[V] Naedrah

Ici, l'on conte des chroniques relatives aux îlots centraux
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Naedrah
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[V] Naedrah

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Prologue

Galein'th Aseyis, jour 22 du Kamarien - Fingelien 368.

Mon salut à vous, qui aimez les histoires.
Si je me décide à raconter aujourd'hui la mienne, ce n'est pas pour assouvir un penchant égocentrique.
C'est pour moi une façon de rendre hommage à tout ce que j'ai laissé derrière moi en arrivant en Draïa, et à ces chères âmes que j'ai tant aimées et qui mêlent à présent leur voix à la Musique Céleste du Dieu Créateur.

La tristesse qui m'a tenu lieu de compagne durant plus d'un Figelien m'a maintenant quitté, laissant la place à une sereine détermination.
Mais il sera toujours temps de vous narrer mon présent et de vous parler de mes projets, sur d'autres écrits que celui-ci.

Laissons maintenant le passé reprendre ses droits, voici l'histoire de celle qui fut ...
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Takjlit Meker, Fingelien 367

Chapitre 1

Assise au pied de la tour du Campement Principal nommé ici Takjlit Meker, le "Grand Village", une fillette écoutait attentive le chant des Te'Saâ Sout.

La fillette en connaissait chaque accord, dont elle mimait les changements du bout de ses lèvres sans pourtant émettre le moindre son, respectueuse de l'art de ses ainées. Une suave modulation ondulait dans l'air chaud du soir, de vibrantes harmoniques s'élévaient telles de légères bulles de savon. Comment imaginer que cette mélodie avait le pouvoir d'anéantir quiconque tenterait de franchir les pallissades du camp sans y être invité ? C'était pourtant bien le cas : le rôle des Te'Saâ Sout, les Neuf Voix, était de perpréter ce chant à l'infini, et il sortait de leur gorge, inextinguible.

Dihya, en tant que première née et selon la tradition familiale, était vouée à devenir l'une d'elle, si elle passait avec succès l'audition. Elle soupirait en se disant qu'elle devait encore attendre quelques mois avant de se présenter comme novice, l'age de sept ans étant requis pour postuler. Mais elle possédait déjà une voix sublime, heureux héritage familial : sa mère, Sout-Henathou était elle-même l'une de ces chanteuses.

La fillette attendait que sa mère termine son service, débuté il y a presque deux heures. Elle profiterait alors durant quatre heures de la douce quiétude du foyer familial, avant de reprendre un nouveau service de deux heures. Les Gardiennes Chanteuses -comme on les appelait aussi - étaient au nombre de dix huit : neuf titulaires et leurs neuf suppléantes atitrées, chargées d'assurer la continuité du service en cas de blessure, maladie ou grossesse. Mais seules cinq femmes joignaient simultanément leur Voix pour produire l'Hymne Protecteur. Une rotation était organisée selon un cycle immuable : deux heures de Chant pour quatre heures de repos. En contrepartie de ce service, leur salaire et leur logement étaient à la charge de la communauté.

Dihya commençait à s'impatienter, et même le sublime spectacle du soleil se couchant derrière les dunes ne parvenait pas à retenir son attention. Soudain, un petit frôlement la fit sursauter. Un intépride rongeur trottait le long de sa jambe. La petite bête marqua un temps d'arrêt pour fixer effrontément la fillette de ses petits yeux brillants. Amusée par la frimousse frémissante du rat, Dihya, tendit doucement une main pour le caresser tout en modulant un son très doux, hypnotique. Le rongeur subjugué par la voix de la fillette ne bougea pas. Le bout des doigts de Dihya entrait en contact avec le pelage de l'animal quand soudain ...

"Dihya ! Je t'ai déjà dit mille fois de ne pas jouer avec un animal inconnu !"

Absorbée par ce qu'elle faisait, la fillette n'avait pas vu sa mère arriver. De surprise, elle interrompit son chant, ce qui inévitablement rompit le charme. Le rongeur, soudain affolé se retourna, lui mordit vivement l'index, et s'enfuit.

"Aie !" gémit la fillette.

"Et voilà, ce n'est pourtant pas faute de t'avoir prévenue... " soupira sa mère, un rien excédée.
"Rentrons vite, que je te soigne cette petite blessure"

Sout-Henathou et sa fille prirent ensemble le chemin de la tente familiale, sans se douter que cet incident allait irrémédiablement bouleverser leurs existences...
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Chapitre 2

Takjlit Meker pleure ses morts.
Pas une seule famille n'a été épargnée, certaines ont été touchées plus durement que d'autres, mais aujourd'hui chacun pleure un enfant, une épouse, un mari, un frère ou une soeur ...

