désormais ma vie. Je me réconfortais également en pensant que mon tout premier sort avait non seulement permis de donner la vie mais avait également permis à ma soeur aînée de partir en toute quiétude... je n'oublierais jamais son sourire...

Goulmiche referme avec hésitation son précieux calepin. A sa façon de sourire, on peut discerner qu'au souvenir de cet épisode tragique de son passé, la kultare oscille entre amertume et joie. Laissant sa récolte à plus tard, Goulmiche se lève et part trouver du réconfort auprès de celui qu'elle aime.

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Goulmiche attend sur le ponton le départ du bateau éperon pour retourner à ses habitudes Irilionaises. Pour passer le temps, la kultare discute gentiment avec Sarma quand le bateau lève l'ancre. S'excusant de devoir partir si vite, Goulmiche salue Sarma et saute à bord du bateau qui commence à s'éloigner du quai. Mais à peine pose-t-elle le pied sur le pont du navire qu'elle se fige de nouveau pour reprendre ses esprits quelques minutes plus tard. Comme à son habitude la kultare s'installe calmement à l'abri des écumes de la mer et profite du trajet pour gribouiller les dernières pages vierges de son carnet.


La vie avait repris son cours depuis l'épisode tragique qui avait emporté ma soeur aînée et son fils grandissait désormais dans la chaleur de notre famille. A ma grande tristesse, de son coté ma mère ne parvenait pas à se remettre de la disparition de Nova et s'était enfermée dans un mutisme permanent depuis sa mort. Mon apprentissage à la magie était terminé, et on peut dire que Kalack s'était révélé être un formidable instructeur puisque tout comme lui, j'avais appris très vite malgré les drames que je devais affronter.

Par une nuit sans lune, je dormais d'un demi-sommeil. Au fur et à mesure que je sortais de ma somnolence, je commençais à ressentir la chaleur environnante et le bruit de crépitement que je pensais sorti d'un rêve commençait à se faire de plus en plus distinct. Ce furent les fumées qui me firent suffoquer qui achevèrent de me réveiller. Ma hutte toute entière était embrasée. Je couru instinctivement de l'autre coté de celle-ci pour attraper mon neveux qui commençait à s'étouffer dans son sommeil. D'un geste rapide j'attrapais l'enfant dans mes bras et sorti en courant de la maison en flamme. Arrivée dehors, une vision d'horreur s'imposa à moi. Notre village tout entier était ravagé par d'immenses flammes qui semblaient monter jusqu'au ciel.
Au milieu du brasier, je parvins à gagner la place centrale surplombant tout le village et me mis à lancer des sorts en tous sens pour éteindre le feu. Mais malgré tous mes talents magiques, à peine avais-je étouffé les flammes d'une maison, celles-ci attisées par une puissante magie reprenaient de plus belle. Je fis tomber la pluie mais le déluge n'y fit pas grand chose, pas plus d'ailleurs que les boucliers de chaleur et autres sorts que je lançais désespérément. L'incendie était en train de gagner du terrain et je dus reculer pour protéger mon neveux qui pleurait dans mes bras. Arrivée à à la sortie du village, mes forces m'avaient abandonnée et je me résignais à regarder le spectacle des huttes s'écroulant les unes après les autres. La scène devenant insupportable je me mis à la recherche des autres villageois rescapés, mais à ma grande surprise, je ne vis personne. La panique commençait à me submerger quand j'aperçus au loin la silhouette de ma mère immobile au milieu des marais. Je courus la rejoindre mais mon soulagement fut de courte durée quand j'aperçu la dague qu'elle portait dans la main et le rictus malsain qu'elle laissait paraître. Elle ne tourna même pas le regard vers nous tandis que ses yeux emplis de haine encourageaient les flammes à détruire notre village.

- Mère, que fais-tu ici avec cette arme au poing?
- Tous... ils le méritent tous...
- Mère, qu'as-tu fais?
- A quoi bon être benis par la magie si elle ne nous permet pas de garder ceux qu'on aime près de nous...
- La vie est cruelle Mère, ne le devient pas plus encore!
- Par le feu ils trouveront la punition... tous... ils le méritent tous!!
- Reprend tes esprits... ce sont tes frères, tes amis, ton mari qui meurent sous tes yeux!
- Ces incapables qui se proclament grands mages... Et ton père ce couard qui est resté impuissant... Aujourd'hui arrive l'heure de mon chatiment!
- Mère...!
- Vous seuls méritiez mon indulgence....
- Pourquoi... non! Il n'est pas trop tard Mère, toi seule peut rompre le charme... Ils ne sont pas responsables de ta folie!
- Tous... ils le méritent tous!

Ravagée par sa folie, ma mère plongea soudain la lame dans son ventre et s'effondra au sol. Je bondis sur elle pour la soigner avant que la mort ne l'emporte mais mes sorts restèrent inopérants... Tout comme elle avait pris soin d'user de la magie pour que les autres villageois ne puissent sortir de leurs huttes en feu, elle avait prévu un sort repoussant toute magie qu'on pourrait lancer sur elle. Dans son dernier souffle elle m'adressa ces mots en me dévisageant cette fois avec empathie : « Part... accompli ta destinée... Protège cet enfant, il est voué à un accomplir de grandes choses... Voici ton fardeau... »

J'ai airé des jours entiers totalement désemparée. Mon neveu ne pleurait jamais,comme s'il avait compris la tragédie qui venait de se jouer et voulait me soulager de la tache qu'on m'avait confiée.
Arrivant dans un port, je pris le premier bateau en partance sans me soucier de sa destination. Après tout, plus rien ne me retenait ici et je ne savais pas où aller, le hasard déciderait donc de notre sort. Durant le trajet maritime, une violente tempête surpris les marins. Le navire était malmené par les vagues et le vent soufflait en rafales folles. M'accrochant tant bien que mal au pont du bateau, je m'efforçais de retenir le berceau de Valkorat qui m'échappait à chaque nouveau tangage. Brusquement le navire pencha dangereusement et ma main laissa échapper l'anse du couffin de mon neveu. Je repris difficilement mon équilibre et m'élança pour le rattraper mais un mur d'eau s'abattit sur moi et me fis passer par dessus bord.

Je suppose que mon corps a été ramené au hasard des courants jusque sur les rivages de Trépont... Mon amnésie est-elle du au choc physique ou à la douleur d'avoir perdu celui que je devais protéger? Toujours est-il que j'ai failli à ma tache, Valkorat est loin de moi maintenant... Je grade pourtant l'espoir fou qu'il ai survécu et qu'il grandisse aujourd'hui auprès d'une famille aimante...

J'en fais le serment, je te retrouverais Valkorat....

Goulmiche marque avec lenteur le prénom de son neveu et laisse s'échapper une larme qui vient s'écraser sur la page, diluant l'encre et faisant disparaître le prénom si cher à son coeur. D'un geste brusque, la kultare referme pour la dernière fois son précieux carnet, se relève et plonge sur regard triste sur les cotes Irilionnaises qui se dessinent au loin.

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