L'épidémie a fondu sur le Campement Principal telle un oiseau de proie sur un rongeur : rapide et impitoyable.
Et avant que les chants de guérison et que toutes les ressources de la Magie de L'Esprit n'arrivent à l'endiguer, la maladie avait eu son tribut de victimes.

Dihya fut parmi les premières à s'éteindre, après plusieurs jours de fièvre, de délire et de souffrances, sous les yeux impuissants de ses parents.
Puis ce fut le tour de Iakh-Delkaïs, son père, qui avait délaissé sa fonction de juge pour relayer son épouse au chevet de leur fille unique, avant de réaliser, trop tard, que ce dont elle souffrait était terriblement contagieux. Il avait rejoint très rapidement la fillette dans la mort. Curieusement, Sout-Henathou avait été épargnée.

Personne n'osait encore donner de nom à ce fléau, lorsqu'on commença à trouver ici et là des cadavre de rats. On rapportait que les premiers malades avaient quasiment tous été en contact avec l'un de ces rongeurs, et très souvent mordus. Et du passé ressurgirent de terribles histoires...

Devant l'ampleur du désastre, et à cause des risques de contagion, le Campement fut mis en quarantaine. Des bûchers furent allumés pour brûler les cadavres, sans distinction de rang ou de classe. Bien que l'on répugnât habituellement à recourir à ce procédé, des alertes télépathiques furent lancées, pour dissuader quiconque d'approcher du Campement tant que la situation ne serait pas redevenue sans risque.

Et puis, vînt le jour où les survivants purent enfin rendre hommage à leurs défunts.
En dépit de la situation d'urgence, et bien que la crémation ne soit pas dans les coutumes de ceux qui s'appelaient eux-même Ikhendjenn, le Peuple Qui Chante, on avait veillé à ce que chaque famille puisse récupérer les cendres de ses morts. Les potiers avaient fait tourner leurs tours jours et nuit pour fournir nombre d'urnes funéraires. Il était important pour le rituel d'avoir, à défaut d'un corps, des restes à inhumer.

Un long, très long cortège cheminait d'un pas lent vers les grandes cavernes entourant le site du Campement. Les voix se fondaient entre elles, en un bouleversant requiem. Un son grave et mélancolique, produit par l'architecture particulière des tombeaux et les courants d'air y circulant, accompagnait les chants funèbres. Plus l'on s'approchait des sépultures, plus il gagnait en intensité, et plus les chants devenaient poignants. Chaque famille était représentée, amenant en leur dernière demeure les victimes de ce qui s'appelait désormais "la Peste des Landes". Les urnes furent déposées aux cotés des corps des ancêtres, puis les caveaux familiaux furent refermés au son d'une dernière litanie. Et le cortège reprit le chemin inverse, entonnant cette fois des chants d'amour et d'espoir, narrant les temps heureux et promettant des futurs souriants. Pour tous, le deuil était officiellement terminé.

C'est alors que Sout-Henatou, épuisée d'avoir tant veillé, chanté et pleuré s'écroula, inconsciente, devant les portes de Takjlit Meker.
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Chapitre 3

Un rayon de soleil filtre à travers l'ouverture de la tente...
Un rire d'enfant, cristallin, la tire de sa torpeur.

Sout-Henathou ouvre les yeux, un sourire aux lèvres "Dihya !" Mais ce cri, cet appel reste emmuré dans son esprit : aucun son n'a pu sortir de sa gorge.

Une tente ? ... Quelque chose cloche... Où suis-je ?

Elle essaie de se redresser, au bord de la panique. Comme elle est faible !
Une main douce mais ferme se pose sur son épaule et la force à rester allongée. Elle tourne la tête, reconnait ce visage et essaie encore d'articuler, en vain : "Mère ?"

La femme bleue à son chevet hoche la tête. Elle n'a pas besoin d'entendre la voix de sa fille pour comprendre son désespoir.

"Enfin tu reviens à toi mon enfant... nous étions tous si inquiets!"

Sout-Henathou soudain revoit tout : la ville en quarantaine, les buchers, les familles endeuillées, la marche funèbre .... puis plus rien.
Un grand vide, une grande douleur dans la poitrine.
Tous ces sanglots... elle se sent vide, vaine.
Ses yeux sont secs, plus de larmes, elles sont taries d'avoir été tant versées.

Sa voix aussi s'est tue....elle ne peut plus chanter ... elle ne peut plus parler !

Comme pour lui confirmer ses craintes, sa mère l'appelle doucement : "Naedrah ... mon enfant... " la voix se brise dans un sanglot, vite réprimé.

"Naedrah .... Ainsi donc, c'est fini ... Sout-Henatou n'est plus? Je ne suis plus l'une d'elles ? Les Te'Saâ Sout ... mes sœurs..."
Bouleversée par cette révélation, la jeune femme ne prend conscience qu'au regard de sa mère qu'elle a usé de télépathie, involontairement, pour s'exprimer.

"Naedrah", reprend la mère "Sais-tu quel jour nous sommes ?"

Un regard perdu lui tient lieu de réponse.

"Tu a perdu connaissance devant les portes du Campement au retour du cortège. On t'a tout d'abord transportée chez toi. Mais ton délire était si fort que tes sœurs Gardiennes ont craint pour ta santé : tu délirais... mais ... c'est notre esprit et non nos oreilles qui recevait tes angoisses et tes plaintes. Elles redoutaient que tu ne finisses par perdre la raison . Tu as donc été transportée jusqu'ici. En te ramenant à ton village natal , on espérait que t'éloigner des lieux du drame t'aiderait à recouvrer tes facultés. On s'est relayé à ton chevet, t'administrant soins, potions, chantant sans s'arrêter pour te sortir de ce cauchemar dans lequel ton esprit semblait être emprisonné. Tu es restée inconsciente durant deux semaines."

Naedrah hoche la tête, abattue.

"J'ai tout perdu mère : Mon bien aimé Armathan, notre adorable Dihya, et ... ma voix. A quoi bon continuer à vivre ?" émet-elle.

"Si les dieux ne t'ont pas invitée à aller joindre ta voix à leurs chants d'Eternité, c'est qu'ils ont encore des projets pour toi, ma fille."

"Des projets ..." Incrédule, la jeune femme secoue encore la tête, et essaie une nouvelle fois de parler.

"Ne force pas, Nae" lui dit tendrement sa mère, usant à dessein du surnom qu'elle lui donnait enfant, "ta voix reviendra, sans doute, mais il faudra du temps. Le traumatisme a été violent, il te faudra du courage et de la patience pour surmonter tes pertes ... toutes tes pertes..."

La main maternelle vient se poser doucement sur la joue enfiévrée de sa fille, apaisante, réconfortante. "Repose-toi, ma gazelle, tes forces reviendront, et avec elles ...." Ne voulant pas donner d'espoir prématuré à sa fille, la Femme Bleue s'interrompt.

"Je vais te chercher quelque chose à manger, c'est la première chose à faire maintenant, pour te remettre d'aplomb".
Dernière modification par Naedrah le 18 juin 2008, 17:24, modifié 2 fois.
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Chapitre 4

Naedrah regardait gravement le vieil homme assis en face d'elle, attendant de sa part une réponse. Comme il prenait le temps de la réflexion, les pensées de Naedrah se remirent à vagabonder dans un recoin bien gardé de son esprit qu'elle avait appris, depuis sa récente infirmité, à fermer aux autres.

Elle regardait le sobre ameublement de la maison de sa tante Sout-Sebakthit, soeur ainée de sa mère, qui l'avait accueillie les bras ouverts à son retour à Takjlit Meker. Les maisons des Te'Saâ Sout étaient toutes construites sur le même modèle et celle de sa tante ne dérogeait pas à la règle : des murs en briques d'argile, une entrée débouchant directement sur une grand salle commune, une cuisine et dans son prolongement un appentis servant de garde-manger. Un toit en feuilles de palmier nouées et superposées en plusieurs couches, de petites ouvertures en guise de fenêtres pour garder une relative fraicheur à l'intérieur du logis. Comme dans toutes les habitations de la Grande Cité, il n'y avait pas de chambre indépendante. La grande salle faisait office de salle à manger, les repas se prenaient assis à même le sol, sur des tapis brodés. Le soir venu, les tapis étaient roulés et poussés le long des murs, et on étalait pour la nuit les nattes sur le sol en terre battue. Quelques paravents tendus entre les couches assuraient un minimum d'intimité aux dormeurs.

Naedrah avait du laisser son logis à une nouvelle Chanteuse, mais elle avait l'illusion parfaite d'y être revenue. Et, contrairement aux craintes que sa mère avait émises, ce décor ne lui causait aucune peine. Bien au contraire, les souvenirs qui remontaient malgré elle lui apportaient la plupart du temps plus de réconfort que de tristesse.

Un raclement de gorge la fit revenir au présent.

"Entendu, Naedrah. La Bibliothèque du Grand Conseil t'est ouverte. Tu pourras y faire tes recherches. Si tu en exprimes le besoin, je te traduirai les textes anciens, et tu pourras prendre des notes. Mais j'exige qu'aucun document ne quitte la Bibliothèque, ne serait-ce que pour quelques heures. Nous sommes bien d'accord ? "

Le vieil homme au visage buriné fixait Naedrah, comme s'il voulait sonder son âme. Elle lui répondit d'un hochement de tête, lent, mesuré, soutenant le regard inquisiteur. L'esquisse d'un sourire se dessina fugitivement sur ce visage taillé à la serpe, et le vieil homme se leva, pour prendre congé.

Après son départ, Sout-Sebakthit se tourna vers sa nièce.

"Tu penses vraiment trouver un remède à ton mal dans ces archives, ma nièce ? Cette bibliothèque n'a pas vu un visiteur depuis des fingéliens, elle est devenue quasiment un musée où les ouvrages dorment sous la poussière. Je ne suis pas certaine que passer tes journées dans la solitude et les archives soit pour ton esprit la meilleure médication ..."

Naedrah sourit, mais interrompit d'une pensée volontaire la tirade de sa tante.

"Sebak ...
Je ne cherche pas seulement un antique et hypothétique remède à mon mutisme : je dois trouver des réponses, et je pense que même si elles ne se trouvent pas toutes ici, c'est un point de départ. Je veux comprendre : pourquoi ce fléau, pourquoi toutes ces attaques d'Elhaï Tamur ? Elles sont bien cruelles, ces Terres Vivantes : hier la Peste des Landes, et demain, à quoi devons nous nous attendre ? Les campements se vident, tout notre peuple tremble. La population de Takjlit Meker ne cesse de croître, grossie par cet exode. Tous finiront par affluer ici, les oasis mourront, et seuls les dieux savent quelles autres épidémies, famines, ou pire ... nous guettent. Je n'ai pas la prétention de sauver notre bel Ikhenaïen Tamur à moi seule, mais je ne peux plus rester à attendre... Je veux comprendre, apprendre du passé comment espérer agir sur l'avenir."


Un silence vint conclure ce dialogue, lourd de craintes et d'espoirs. Sans plus échanger un mot, perdues dans leurs pensées respectives, les deux femmes finirent de prendre le thé.
Dernière modification par Naedrah le 26 juil. 2008, 18:09, modifié 1 fois.
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Chapitre 5

Ikhenaïen Tamur, quelque part sur la cote, Fingelien 368.

La jeune femme ajuste sa cape de voyage et vérifie le contenu de son petit sac.
Le départ est proche, le bateau est à quai.
Déjà, quelques uns de son peuple, venus de tous les campements encore existants - mais pour combien de temps encore ? se demande-t-elle - ont commencé à embarquer. Naedrah essaie de lutter contre l'émotion qui l'assaille lorsqu'elle franchit à son tour la coupée. La traversée sera longue et incertaine, ces mers hostiles ont souvent eu leur content de naufrages... Mais son destin l'appelle là-bas et sa décision est prise, en dépit des mises en gardes éplorées de sa mère et de sa tante. Seul son père n'a pas cherché à la dissuader. Une lueur d'encouragement, d'envie peut-être, éclairait son regard alors qu'il l'étreignit pour la dernière fois.

L'air marin l'enivre un peu. Elle se trouve un coin isolé sur le pont, s'assied en tailleur et ferme les yeux. Les derniers mois passés à Takjlit Meker défilent dans son esprit et elle les revit mentalement, avec une acquité étonnante. Elle revoit ....

La Bibliothèque...
Le Viel Erudit...
Les ouvrages par dizaines, remplissant les rayonnages poussiéreux...

Elle revit sa soif de culture : durant des mois, elle a dévoré tous les récits narrant l'histoire de son peuple, ainsi que les rares ouvrages évoquant les autres peuples et l'épopée de Fingel. Le viel homme a tenu parole et lui a traduit, à chaque fois qu'elle lui en faisait la demande, les textes les plus anciens, et ceux écrits dans les langues des autres peuples. Elle connait maintenant, un peu, le visage des Landes avant et après Fingel...

Mais point de remède à son mal. Apprendre que les ancêtres de son peuple n'avaient pas plus de voix qu'elle aujourd'hui ne l'a pas consolée. Le phénomène qui a fait naître le premier des Ikhendjenn reste aussi inexplicable que celui qui l'a privée de son timbre puissant et magnifique.

En revanche, elle a découvert la réalité des Ilots centraux. Oh, elle connaissait déjà leur existence : les contes maternels avaient rempli son enfance de ces aventuriers intrépides parti chercher gloire, fortune, ou voulant tout simplement fuir un passé trouble. Mais ce n'était pour elle que des légendes, qu'elle avait peu à peu oubliées en grandissant, insouciante des dangers qui grondaient hors de la sécurité du Grand Campement jusqu'à ce que s'abatte sur sa ville et sur sa famille le Fléau.
Curieusement, hormis une topographie sommaire d'où émergeraient le nom de deux îles et de brefs récits au ton plutôt laconique, la documentation sur les Ilots n'abondait pas. Draïa, puisque c'est le nom qui leur était donné, semblait vouloir garder son mystère et s'entourer d'un voile de brume. Elle en fit la remarque au Vieil Erudit, qui la regarda d'un air étrange pour, après un long silence, lui réciter quelques vers d'un poème inconnu :

"Voici donc ces fameuses terres
Qui aiment retenir dans leurs serres,
Celui dont le courageux cœur
Infaillible à la terreur,
Ou l’aigre-douce infortune
Qui, de désespoir, s’assume
L’a amené a s’approcher,
De ces landes bien cachées..
Perdu entre les hauts sommets.
Ires et colères et regrets,
Le submergent. Mais très vite,
Il veut fuir mais ne résiste…"


Il marque une longue pause, puis regarde la jeune femme dans les yeux.
"C'est un endroit magnifique et terrible, Naedrah... Tu y trouverais sans doute les réponses à bien des questions ..."


Un mouvement soudain la tire de son introspection : les amarres ont été larguées, lentement le bateau s'éloigne du rivage. Elle rejoint la proue, offre son visage aux embruns, hume l'air iodé.

Le regard perdu vers l'horizon ...
Dernière modification par Naedrah le 18 juin 2008, 17:24, modifié 1 fois.
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Message par Naedrah »

... Elle prie :

Qui sait où les vents nous pousseront ?
Qui sait si nous atteindrons un jour la rive ?
Je suis d'un regard fixe la course du soleil levant
Quel genre de feu nous consumera là bas?
Seul un fou pourrait le dire.

Qui sait où ce chemin nous mènera ?
Qui sait si nous nous rencontrerons en route ?
Tel l'aventurier intrépide,
Je suis l'étoile la plus brillante
Que trouverons nous là bas ?
Prions pour que la tempête cesse vite.

Les vents ont tourné,
L'orage est passé.
Remercions les Dieux,
Il n'y a plus de danger.
Sous des cieux limpides
Nos voix entonnent des chants de Gloire
La Paix est sur les Landes.

Qui sait comment ce monde va nous changer ?
Qui sait ce que le destin cache dans ses malles ?
Aussi loin que mes yeux peuvent la voir
Je poursuis la lumière de la vérité
Comment savoir où elle se posera ?
Seul un fou pourrait le dire

Et encore des cieux orageux,
Des cris de batailles
Des chants de gloire
Et toutes ces années
Où nos oreilles et nos yeux
Se sont remplis de larmes.

Qui sait où ce chemin nous mènera ?
Qui sait ce qui a été perdu en route ?
Je cherche la Terre Promise
Dans tous les rêves que nous partageons.
Quand saurons nous si nous sommes arrivés?
Seul un fou pourrait le dire...

Nous avons gagné cette guerre,
La bataille est terminée
Remercions les dieux,
Il n'y a plus de danger.
La nuit est finie,
L'attente est terminée,
La paix règne sur les Landes...

Jusqu'à la prochaine fois ....
Compagne d'Aura
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